mercredi 28 mars 2012

Thèse 10 : un vrai combat

Ceci fait suite à cela, entrecoupé avec ça.

Je reviens donc de 2 mois de remplacement dans les iles, au chaud, au soleil, grassement payé. J'ai fait quelques rencontres, l'une m'a appris la patience (cf ici) et l'autre la pâte feuilletée (cf ). Une troisième rencontre m'a permis d'avoir une proposition de poste à l'hôpital, dans les iles, en novembre, dès que je serai diplômé. Mais voilà, je me traîne encore un énorme boulet : ma thèse.

Ma remplacée m'a beaucoup aidé pour la mise en forme mais j'ai toujours les tableaux à revoir tout seul, les graphiques à faire tout seul et mes stats à recalculer tout seul. Et surtout, j'ai rendez-vous avec mon directeur de thèse en rentrant de cette parenthèse enchantée.

J'ai fait tout bien comme il m'avait dit : j'ai viré les 25 pages qui ne l'intéressaient pas (un peu inutiles, il faut l'avouer), viré les 25 pages de stats de haute voltige, contre-disant toute la littérature sur le sujet mais trop compliquées à son goût (c'est pas faux), retravaillé les 25 pages les plus intéressantes mais que j'avais écrites n'importe comment (faut être honnête). Je lui envoie donc mon texte par email et nous avons rendez-vous pour discuter un peu de la suite des événements.

Nous sommes début septembre. Pour soutenir une thèse fin octobre, il faut remettre aux membres du jury la thèse imprimée 1 mois auparavant, pour qu'ils aient le temps de la lire (c'est qui est absurde puisque les trois quarts du temps, ils ne la lisent pas). Comme il faut environ 5 jours à l'imprimerie de la fac pour tout imprimer et bien tout corriger la mise en page, le texte doit être finalisé au plus tard mi septembre. Ce rendez-vous est donc celui du serrage de pognes final, du "ok on passe à la phase finale".  Il me restera 2 semaines pour fignoler et rédiger la conclusion. Mais Pr A est plein de ressources.

Est-ce que vous vous représentez les matchs de boxes française du XIXème siècle ? Non ? Bon. Imaginez deux bourgeois moustachus, gentils hommes au demeurant, polis, bien sous tous rapports, en juste-au-corps blanc-cassé, qui se mettent sur la gueule, mais toujours avec respect et en s'insultant poliment du style :
"_ Cuistre !
Crochet droit dans la mâchoire 
_ Rustre !
Crochet gauche dans l'oreille
_ Paltoquet !
Coup de pied latéral dans le flanc
_ Faquin !
Uppercut dans le menton.

Le rendez-vous avec Pr A s'est à peu près passé comme ça. Nous savons tous les deux pertinemment que nous nous détestons réciproquement. Mais chacun a besoin de l'autre : moi de lui pour bénéficier du titre de docteur en médecine; et lui de moi pour une publication dans une revue prestigieuse. Nos rapports restent courtois et respectueux mais l'envie de s'arracher mutuellement les aspérités du visage pour les loger dans des orifices divers n'en reste pas moins présente. Presque palpable dans l'atmosphère épaisse du bureau jaune.

Je traverse la porte comme j'entre sur un ring. Lui me fait face, entre nous la table et l'ordinateur sur lequel il a fait toutes les corrections. En somme il va me commenter ses commentaires.

Chers lecteurs/auditeurs/téléspectateurs nous sommes en présence de 2 compétiteurs acharnés qui vont s'affronter pour le titre de Docteur en médecine du boxeur à ma gauche, 1m80, 74kg, poids plume. 
Face à lui, El Professor, la terreur des rings de médecine. 1m70, 75kg, catégorie des poids lourds, qui joue en terrain familier. Plusieurs dizaines de thèses à son actif et pas moins du double d'articles, cité dans les recommandations nationales sur plusieurs thèmes. 
Les deux adversaires se serrent la main...enfin les gants...euh...comme ils peuvent. Chacun cherche à faire plier l'autre du regard. Il regagnent leur coins respectifs du bureau jaune. Le match peut commencer. 

Round One : (oui je sais, c'est plutôt de la boxe anglaise mais bon...on va faire semblant)

"_ Bon, j'ai relu ta thèse. Il y a encore du travail.
Direct au menton
_ Il faut vraiment que tu t'inspires davantage de quelques articles de référence sur le sujet.
Deuxième direct
_ J'ai lu les 3 articles que vous m'aviez donnés. Il y a 2 revues de la littérature dont une qui sort des chiffres d'on ne sait où et des figures qui ne sont citées nulle part, comme sorties d'un chapeau. L'autre fait référence à des données que nous n'abordons que brièvement dans la thèse.
Esquive et crochet gauche dans le maxillaire
_ Certes. Mais leur façon de présenter les résultats est concise et va directement au but.
Esquive et direct du droit
_ Oui, mais non. La conclusion des deux revues de la littérature est que nous manquons de critères pertinents et c'est tout l'objet de ma thèse.
Direct du gauche dans le nez, le compétiteur en short rouge profite de la stupeur de son adversaire pour lui asséner un crochet du droit dans l’œil
_  En plus, leur méthodologie de travail est vaseuse et les articles qu'ils ont piochés sont tellement hétérogènes qu'on ne peut rien en tirer. C'est d'ailleurs leur conclusion.
Uppercut dans le menton. L'adversaire titube
_ C'est vrai. Justement. Il faudra donc que tu les cites dans la première partie.
Il reprend ses esprits, tourne autour et tente une approche
_ Mais le troisième article, lui, donne des réponses claires et des critères pertinents.
Jeu de jambes et crochet du gauche
_ Oui mais il se base sur une population qui n'est pas du tout celle de ma thèse. On ne peut pas s'appuyer sur ce que l'auteur dit.
Esquive et direct du droit
_ C'est vrai mais c'est la plus grosse étude dont on dispose et la plus solide. On va quand même se servir de ce qui y est écrit.
Coup de coude sournois dans le maxillaire. L'arbitre n'a rien vu. L'adversaire enchaîne
_ En plus, cet article est admirablement bien écrit. Il faudrait que tu refasses tes tableaux de présentation en t'inspirant des tableaux de cette étude.
Double droit dans le menton et le nez
_ Ok. Mais mes résultats sont contradictoires avec ses résultats. Il faudra le souligner dans la conclusion.
Riposte immédiate avec crochet gauche dans la mâchoire
_ D'ailleurs il faut qu'on en parle de la conclusion. Il faut absolument expliquer pourquoi nos résultats diffèrent des études précédentes. Aussi solides soit-elles.
Deuxième crochet du droit dans le maxillaire
_ Et puis nous n'avons pas à rougir, nous avons presque autant de tumeurs que cette étude. Voir davantage dans certaines catégories.
Uppercut dans le menton. L'adversaire se reprend 
_ Oui mais moins dans d'autres. Par exemple, seulement deux tumeurs intermédiaires ! c'est n'importe quoi de les compter à part.
Riposte immédiate avec feinte du droit...
_ Il faut les compter avec les tumeurs malignes
...et direct dans les dents
_ J'en avais déjà parlé dans la première version de ma thèse et quand je vous ai montré mes tableaux il y presque un an. On aurait pu aborder le sujet plus tôt !
Feinte à gauche, feinte à droite, direct dans le menton
_ J'espérais qu'en relisant tes tableaux tu en trouverais davantage. On ne peut pas faire de statistiques avec seulement deux tumeurs.
Esquive
_ C'est vrai. Je vais les ranger avec les tumeurs malignes.
Accolade des deux protagonistes. L'arbitre les sépare, le gong sonne

Round two : 

