samedi 24 décembre 2011

Ca tient à peu de choses

J'étais en 4° année, ou plutôt, je redoublais ma DCEM2 après des oraux mémorables (cf ici). Je me posais beaucoup de questions. Pour plusieurs raison :
D'abord : est-ce que j'ai vraiment ma place en médecine, sachant que j'avais réussi les examens de justesse (cf ici encore).
Ensuite : est-ce que ça me plait vraiment ? parce que pour être franc, je ne voyais pas bien le rapport direct entre les cours de sémiologie (où les Professeurs ne se pointaient pas), les stages de sémiologies où finalement, on apprenait à interroger un patient sans rien pouvoir en tirer derrière, et la pratique réelle.

Je connaissais par cœur certains cours, notamment ceux de sémiologie digestive parce que ça faisait beaucoup marrer mes potes non-carabins quand je leur racontais les différentes variétés de caca et de vomi. Par conséquent, je savais comment palper un ventre mais je n'avais idée de ce que l'information recueillie pouvait m'apporter pour un quelconque diagnostic.

C'est assez frustrant d'avoir la tête pleine d'un savoir inutile.

Ma première quatrième année ne m'avait pas apporté grand chose (à part un stage que je raconterai une prochaine fois) surtout parce que j'étais passé en chirurgie. Et le cours de D2 étaient complètement différents des précédentes années. C'était comme si on nous demandait en début d'année de connaître tout le programme des 3 prochaines années. Beaucoup de travail et frustrant de voir qu'il manque encore une foule de connaissance pour avoir le niveau de base.

J'aborde donc ce redoublement comme la dernière chance : si ce stage ne me plait pas, j'arrête médecine. Je suis tombé dans un hôpital militaire (je rappelle qu'à ce stade, j'avais les cheveux longs et la barbe).

Je me suis retrouvé avec un maître de stage qui est devenu un maître tout court. Il prenait le temps (la visite avait toujours du retard) non seulement d'expliquer aux patients mais aussi à nous les externes. Il demandait la permission de nous faire écouter des souffles, interpréter des signes cliniques.

"Madame Omi, qui vient pour une maladie de ...
_ Non, dis-moi d'abord de quoi elle se plaint.
_ Euh...d'oedèmes des membres inférieurs.
_ Voilà ! depuis quand ?
_ Euh...2 mois.
_ Les oedèmes, c'est signe de quoi ?
_ Ça peut être de l'insuffisance cardiaque droite.
_ Bien. Pour étayer ton hypothèse, il y a quoi d'autre comme signes d'insuffisance cardiaque droite ?
_ Euh, l'hépatomégalie, la turgescence jugulaire et le reflux hépato-jugulaire.
_ Très bien. Mais surtout, il faut vérifier quoi ?
_ Qu'il n'y ait pas d'insuffisance cardiaque gauche ?
_ Oui, et ça se manifeste comment ?
_ Par un œdème pulmonaire ?
_ Oui ! donc Madame Omi, vous permettez qu'on vous examine et qu'on vous ausculte ? On va vous regarder le foie, le cou et les poumons.
_ Avec plaisir."

C'est surtout ça qui m'a réconcilié avec la médecine : le patient présente un ensemble de signes qu'on peut regrouper en syndrome, ces syndromes ont plusieurs étiologies et le but du médecin sera de faire le diagnostic étiologique pour soulager le patient de ses signes. "On ne traite pas des chiffres."

J'ai enfin compris à quoi servait de travailler, ce que représentaient les maladies aux noms barbares. J'ai pu faire le tri dans tout le bordel de données accumulées dans la tête et pu ranger les suivantes dans les tiroirs idoines.

En dehors de la chambre, on rediscutait des étiologies possibles, du pronostic, du traitement, du suivi. On comprenait le patient dans sa globalité, son ensemble. C'était une personne à part entière et pas le porteur d'une maladie.

Si vous aussi dans votre entourage, il y a eu des gens qui ont provoqué un déclic chez vous, remerciez-les et envoyez leur au moins une petite carte de vœux.

Joyeux Noël à tous =)

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