_ A ce propos, tes tumeurs malignes...seulement 8 ?
Intimidation avec feinte du droit vers le maillot
_ Non, 10 maintenant.
Provocation avec un doigt d'honneur (mais sous le gant ça ne se voit pas)
_ Oui bon. Quand bien même. 10 c'est trop peu. T'es vraiment sûr qu'il n'y en a que 10 ?
_ Oui oui, j'ai fouillé les archives pendant presque 1 an à partir du fichier que vous m'aviez donné.
Les deux adversaires se regardent et se jaugent
_ Ce n'est pas possible. Il en faut plus.
Crochet du droit ultra rapide dans les cotes
_ Il va falloir que je fouille dans mes dossiers perso pour t'en trouver davantage...
enchaîné avec un crochet du droit dans le menton
_ ... et que tu retournes dans les archives pour extraire plus de données des dossiers que tu as.
et un uppercut dans le maxillaire controlatéral
Le premier compétiteur recule
_ J'ai déjà regardé dans les dossiers et croyez-moi, l'extraction des données a été exhaustive.
Jeu de jambes
_ Je ne te crois pas.
Intimidation
_ Je vous répète que toutes les données disponibles au CHU ont été exploitées.
Direct du droit dans les dents
_ Ça veut dire que les données manquantes proviennent d'en dehors du CHU. Il va falloir que tu retournes aux archives pour savoir où les patients ont eu leur scanner, dans quel cabinet privé de radiologie, les appeler pour qu'ils nous envoient le CD et le faire relire aux radiologues.
Triple coup bas. Monsieur l'arbitre ! réagissez !
_ Ça me semble peu probable de récupérer quoi que ce soit : il faudrait que le cabinet de radiologie ait conservé un CD aux archives d'un scanner qui date parfois d'il y a 10 ans.
Jeu de jambes, le compétiteur tourne autour de son adversaire
_ Il faut le faire quand même.
Magistral crochet du droit dans l’œil ! Pourtant le premier compétiteur a tout tenté pour l'esquiver. Il tombe à terre, 1...2...3...et se relève. Personne ne l'acclame. 
_ Je veux bien le faire mais il faut qu'on fixe une date de fin de recueil. Je peux encore passer un an à extraire des données si ça vous chante. On aura toujours de quoi faire.
Retour gagnant avec un direct dans le nez, le deuxième compétiteur en short jaune titube mais ne tombe pas
_ D'accord. Mi-octobre. Ça te laisse 6 semaines pour appeler les radiologues privés, récupérer les CD et les faire relire. On part sur cette date ?
L'adversaire tente une accolade
_ Ok mais il faut d'ores et déjà fixer une date de soutenance.
Encore un direct dans l’œil cette fois-ci
_ Si on dit mi-octobre la fin du recueil, le temps de refaire les stats, de faire les dernières corrections, d'imprimer, de trouver un jury...disons...

Le gong sonne.

Round three : 

_ ... mi-décembre.
Direct du droit dans le plexus. La troisième reprise commence dur
_ Pas possible. J'ai un poste d'assistant qui m'attend en novembre.
Crochet du gauche...manqué
_ Impossible de finir plus tôt. Ça serait bâclé.
Belle esquive
_ On part sur une thèse de qualité et exhaustive alors.
Le boxeur en rouge complimente son adversaire
_ Mmm...Exhaustive...la première version de 100 pages, sans la conclusion, c'est trop long. Il faut être le plus concis possible.
L'adversaire en jaune n'en a cure. Il retourne un violent crochet du gauche...
_  Inspire-toi du troisième article.
...enchaîné avec un direct du droit
_ Je vous rappelle qu'on est en train de rédiger une thèse, pas un article. Ça n'a rien à voir.
Esquive et provocation
_ Oui mais pense à l'article qui va suivre. Il faut que tu gardes la publication en tête.
Accolade, séparation suivie d'un uppercut dans le plexus
_ Je le répète, c'est un travail différent. Il faudra de toute manière retravailler la thèse pour en faire un article en suivant. Alors soit on se met d'accord tout de suite pour rédiger un article soumis à publication, soit on finit le travail de thèse et on verra pour l'article plus tard.
Double direct dans les deux maxillaires. L'adversaire n'est même pas sonné
_ Non, la soumission d'un article prend beaucoup plus de temps qu'une thèse, jamais tu ne finiras cette année si on s'y prend comme ça. Je te rends service là.
Esquive et provocation du short jaune qui montre sa joue avec son gant. 
_ On est donc bien d'accord que je rédige une thèse et pas un article pour le moment.
Jeu de jambes
_ Oui mais il va falloir être plus concis encore. D'ailleurs, la fin des résultats est trop longue. On n'en a pas besoin.
Uppercut dans le nez, le compétiteur en rouge saigne
_ Quoi !? mais c'est la plus intéressante et ça n'a jamais été publié par personne nulle part !
La vision floue, le premier compétiteur tente un crochet du droit
_ On en parlera dans un autre article si tu y tiens.
Esquive et coup bas. Arbitre !!! ça fait quatre fois !!!
_ Je te rappelle que dans une thèse, il faut répondre à une seule et unique question.
Cinquième coup dans le maillot
_ Vu ce que vous avez amputé, j'ai moyen de faire 2 articles supplémentaires avec toutes mes données.
Direct dans l’œil, joli rattrapage
_ Oui mais concentre toi d'abord sur ta thèse et le premier article. On verra dans 2 ans pour les suivants.
Uppercut dans le front, pile entre les 2 yeux
_ Bon je crois qu'on a fini l'entretien.
Le compétiteur est à terre. 1...2...3...4...
_ On fixe une date pour le prochain rendez-vous. Disons fin octobre.
...7...8...9...
_ Et pas la peine de m'écrire d'ici là, je serai en congrès puis en vacances.
et un petit coup de pied dans les cotes.
...10 !!! KO !!!

J'aurais bien aimé qu'il y ait une voix off pendant cet entretien, un commentateur objectif qui puisse me dire quand mon maître de thèse a dépassé les bornes, si mes revendications étaient légitimes. Malheureusement, quand le directeur de thèse est aussi le président du jury et à la fois le coordinateur du DES, c'est à dire l'homme qui a le pouvoir de dire si je mérite le titre de spécialiste ET de Docteur, le match est joué d'avance : c'était lui l'arbitre.

Si tous les coups bas sont permis, attends un peu ! pour le match retour, je ne vais pas me laisser faire. To be continued...

mercredi 21 mars 2012

L'amour et la pâte feuilletée

Ceci est la suite de cela.

L'amour, c'est comme le meurtre, il y en a 3 types :
   - passionnel : ce n'est pas réfléchi, c'est spontané, dans l'instant et souvent, on ne prend conscience des conséquences qu'après. C'est là qu'on décide souvent de cacher le corps.
   - prémédité : c'est complètement réfléchi, travaillé même, avec un plan d'attaque, une stratégie, même les conséquences sont calculées, l’alibi est déjà trouvé d'avance.
   - d'opportunité : ça se présente à soi, presque naturellement, alors pourquoi refuser.

Il faut toujours regarder à qui profite l'acte pour savoir qui mène la danse. Il a toujours un sujet et un objet. Sauf dans de rares cas où, incidemment, les deux sujets bénéficient de la mise en scène, s'accordent comme des violons et aboutissent ensemble à ce moment que Shakespeare appelait la "petite mort".

Hier soir, ce n'était ni passionnel, ni prémédité. Qu'on se comprenne bien : il y a une fille qui m'attend plus ou moins en métropole (enfin, on fait un break, c'est compliqué), une fille parfaite pour moi.  Pourquoi irai-je m'embarquer dans une histoire sans lendemain (je retourne en métropole dans 2 semaines) avec une parfaite inconnue ? Parce que je peux le faire, parce que personne n'en saura rien, parce qu'elle est belle, parce que je me sens seul, parce que personne n'en saura rien, parce que, parce que, parce que...on trouve toutes les excuses du monde, assez facilement. Alors pourquoi ce sentiment d'insatisfaction ?

Nous sommes le lendemain du rendez-vous, après une journée de consultations écourtée parce que, comme par hasard, la moitié des patients de l'après-midi avaient annulé leur rendez-vous. Tant mieux. J'ai pu rentrer plus tôt chez moi. Et quand il y a quelque chose que me travaille, une idée que je n'arrive pas à formuler et qui reste bloquée dans ma tête, soit je cours, mais là, avec les courbatures, c'est pas possible. Alors j'aime bien cuisiner quelque chose de nouveau.

Je prépare tous les ingrédients : la farine, le beurre, le sucre, la vanille, le lait, la crème fraîche, les œufs. Pendant ce temps, je retrace les événements de la veille.

Je sortis en quatrième vitesse de la douche, je me préparai comme je pus : pantalon moulant mais pas trop (je me suis déjà fait avoir ici) ainsi qu'une belle chemise, habillé mais décontracté...Je montai dans la voiture prêtée par ma remplacée et me dirigeai vers le lieu de rendez-vous, un bar au bord de la plage.

La soirée commençait très bien, nous discutâmes de choses et d'autres :
"_ Pourquoi partir dans les iles ? demandai-je
_ Pourquoi pas ?
_ C'est vrai, pourquoi pas ? la preuve : nous y sommes. Alors pourquoi ne pas être resté en métropole ?
_ J'avais besoin de changer d'air et de fuir l'hôpital pendant quelque temps.
_ Je peux très bien comprendre ça.
_ L'environnement y était délétère, j'avais l'impression d'étouffer sous la hiérarchie et de ne pas pouvoir faire du bon boulot.
_ Je vois très bien ce que tu veux dire."

Après deux ou trois verres chacun (moi du soft, depuis une certaine soirée, je ne supporte pas bien l'alcool) et après encore quelques paroles acides enrobées dans des calembours, sur les hôpitaux, les chefs, les infirmiers et les malades, nous quittâmes le bar et marchâmes le long de la mer.

Le plus dur dans la pâte feuilletée, c'est de ne pas faire sourdre le beurre à travers la détrempe (vous avez la méthode ici). Pour ça, il faut de la patience et du repos. Au premier essai, je voyais des yeux de beurre me fixer à travers la farine mais sans passer à travers. Je les cachais avec quelques poignées de farine et continuait à les étouffer sous des coups de rouleau à pâtisserie. Sans succès. Le beurre s'est étalé sur le plan de travail comme un abcès crevé s'étale sur le front d'un adolescent acnéique.
Première préparation : échec. Je recommence tout depuis le début : la détrempe puis l'adjonction de beurre. J’aplatis une fois et je range au frais.

Nous continuâmes à deviser en marchant, en regardant la lune se refléter dans les vagues et se briser sur la côte en étincelles d'argent. A un moment, nous arrivâmes à un promontoire, un peu en surplomb de la mer et avec une magnifique vue panoramique sur la baie. Je m'approchai de Valérie, petit à petit, à pas feutrés, glissant une main sur sa taille à droite et l'autre main vers son épaule, déposant un baiser dans son cou tout en la faisant tourner sur elle même, je remontai de la jugulaire vers ses lèvres entrouvertes.

Je ressors ma préparation. Je saupoudre le plan de travail de farine et je commence à étaler délicatement une première fois. Je rabats, je tourne d'un quart de cercle et j'étale une deuxième fois. Pas d'éclaboussure de graisse. J'imprime deux points sur la surface, j'enveloppe dans de la cellophane et je remets au frais. Je patiente 20 minutes.

Elle répondit à mon baiser et m'embrassant derechef, se cala plus près de moi, m'enlaça de ses bras qui guérissent, qui pansent, qui soignent. Le temps s'arrêta, ou bien il fila à toute allure, je ne sais pas. Toujours est-il que les embrassades durèrent le temps nécessaire au désir de monter jusqu'au seuil où la soirée devait prendre une autre tournure pour ne pas tourner court.

Je ressors ma préparation. Farine, rouleau, j'étale, je travaille et...une vilaine fuite de beurre visqueux sors d'un coin et se répand sur le plan de travail. J'enrage, je fulmine, je fous à la poubelle et je recommence. Je respire, zen, j'inspire profondément, je retiens ma respiration et j'expire calmement. Détrempe, beurre. J'étale une fois, je tourne, j'étale encore. Je fais deux points sur la surface, j'enrobe, je réserve au frais.

Elle dit :
"_ Tu habites où ?
_ Euh...plutôt vers...c'est loin d'ici.
_ Ok, c'est pas grave. Je vais te montrer la route. Tu me suis et je te montrerai, à un moment, il faudra tourner à droite.
_ Ok."

Je la suivis tout le long de la route mais bizarrement, à aucun moment elle ne tourna à droite. Ah si. Au bout de 30 minutes de route, je la vis mettre son clignotant à droite et se garer.
"_ Je crois qu'on ne s'est pas bien compris. En fait, je bosse demain et je te montrais la route pour rentrer chez toi. Il fallait tourner à droite quand je te l'ai montré. Là, on est arrivé chez moi.
_ Ah mince, j'avais pas du tout compris ça. Je pensais que tu me montrais où tu habitais.
Évidemment, elle habitait à l'opposé de chez moi.
_ Bon tant pis, maintenant que t'es là, je ne vais pas te virer non plus. Tu montes prendre un verre mais pas plus d'une demi-heure d'accord ? demain je bosse super tôt.
_ Ok."

Je ressors pour la énième fois ma préparation. J'ai bien attendu 30 minutes cette fois-ci. Je saupoudre, j'allonge ma pâte sur le plan de travail et je commence à la travailler, doucement, gentiment, tendrement, pour ne pas qu'elle ne m'échappe entre les doigts. Je vais et je viens avec mon rouleau à pâtisserie, d'avant en arrière, un peu sur les côtés, je retourne la pâte et je recommence. Quand elle commence à prendre, la pâte devient extrêmement agréable à manipuler, souple et ferme à la fois. Je lui dessine comme un quatrième nombril sur son dos et je la laisse reposer au frigidaire.

Nous montâmes chez elle, elle ne m'offrit rien à boire, nous nous embrassâmes fougueusement dans le couloir, puis dans le salon/chambre/salle à manger (elle avait un tout petit appartement) et nous atterrîmes sur le lit. Elle, à califourchon au dessus de moi, commença à m'embrasser dans le cou, à passer ses mains sous ma chemise, sans la déboutonner, à me mordiller le lobe de l'oreille, à m'embrasser encore et encore. Libre uniquement de mes mains, je commençai par lui caresser les cuisses, puis les hanches, remontai vers sa taille, son nombril, la naissance de ses seins, redescendis vers la taille, en exerçant une toute petite pression sur son bassin, légère mais ferme, afin de la rapprocher de moi.

Maintenant que ma pâte est bien fraîche, je la laisse reposer encore et j'attaque la crème pâtissière. Je mélange la farine, les œufs, le sucre, facile. Dans la casserole, je fais chauffer à feu doux le lait avec les grains d'une gousse de vanille fendue en deux dans le sens de la longueur. Une fois que ça crépite, je mélange farine/œufs/sucre avec le lait vanillé tiède et je remue, lentement, pour que les deux s'imprègnent l'un de l'autre, progressivement.

Elle se sépara de moi, se leva et alla sur le balcon, respirer la brise océanique. Je me dirigeai vers elle, l'empoignant par la taille, la calant contre la rambarde, mes mains sur ses mains, mon ventre contre son dos, l'embrassai dans le cou, puis je guidai son menton vers le miens et nous nous embrassâmes encore. Ses mains restèrent sur la rambarde, les miennes se promenèrent sur sa taille, montèrent de concert progressivement puis la main gauche se dirigea vers une fesse tandis que l'autre lui caressait la naissance du cou, juste à l'endroit où se rejoignent les deux clavicules et je descendis, lentement, lentement, vers cet endroit si doux et qui tient si parfaitement dans la main. Et ce petit oiseau qui ne demandait qu'à s'échapper de sa cage de coton fut si facile à convaincre. Je la retournai promptement pour l'avoir face à moi.

La crème pâtissière est délicieuse et si facile à faire ! je lèche tellement la cuillère qu'il faut que je me retienne de tout finir en une fois. Je m'attaque alors à la crème chantilly. Je sors la crème fraîche du réfrigérateur, je la vide dans un bol en métal qui j'avais mis au préalable au congélateur. Une pincée de sel, quelques poignées de sucre et plusieurs tours de batteur et le tour est joué. Légère, voluptueuse, capiteuse comme je l'aime. Je remet le récipient au frais et je sors la pâte feuilletée. Je refais 2 tours supplémentaires et finalement je l'étire de tout son long sur le plan de travail. Étalée comme cela dans la cuisine, j'ai vraiment le sentiment d'avoir conquis cette pâte réticente. Je la découpe en tranches parallèles, puis en rectangles de même taille, je les sépare et les place sur une plaque protégés par deux couches de papier-cuisson, avec une plaque supplémentaire par dessus. J'enfourne et j'attends.

Au quart dénudée, le haut à moitié effeuillé, Valérie se rua sur moi avec un regard de braise, plaqua ses mains sur mon torse et me repoussa vers l'intérieur, me plaquant violemment sur le lit. Elle s'assit à cheval sur moi à nouveau, me prit les mains, en garda une sur un sein, glissa un doigt de l'autre dans sa bouche et commença à faire des mouvements de hanches sur mon bassin pendant que mon index glissait délicatement sur son sternum.

Au bout d'une demi-heure de cuisson, je sors les rectangles de pâte feuilletée du four. C'est brûlant mais j'y mets les doigts tellement j'ai hâte même si ce n'est pas raisonnable. Même si ça fait mal aux doigts. Ça sent terriblement bon. J'en étale la moitié sur une autre plaque (attention, elle devra rentrer dans le réfrigérateur plus tard), je badigeonne de crème pâtissière et je me dirige vers le saladier de crème chantilly.

Je repris le contrôle de mes mains, je les dirigeai lentement vers son nombril, son bassin, le bouton de son jean que je commençai à décrocher. Valérie se tourna alors vers moi et dit :
"_ Ça fait 30 minutes. Demain, je me lève à 5h du matin. Il faut vraiment que tu t'en ailles. Ça ne serait pas raisonnable si tu restais davantage."

Je n'ai rien compris, en cinq minutes j'étais dehors avec le courant d'air de la porte qui me claque presque au nez. Je me suis tapé les 45mn de route pour retourner chez moi dans une incompréhension monumentale. En parlant de monument, il y en avait un érigé sous le volant et qui n'a pas voulu descendre de son piédestal pendant tout le trajet. Même que ça en devenait douloureux. Ça ne voulait pas redescendre.

La crème chantilly était redescendue. C'était juste de la crème froide. Pathétique. Mais comme le saladier n'était plus assez froid, j'ai du transvaser la crème dans un récipient, laver le saladier, le remettre au congélateur. En faisant la vaisselle, j'ai cassé un verre. De mieux en mieux. Puis j'ai ressorti le batteur mais la deuxième fois c'était plus difficile alors j'ai pris mon temps. Heureusement, le reste de la préparation ne pouvait pas s'effondrer. Une fois la volupté souhaitée retrouvée, j'ai déposé un nuage de crème chantilly (dans une poche à douille) par dessus la crème pâtissière. Puis j'ai rajouté un étage de pâte feuilleté, à nouveau la crème pâtissière et la chantilly. Et pour finir, j'ai recouvert chaque mille-feuille d'une fraise Tagada. 

Au moment où j'ai fini de gouter le premier mille-feuille, un régal, je reçois un SMS de Valérie : "c'était super sympa hier, j'ai passé une excellente soirée, mais je préfère qu'on en reste là."

Pendant 24 heures, je me suis demandé si j'aurais du contrevenir à son ultimatum et repousser les limites. Ou bien si j'aurais pu négocier une prolongation (certains diront une troisième mi-temps). Ou bien si, carrément, je n'aurais pas du l'attacher, elle et sa montre, aux montures du lit ou à la balustrade et consommer sur place. Quitte à ce qu'elle me fouette un peu la fois suivante.

Toutes ces réflexions se sont avérées nulles et non avenues à la réception du SMS : non, c'est non. Mais merci quand même.

L'amour, c'est un peu comme la cuisine. Parfois, il faut laisser mijoter les sentiments en touillant doucement. Parfois, au contraire, il faut savoir saisir les opportunités au bon moment avant qu'elles ne retombent. Parfois, c'est le récipient qui ne se prête plus à la situation. Parfois, quelque chose se brise mais on recommence, parce qu'au final, c'est tellement bon.

Ça doit être ça la recette de l'amour : un mélange de spontanéité, de patience, de persévérance et d'épices. Rien à voir avec les meurtriers psychopathes finalement. Et puis, mes mille-feuilles, ils ne ressemblaient à rien, mais c'était les miens, à moi, que j'ai fais tout seul, et ils étaient vraiment succulents.

samedi 17 mars 2012

Année sabbatique 5

Tous les épisodes précédents ici (1, 2, 3, 4) et aussi ici (Thèse 1 à 9).

C'est mon dernier weekend de glande entre 2 semaines de travail intensif : remplacement et rédaction. Je ne savais pas où aller et ma remplacée me propose :

"_ J'ai un collègue qui m'a proposé de faire l'assistance médicale pour une course. Comme je suis enceinte jusqu'aux dents, j'ai refusé mais je lui ai dis que je t'en parlerais. Est-ce que ça t'intéresse ?
_ Ça consiste en quoi au juste ?
_ C'est une course de montagne, il faut juste la présence d'un médecin en cas d'accident, genre une fracture. Mais tous les coureurs ont un certificat médical et sont expérimentés. C'est rare qu'il y ait un soucis. Je lui dis oui ?
_ Ok."

Je prépare donc mon sac à dos et mes chaussures de rando. Ce qu'elle avait omis de me dire, c'est que le lieu où je devais me rendre étais inaccessible en voiture, uniquement à pied. C'est pour ça qu'il leur manquait de médecin. Ça ne dure que la journée mais j'avais décidé de rester la nuit et redescendre le lendemain pour profiter un peu à me détendre et ne penser à rien d'autre, me vider la tête de cette foutue thèse.

Départ de la course à 5h30 du matin mais je serai au kilomètre 25. On m'a dit d'être présent pour 7h. C'est un ravitaillement, il y a plein de bénévoles qui s'activent à couper les oranges en 4, couper de petits bouts de gâteau, répartir les biscuits sur des assiettes, les fruits secs, de petites coupes de sel pur et remplir des centaines de verres d'eau et de coca. Ils ont porté toute cette nourriture et toute cette eau sur leur dos...

"_ C'est quoi cette course au fait ?
_ C'est le tour du plus haut sommet de l'ile : 53km et 3000m de dénivelé.
_ QUOI ?!? mais c'est un truc de barbare ! personne de sain d'esprit ne peut faire ça ! c'est pas possible.
_ Ah si c'est possible. Même qu'un des favoris, c'est mon cousin et il compte finir la course en 7h."

Je n'y crois pas une seule seconde. Quel genre d'être humain est capable de ce genre d'exploit sportif ? et c'est même pas retransmis à la télé ! entre les marathoniens et eux, il y a la même différence qu'entre l'amateur de foot à la télé, bière à la main au fond de son canapé et les joueurs de l'équipe nationale. Est-ce qu'on peut même encore parler de sport à ce niveau là ? c'est de la torture ! Mais qu'est-ce que je fous là ? Je vais avoir des pelletées de mec estropiés, avec des genoux, des mains, des dents en moins, complètement déshydratés, à bout de force...et encore, je ne suis qu'à mi-parcours.

J'ai pris mon courage à deux mains en me disant que demain je me reposerai. Je vais affronter la journée la sueur au front mais j'agirai vaillamment.

Un peu avant 9h, le premier coureur arrive, frais, même pas fatigué, comme s'il faisait une bête promenade. Le mec, il vient de se taper 27km en moins de 3h30 et il n'est pas fatigué !!! OH !!! je suis sur la planète Mars là ? Ont suivi une petite ribambelle d'une cinquantaine de marsiens, dans le même état, même pas une ampoule à déplorer. A chaque arrivée, l'équipe de bénévoles refait le plein de victuailles.
Puis nous avons eu droit à une petite pause, enfin pour eux, parce que moi, jusqu'ici, à part regarder passer les trains, j'avais quand même pas grand chose à faire. Sur le coup de midi, le reste du troupeau est arrivé, dans un état un peu moins bon. Quelques ampoules percées par 1 infirmière et des étudiants, quelques crampes massées par 2 kinés et quelques entorses.

A un moment, l'infirmière est venue me voir :
"_ Est-ce que vous savez bander ?
_ Euh...et bien euh...c'est à dire que...
_ Les entorses ? est-ce que vous savez les bander ?
_ AH ! j'avais pas compris.
_ Vous aviez compris quoi ?
_ Euh...laissez tomber. Vous voulez que je bande des chevilles c'est ça ?
_ Oui, mettez-vous là, on vous passe le matériel. Vous nous rendrez grand service."

Elle est repartie bander de son côté. 
Nous avons eu quelques blessés jusqu'à 16h, heure à laquelle le poste de ravitaillement fermait. Aucun blessés graves, heureusement. Au final, je n'ai pas servi à grand chose. C'est même hallucinant que personne ne se blesse davantage à courir 27km, même en 12 heures ! Le plus inquiétant dans l'histoire, c'est qu'à travers leur sueur, tous souriaient. Tous étaient lumineux, hommes et femmes, fiers d'eux, contents d'être là, heureux de souffrir sur des routes de montagnes à courir comme des dératés. 

Les bénévoles commencent à tout ranger.
"_ Je ne l'ai pas vu passer votre cousin. Des nouvelles ?
_ Oui, il a bien fini, seulement 3° en 7h12mn. Un peu déçu.
Je rêve.
_ Et il en fait d'autres des courses comme ça ici ?
_ Ah oui ! Même que celle-ci n'est pas la plus difficile.
_ QUOI ?! plus dur que ça ?!
_ Ah oui ! revenez en octobre, il y a la Grande Course. La traversée de l'ile. 160km et 9000m de dénivelé.
_ C'est un truc de fous.
_ Vous n'imaginez pas le plaisir que ça peut être de finir cette course.
_ Non, je suis loin d'arriver à imaginer ça.
_ Ce n'est pas si difficile ! Moi j'ai arrêté à cause de mon genou mais vous ? vous courrez ?
_ Oui, un peu.
_ Faut vous y mettre davantage, vous verrez, plus vous courrez, plus vous aurez envie de courir encore."

Devant ce monde d'incompréhension qui s'ouvrait à moi, j'avais deux possibilité : soit occulter, soit copier, pour arriver à grappiller une miette du plaisir qu'ils peuvent éprouver à s'infliger ça. Je me suis animé d'un seul sentiment : je veux comprendre. Objectif : j'ai 6 mois pour participer à leur course de fous.

Pendant que tout le monde rangeait, au milieu de tout le bazar, j'essayais de récupérer mon barda quand l'infirmière est retournée me voir :
"_ J'espère que je ne vous ai pas brusqué quand j'ai demandé de l'aide tout à l'heure.
_ Non non, ça allait. J'ai étais surpris c'est tout. Votre nom ?
_ Valérie.
_ Enchanté. Georges. vous faites quoi demain soir ?
_ Rien de prévu pour le moment.
_ Alors vous accepteriez de prendre un verre avec moi au bord de la plage ?
_ D'accord. A demain soir."

Elle est repartie, sac au dos, emmenant ses 2 étudiants de retour vers la civilisation, en m'inscrivant son numéro sur un pansement. Je restai seul au milieu des montagnes à contempler le ciel, parcouru de zébrures orangées et bleutées du couchant, hachuré par les lignes abruptes de sommets et dessinant l'ombre chinoise de géants sur les remparts comme un cinéma aux proportions pantagruéliques.

Le lendemain, j'ai quitté les cimes, j'ai respiré l'air de la rosée montagnarde, avant que le soleil ne touche la vallée. De retour à la maison, j'ai chaussé mes godasses de sport, un short, un Tshirt et mon capteur. Je règle sur 10km (ce n'est jamais que le double de ce que je cours d'habitude) et j'enfile mon casque, accompagné de John, Robert, John et Jimmy (ils jouaient ça).

Au début, c'est dur, surtout de s'y remettre après plusieurs semaines le cul posé sur une chaise. Au bout, de 500 mètres, je tousse, je crache, je sue, à grosses goutte. Ma salive se transforme en mousse épaisse dans ma bouche. J'ai oublié d'adapter ma respiration. Alors je prends de grandes inspirations par le nez et j'expire par la bouche, régulièrement, paisiblement mais amplement, et ça va mieux.

Au bout de deux kilomètres, la machine corporelle est en route, les articulations bien huilées, tout passe tout seul. Je me permets d'allonger la foulée, de faire de grandes enjambées, je vais bien.

Arrive la limite virtuelle des 5km. Si je continue au delà, je n'aurais jamais couru aussi loin. Et ça passe. Je continue sans souffrir. A 7km, ça commence à piquer un peu dans les pieds, de petites fourmis de rien du tout, puis de toutes petites aiguilles, puis l'impression de marcher sur des oursins. Ensuite, ça passe aux cuisses, on redescend aux mollets et on remonte aux fesses.

Les 2 kilomètres suivants sont difficiles. Et pourtant, j'ai fait tout le parcours sur du plat (pas fou le mec). Ça tire dans tous les sens. Ça devient presque difficile de soulever la jambe à chaque pas. Alors je fais de petites enjambées avec les cannes presque raides.

Les derniers 500m sont interminables. Je revérifie le capteur une bonne centaine de fois pour être sûr qu'il n'est pas cassé et que je ne suis pas en train de courir inutilement alors que le temps est fini depuis longtemps.
Le bip final sonne enfin. La voix off du capteur annonce dans mon casque "Félicitations, vous avez fini votre objectif de 10km. Vous avez couru 1h15mn et dépensé 700kCalories."

J'ai chaud et transpirer ne sert à rien. Je coule, je dégouline, j'imbibe mon tshirt ET mon short. Je suis une flaque géante mais verticale. Vite ! s'étirer dès que possible parce qu'après, je serai raide comme Robocop. Ça fait mal mais je sais que ce sera pire si j'attends. Je rentre chez moi en marchant tout doucement, précautionneusement.

Sur la route du retour, j'ai une sensation de chaleur dans la poitrine, qui se précise petit à petit : j'ai les tétons en feu. A force de courir, avec le frottement du tshirt sur mes seins poilus, ça décape. Et maintenant, ils sont à vif. Je prends la douche la plus apaisante au monde, j'ai l'impression d'être recouvert sur toute ma surface de peau de la crasse accumulée depuis plusieurs années de débauche. Je savonne, fort, plusieurs fois. Je m'applique de la crème sur les tétons. Vous n'imaginez pas le plaisir que ça procure. Je regarde l'heure. Oh zut ! je vais être en retard au rendez-vous avec Valérie !

Je me précipite hors de la salle de bain...aïe. Je ne peux pas me précipiter, c'est physiquement impossible. Je vais faire comment pour arriver au rendez-vous ? 

To be continued...ici

samedi 10 mars 2012

Année sabbatique 4

C'est évidemment la suite de thèse 9, mais comme je ne parle pas du tout de ma thèse dans ce billet, je suis obligé de le renommer.

Nous posons donc nos affaires dans le bungalow, chacun d'un côté, puis nous commençons la visite de notre petite île tropicale. Par "nous", j'entends Élodie et ses 2 amis, parce que bon, pas cons les mecs, il y a un gars qui rapplique avec une voiture, ils vont pas le virer non plus.

Plongée, palmes-masque-tuba (PMT pour les intimes) au milieu de coraux fantastiques, de poissons colorés (les mêmes que dans Némo) au milieu d'une eau turquoise à travers laquelle on voit le fond...paradisiaque.
Puis repas au bord de la plage, langouste, fruits exotiques, riz...Allez, les amis, c'est ma tournée (repas pour quatre à 12 euros, trop sympa le mec).

Puis plage, plage et re-plage. Au terme d'une journée épuisante, riche en couleurs (le rouge surtout, j'avais pris un coup de soleil dans le dos) nous sommes retournés, elle et moi, dans notre bungalow. C'est là qu'a commencé la danse : chacun fait un pas en avant, teste l'autre, examine sa réaction, puis se retire, à l'autre d'avancer d'un pas, petite pirouette et retour à la case départ.

Chacun se déshabille à tour de rôle dans la salle de bain, en prenant bien soin d'en ressortir vêtu d'un pyjama sommaire, même s'il fait une chaleur torride (tant au sens propre qu'au figuré). Le but étant de couvrir un maximum de peau sans passer la nuit à transpirer, mais ne pas trop en cacher non plus histoire de donner quelques aperçus à l'autre de certaines parties de nos anatomies dont nous sommes les plus fiers.
Malheureusement, ayant fait ma valise 2 jours avant de rencontrer Élodie, ce genre de choses ne s'anticipe pas. J'optais donc pour un petit short qui mettait bien en valeur mes charmantes petites fesses, et le plus petit Tshirt dont je disposais.
Elle se vêtit d'un tanga scandaleusement moulant et d'un simple châle pour le haut, opaque dans la demi-pénombre mais à moitié transparent au moindre rayon de lumière. Mon sang bouillait (malgré les ventilateurs) : tout ce qui venait par paires chez elle était parfaitement bien proportionné et s'accordait divinement bien avec l'ensemble. Mon Dieu qu'elle était belle.

Dans ma tête, c'était la guerre : je me lance tout de suite, mais si elle me rejette, demain, ça va être la grosse merdasse pleine d'ambigüité. Mais si je n'y vais pas, elle va penser que je ne m'intéresse pas à elle, alors que ce n'est pas vrai...Je fais quoi ?!?!
Pendant ce temps, elle se glisse sous les draps, côté gauche du lit, à raz bord. Je m’immisce timidement de mon côté, le droit, également à mon extrémité respective. Je me rapproche ? un peu ou carrément droit sur elle ? je commence à esquisser un mouvement d'approche et...

Elle sort son livre :
"_ J'aime bien lire avant de m'endormir.
_ Moi aussi.
C'est la vérité.
_ Zut, il n'y a qu'une seule lampe et elle est de ton côté."

Elle s'est collée à moi, en cuillère, la tête contre mon épaule, la lampe dans mon dos pour pouvoir lire ses quelques chapitres. Je faisais semblant de tourner les pages. Comme je vous disais, sous la lumière, son châle m'offrait des courbes autrement plus élégantes et instructives à regarder que celles des mots dessinés sur du papier. Mais pourquoi suis-je aussi timide que quand j'avais 14 ans ? C'est pas possible ! Lance-toi Georges !

Juste à ce moment là, elle se tourne vers moi, tends son bras vers mon épaule droite comme pour m'enlacer et m'embrasser mais, au lieu de cela, elle coupe le contact de la lampe et me lance :
"Bonne nuit" avec un petit sourire mi-endormi, mi-timide.

Bon, ben, la littérature aura décidé pour moi du sort de la nuit. Note pour demain matin : rembobiner le marque-page et le remettre au bon chapitre.

Mes sens se réveillent un part un. D'abord l'ouïe avec les oiseaux qui chantent dès la première lueur. Puis l'odorat, le petit déjeuner et ses croissants sont prêts. Vint la vue : je me suis retrouvé au milieu du lit. Le toucher : il y a comme un poids sur ma poitrine. Je baisse la tête : Élodie est endormie, la tête sur moi, un bras en travers de mon ventre, une jambe sur la mienne. Le dernier sens à s'éveiller : le goût : mais qu'est-ce que j'ai bien pu manger hier soir pour avoir comme du chacal séché au fond de la gorge ?

Elle ouvre un œil, puis l'autre, se rend compte de la situation et se contorsionne pour se reporter de son côté du lit en prenant bien soin de rabattre son châle sur elle. Elle était écarlate, et oui ! c'est possible même sur une peau mate comme la sienne. Toute gênée, j'ai tenté de la rassurer comme j'ai pu (en me débrouillant pour ne pas lui souffler mon haleine matinale fétide) :
"_ Il ne s'est rien passé, on s'est juste réveillé dans les bras l'un de l'autre. C'est tout.
_ S'il te plait, n'en parle pas aux autres, d'accord ?
_ D'accord."

Le reste de la journée s'est passé normalement, visite de réserves de protection de la faune, les singes, les perroquets, les serpents...plage encore et toujours. Le soir, concert de musique locale jusqu'au milieu de la nuit.

De retour au bungalow, même manège que la veille, chacun se place de son côté du lit. Mais cette fois-ci...il est 5h du matin, je suis bien naze et je reprends l'avion demain matin pour recommencer le boulot le surlendemain. Je fais quoi ? je prends le risque de ne pas dormir et de bosser le reste de la semaine avec les cernes de Jacques Higelin ?
Et puis, en début d'année, j'avais émis le souhait de rencontrer la femme de ma vie pendant mon année sabbatique. Il y a en a une exceptionnelle à moins d'un mètre de moi. Si ça se trouve...Mais je viens de rompre avec une autre femme d'exception...enfin, techniquement, nous ne sommes pas séparés, nous avons pris un peu de distance pour réfléchir.
Mouais, en général, les périodes de réflexion...la réponse est connue avant de poser la question (je fais volontairement preuve de mauvais fois pour bien montrer qu'en ces moments, nul n'est vraiment objectif). Mais je fais quoi avec celle qu'il y a à côté de moi ? Si c'est bien la femme de plusieurs années, est-ce bien judicieux de commencer notre relation sur une tromperie ? comment pourrai-je être certain qu'elle ne recommencera pas quand elle se sera lassée de moi ? Je ne vais pas non plus prendre mon téléphone tout de suite, écrire à Murielle par texto que c'est fini pour pouvoir batifoler l'esprit tranquille ! ça serait plus que moche, ça serait...

Pour mettre un terme à toutes ce tergiversations, je me tourne vers elle. Je verrai bien comment ça se passe et j'aviserai ensuite. Je lui caresse lentement le bras, je descend doucement, je passe précautionneusement la main droite sur sa rotondité puis vers sa cuisse droite. Je m'avance pour lui administrer un baiser dans le cou et j'entends sa respiration. La mienne était saccadée, rapide. La sienne lente, profonde, apaisée. Elle dormait.

C'est une énorme qualité des travailleurs médicaux : nous avons la faculté, fatigués, de garde ou de lendemain de garde, de pouvoir nous endormir rapidement n'importe où. C'est pratique pour récupérer, ça l'est moins dans certaines circonstances, comme ce soir par exemple.

Je m'en retournais, dépité, à mon extrémité du lit. A force de réfléchir, le moment était passé.

Le lendemain matin, nous nous sommes réveillés dans la même position, dans les bras l'un de l'autre. Elle a ouvert un œil puis l'autre, a sondé mon regard. Je lui ai dis :
"_ Ce matin, je te garde dans mes bras.
_ D'accord."

Elle a souri, je me penche vers elle (en priant qu'elle soit indulgente des haleines matinales) et l'embrasse. Elle me retourne ce baiser, m'empoigne le cou et me presse vers elle mais juste après, elle s'éloigne et retourne de son côté en regardant le plafond.
Je me penche vers elle, embrasse la base de son cou, son sternum, son nombril et je me dirige vers l'origine du monde pour savoir si la marée monte...je sens sa respiration se saccader, comme lors d'un accouchement, elle plonge ses deux mains dans mes cheveux, serre fort et me dit :
"_ Je préfère ... pff pfff...que tu t'arrêtes là parce que ... pff pfff pfff...si tu commences, ... pfff pfff il va valoir que tu finisses et ... et ... pfff... et ce n'est pas une bonne idée.
_ Ah bon ?
_ Non. J'ai un copain.
J'ai essayé de cacher mon regard désappointé autant que possible, sans succès.
_ Tu es déçu ?
_ Oui, un peu (oh le bel euphémisme).
_ Je suis désolé de ne pas t'en avoir parlé plus tôt mais...je ne sais pas...je suis un peu perdue en ce moment.
_ C'est à dire ?
_ Ça va pas fort entre lui et moi. Les 2 mecs qui dorment dans le bungalow d'à côté sont ses potes, je retourne en métropole dans 2 jours...tout ça...c'est le tourbillon dans ma vie en ce moment et tu arrives pile à ce moment là. Tu me perturbes encore plus !
_ Mince, désolé de l'apprendre (zut, un peu trop d'ironie dans la voix). 
_ Par contre, j'ai le sentiment que...je ne sais pas...j'ai envie de te revoir. Mais j'ai pas envie de commencer comme ça.
_ Ça me va. T'as raison, c'est peut-être mieux d'attendre que les choses soient plus claire dans nos vies."

Je sais, c'est nul cet argument, mais à l'époque je ne le savais pas. Nous avons passé le reste de la matinée à glander dans le lit, dans les bras l'un de l'autre, en attendant la dernière minute pour que je parte prendre mon avion. Nous nous sommes re-raconté nos vies (la version longue cette fois-ci), histoire de se connaître davantage avant de nous revoir.
Elle a copain, ok, mais elle compte le quitter (mais bien sûr ! la marmotte tout ça...). Dans 1 mois, elle sera en métropole (moi aussi) et on pourra se revoir à ce moment là, au calme. Pourquoi pas ?

Mais tout ça, malgré tous nos efforts respectifs pour planifier nos situations, va se compliquer légèrement. Rien ne se passe jamais comme prévu. J'en parlerai la prochaine fois...

jeudi 8 mars 2012

Thèse 9

La liste des épisodes précédents, disponibles gratuitement ici : épisodes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

Au moment où je commençais à reprendre un peu d'emprise sur ma vie, elle commence à se barrer en courant : je finis de rédiger ma thèse et j'ai quasiment tout à refaire. Je finis par trouver une femme exceptionnelle et je la plaque. Quand c'est pas le sort qui s'acharne, c'est moi-même qui marque un but contre mon camps. J'avais plein de boulots super bien payés et je me retrouve sans rien, le gros creux de la vague.

Je ne m'appesantirai pas sur les raisons de la rupture. D'une part parce que ce n'est pas drôle, et quitte à raconter une histoire, autant qu'elle puisse un peu dérider les zygomatiques. D'autre part parce que j'y joue le rôle du connard. Comme c'est moi qui raconte l'histoire, je ne vais pas me balancer des fions (même si je devrais de temps en temps).

Je passe sur le break up sex qui est au-delà du réel. Je passe sur le baby blues du post-partum d'une thèse moche. Je passe sur l'anxiété de se demander si je vais retrouver du boulot, ai-je bien fait de prendre une année sabbatique ? (cf ici, ici et ).

Par le plus grand des hasards, une des personnes que j'avais remplacées me propose d'aller rendre service à une amie à elle, enceinte, qui aurait besoin d'aide pour 2 mois. Le seul hic, c'était dans les iles. Je l'appelle :
"_ Bonjour, le remplacement m'intéresse. C'est bien pour 2 mois ?
_ Oui oui ! a priori j'accouche en juillet, donc ça serait pour juillet et août.
_ Super !
_ On a un ami qui part en vacances et te laisse sa maison, il faudra juste nourrir les chats mais pas de loyer à payer.
_ Super ! mais euh...pour le billet d'avion...?
_ Ne t'inquiètes pas : une semaine de remplacement et tu auras largement rentabilisé ton billet, aller-retour."

Le remplacement parfait, très (mais alors TRÈS) bien payé, au chaud, au soleil, sauf que je n'aime pas les chats. Leur air arrogant, leur façon de nous faire comprendre que ce sont EUX les maîtres et qu'ils ne font que nous tolérer dans LEUR maison à eux, leur façon complètement hypocrite de nous faire des câlins uniquement quand ils ont besoin de manger et nous envoient bouler ignominieusement le reste du temps...Pour toutes ces raisons, je n'aime pas les chats. Ça, et mon allergie à leurs poils.

Arrivé sur place, j'ai à peine eu le temps de visiter, de m'installer, que j'ai tout de suite du commencer le travail. J'avais la secrétaire la plus parfaite du monde ! une jeune grand-mère de 55 ans, ultra-drôle, qui m'a un peu testé au début et qui m'a ensuite adopté complètement, avec qui je m'entendais extrêmement bien. Si j'avais pu rapporter une seule chose de mon séjour dans ma valise, ça aurait été elle.
Non seulement elle me faisait le café tous les matins, mais en plus, elle me tapait mes courriers sans fautes aucunes, adressées le lendemain aux médecins, elle me calait les rendez-vous parfaitement bien et me distrayait quand je suffoquais sous le boulot.

Je l'ai invitée à manger plusieurs fois, j'ai rapporté du café toutes les semaines, je lui disait des mots doux et des blagues dans le dictaphone...j'ai passé 2 mois à sourire grâce à elle. Parce que le reste du temps...

Il fallait malgré tout que je finisse ma thèse. La journée, je consultais de 8h à 18h, corrigeais les courriers de 18h à 18h30, faisais la comptabilité de 18h30 à 18h45 et révisais les trucs qui me posaient soucis dans la journée de 18h45 à 19h, 19h30. Je rentrais, je mangeais et il fallait que je passe une heure tous les soirs à re-trier et re-calculer ma montagne de données. Au bout d'un mois, ma remplacée, voyant que j'avais des cernes jusqu'au milieu des joues (la crème anti-hémorroïdes ne fonctionne pas), elle m'a demandé :
"_ T'es sûr que ça va ? pas trop de boulot ? j'ai réduit un peu pourtant (elle bossait de 7h30 à 19h30).
_ Non, c'est pas les consultations, j'adore ça. Non, c'est la thèse.
_ Ah zut, il te reste combien à taper pour quand ?
_ J'ai déjà tout écrit mais je dois tout ré-écrire pour fin août.
_ Je peux t'aider si tu veux.
_ Ah oui, avec grand plaisir, tu me sauverais la vie."

On a donc supprimé les consultations du vendredi pour revoir la rédaction avec ma remplacée. Le problème c'est la sur-spécialisation. Dans chaque spécialité, chaque médecin a son domaine de prédilection, l'organe ou la fonction qu'il ou elle affectionne particulièrement et se forme en conséquence. Le domaine de ma thèse était à l'opposé des compétences de ma remplacée. Elle m'a beaucoup aidé sur la présentation, la syntaxe, l'organisation des idées, le rangement des thèmes, la progression du raisonnement, l'ordonnancement des résultats.
Par contre, tout ce qui était de l'interprétation des résultats, ça lui passait à mille lieux au dessus de la tête. Mais ça m'a quand même permis d'avancer.

Ce qui m'a ralentit par contre : les chats. Qu'est-ce qu'ils ont ces cons à toujours vouloir faire leur sieste PILE au moment où j'écris et surtout PILE à l'endroit où j'écris. Ils ont TOUTE la journée ET la nuit à rien foutre et ils viennent me faire chier JUSTE au moment où j'aimerais qu'ils me foutent la paix.
Bon, j'avoue, une fois de temps en temps, quand j'ai besoin de câlins, il se trouve qu'il y en a toujours un pour venir sur mes genoux, ronronner et me faire des mamours. Si les chats me tolèrent, je peux bien tolérer les chats.

J'avais droit à 2 congés : 4 jours autour du 14 juillet et 4 jours autour du 15 août.

Le premier weekend, je suis parti sur une autre ile, proche, mais une où on ne parle pas français. Dans la salle d'attente pour le petit avion à hélices, soudain rentra une créature de rêve : grande, noire, avec des tâches de rousseurs et de grands yeux bleus, des cheveux crépus rangés en arrière dans un bandeau de tissu. Elle était visiblement un peu perdue. Je ne demandais qu'à l'aider. Je me dis intérieurement que si elle m'adressait la parole, je serais très très heureux.

Elle me regarda et vint s'assoir à côté de moi :

"_ Excuse-moi, j'ai vu que tu avais le Guide du Voyageur. Moi j'ai perdu le miens et il y avait toutes les coordonnées de tout ce que je devais faire sur place, y compris le numéro des personnes que je devais contacter. Ça serait possible que tu me dépannes un peu sur place ?
_ Oui bien sûr. T'as besoin de quoi ?
_ Déjà, peut-être qu'en relisant le guide, je retrouverai le nom de l'endroit où mes amis logent.
Je lui tendis mon guide, elle le feuilleta cinq minutes et me le rendis.
_ Non, je ne retrouve pas. Je ne sais pas quoi faire.
_ Bon, on va commencer par le plus simple. Est-ce que tu as un endroit où dormir ?
_ Non.
_ J'ai réservé un hôtel, on verra bien s'ils ont une autre chambre pour toi. Est-ce que tu as de quoi te déplacer ?
_ Je pensais prendre les bus mais...
_ J'ai loué une petite voiture, je pourrai te déposer n'importe où et après tu te débrouilles. Ça te va comme ça ?
_ C'est parfait, merci beaucoup !"

Elle se rassit au fond de la salle d'attente, pas longtemps, nous avons embarqué juste après. Dans l'avion, elle s'est levée et est venue me remercier encore, 2 ou 3 fois. A chaque fois, confuse, elle rougissait et ça faisait ressortir ses éphélides...le grand charme.

A l'atterrissage, direction ma petite voiture de location qui m'attendait à la sortie de l'aéroport : une 2CV jaune décapotable. Nous nous sommes dirigés vers la "grande ville", une espèce de patelin avec 4 rues goudronnées. Elle se réserve une chambre dans le même hôtel que moi (à 2 étages de différence je vous rassure). Nos chambres étaient pourries : un lit de 60cm de large, creux en son centre, grinçant. Pas de clim (c'est pas dramatique) mais pas de ventilateur non plus (là ça commence à chauffer). Un WC/douche, c'est à dire qu'en baissant le couvercle de la cuvette, on pouvait s'assoir dessus et prendre sa douche. Et des cafards gros comme des souris dans les coins. Nous nous sommes retrouvés à la réception.

"_ Est-ce que tu as la moindre petite idée de là où se trouvent tes amis ?
_ Je sais juste qu'ils ont un bungalow au bord d'une plage.
_ Il y a la plus grosse plage de l'ile à 5 minutes d'ici, on peut y aller déjà, on verra bien. Si ça se trouve, on les croisera là-bas."

Direction la plage. Donc, je résume pour ceux qui avaient encore un doute : j'ai comme passagère dans ma voiture décapotable, une fille d'un 1m80, magnifique, qui pourrait être mannequin, en maillot de bain, paréo et lunettes de soleil, et je l'ai rencontré il y a seulement quelques heures. Non, je n'ai aucun regret, j'ai bien fait de prendre une année sabbatique.

Arrivés à la plage, on se pose un peu et on croise un groupe de français :
"_ Dites, par le plus grand des hasards, vous n'auriez pas croisé 2 autres petits français ?
_ Si, comment ils s'appellent ?
_ Thierry et François.
_ Si.
_ Et par le plus grand des hasards, vous ne sauriez pas où ils habitent ?
_ Si, on a fait la fête chez eux pas plus tard qu'hier soir."

Avec leurs indications, nous nous sommes rendus chez eux. Pas là. Elle a laissé son numéro de téléphone, un lieu, une heure sur un bout de papier et nous sommes repartis à la plage.

Elle était ravie. Jusque là, on pouvait lire l'incertitude dans ses immenses yeux bleus. Maintenant, c'était de la sérénité et un sourire se dessinait entre ses lèvres pulpeuses. Elle me dit :
"_ Pour passer le temps, moi, ce que j'aime faire, c'est me poser sur la plage et attendre la nuit en lisant un bouquin.
_ Tiens, moi aussi.
_ Parfait ! Allons-y. Elle agrandit encore son sourire.
Un peu plus tard, juste après avoir étendu nos serviettes sur le sable blanc :
_ Je ne sais pas si je pourrai assez te remercier pour tout ce que tu as fais aujourd'hui.
_ Ne t'inquiètes pas, tu m'as déjà remercié au moins 8 fois. Par contre, ce que tu pourrais faire, c'est me donner ton prénom.
_ Je ne te l'ai pas dit encore ? mince, je peux être distraite parfois.
Elle me tendit sa main.
_ Élodie. Enchanté, monsieur...?
_ Georges.
_ Tout le plaisir est pour moi. Allez, on sort nos livres maintenant que les présentations sont faites.
Chacun se tourne vers son sac. Je sors un livre d'un auteur sud américain (Murielle m'avait donné le virus) : "Eva Luna" d'Isabel Allende. Élodie ouvre de grands yeux écarquillés :
_ Je rêve.
_ Quoi ? qu'est-ce qui se passe ? tu connais cette auteur ?
Elle me tend son livre : "La maison aux esprits" d'Isabel Allende.
_ C'est extrêmement improbable ça quand même ! dit-elle.
_ C'est vrai ! tiens, voyons voir si nous avons d'autres points communs.
_ Ok. Toi d'abord. Si tu es ici c'est que tu as déjà voyagé ailleurs je suppose.
_ Oui en effet. Toi aussi tu aimes voyager ?
_ Je ne peux pas me passer de voyages. Tu es allé où ?
_ Plein d'endroits !
_ Mais l'endroit qui t'as le plus marqué ?
_ Mmm, sans doute l'Afrique.
_ Ah bon ? moi aussi ! où ça ?
_ Au Togo.
_ QUOI !?! Moi aussi ! tu y étais pour quoi y faire ?
_ Je faisais un stage à l'hôpital de Lomé.
_ Euh...attends, tu me fais peur...j'y étais aussi.
_ Tu es dans le domaine médical toi aussi ?
_ Oui ! je suis sage-femme. Et toi ?
_ Médecin. Tu y étais quand ?
_ Été 2004.
_ Oh la vache ! moi aussi !
_ Si ça se trouve on aurait pu se croiser.
_ Non, si je t'avais croisé, je pense que je m'en serais souvenu.
_ Ah bon ? pourquoi ?
_ Bah, ça me paraît évident ! tu es magnifique !
Elle s'est mise à rougir.
_ Tu es la première personne à me dire ça.
_ QUOI !? c'est impossible.
_ Si si je te jure ! j'ai grandi dans un village de Normandie, j'étais la seule noire alors tout le monde se moquait de moi."

La pauvre, j'avais à mes côtés une des plus belles femmes que j'ai jamais rencontré de ma vie et elle ne s'en doutait même pas.

Après tout cet échange de points communs improbables, la nuit s'est rapidement mise à tomber et les étoiles à poindre. J'aime ce moment, depuis tout petit, j'essaye d'apprendre par cœur la carte du ciel, sans succès. Élodie se tourne vers moi, me prend la main, pointe son doigt vers la voute céleste et me dit :
"_ Regardes. Ici, juste là, cette étoile rouge qui scintille, c'est Antarès, de la constellation du Scorpion.
J'en reste sans voix. Elle poursuit :
_ La semaine dernière j'étais dans un observatoire. J'aime les étoiles depuis que je suis toute petite, je connais la carte du ciel par cœur. Par contre, ce que je ne savais pas : un astronome nous a fait visiter et nous a dit que la lumière des étoiles mettait plusieurs années à nous parvenir, parfois plusieurs milliers d'années. Souvent, la lumière nous atteint alors que l'étoile à l'origine de cette lumière est déjà morte depuis longtemps. Du coup, les astrologues sont hyper forts : ils arrivent à lire l'avenir dans le passé."

J'étais subjugué, bluffé, époustouflé. Belle, intelligente ET cultivée.

"_ Bon, faut que j'enlève mes lentilles, je commence à avoir les yeux qui piquent.
_ Tu as une grosse correction ?
_ Oulah ! je suis super myope !
_ Super belle et super myope, dis-je en souriant.
_ Oui, tu vois, une vraie taupe modèle."

Et en plus, elle avait le sens de l'humour et de l'auto-dérision.

La nuit étant tombée, nous nous sommes dirigés vers le restaurant en attendant ses amis. Nous avons échangés nos biographies respectives (la version courte) et ses amis sont arrivés. Direction leur bungalow :
Une petite case en bois, super classe, dans un jardin d’hibiscus avec des caméléons, grand lit, grands ventilateurs, moustiquaire autour du lit, salle de bain immense comparée à l'autre et tout ça pour le même prix !
On s'est regardé, on s'est dirigé vers la réception :
"_ Est-ce qu'il vous reste 2 bungalow s'il vous plait ?
_ Non mais il m'en reste un double pour le même prix si vous voulez. Petit déjeuner compris.
Nous nous sommes regardés un peu gênés :
_ Ça te dérange si...
_ Non, c'est pour 2 nuits seulement...
_ Et puis c'est hyper grand, chacun de son côté, on ne se touchera même pas...
_ C'est mieux et moins cher que l'autre...
_ Ok, on prend le bungalow." 

Nous sommes retournés à l'hôtel, impossible d'annuler la réservation. Nous avons passé la première nuit dans l'hôtel pourri. Dès la première heure, nous avons rassemblé nos affaires, direction le bungalow et nous avons investi les lieux. Les vacances pouvaient commencer.

La suite au prochain numéro...

lundi 5 mars 2012

Thèse 8


Les épisodes précédents : épisodes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7.

Nous sommes à la fin du printemps, les oiseaux chantent, les feuilles des arbres repoussent de ce vert éclatant, frais, nouveau, et les internes s’arrachent les cheveux.
Mon recueil de données s’est terminé de manière plutôt correcte : 1 à 2 semaines par mois, j’allais à l’hôpital le matin, je prenais le café, je me dirigeais vers un ordi caché, un que personne n’utilisait, je faisais mon recueil tranquillement jusqu’à 11h, je me déshabillai et enfilai un short, un T-shirt, une paire de chaussures et mes écouteurs.
Comme je vous disais précédemment, un an après le début de mon internat et peu de temps après une rupture, j’ai acheté un capteur à mettre dans la chaussure et à relier au lecteur mp3. Avec cet ustensile, je connais ma vitesse, la durée de mon parcours, et le nombre de calories dépensées. L’intérêt est surtout de voir ma progression et de me dépenser sur certaines musiques en fonction de l’humeur du moment.

Par exemple, pendant l’hiver, alors que j’avais le nez dans les dossiers, il fallait une musique qui réchauffe et qui stimule. J’optais pour l’intégrale des Foo Fighters, en commençant la séance par The Pretender

Début janvier, je suis retourné voir Pr A pour lui montrer le recueil et discuter un peu des cas litigieux. Ne serait-ce que pour lui montrer l’avancée de mes travaux. Parce que bon, en année sabbatique, il y aurait largement moyen que j’en glande pas une.

«_ Bonjour Georges. Assieds-toi.
_ Bonjour Professeur.
_ Donc, où en es-tu du recueil ?
_ J’ai fini de lire les 500 dossiers et je n’ai gardé que 200 cas, comme nous en avions discuté l’année dernière.
_ Ah 200 ! très bien, très bien. Et sur ces 200, combien de cancers ?
_ Ça dépend. Si on compte avec les tumeurs intermédiaires ou si on les compte à part.
_ Ah oui c’est vrai, on avait dit de les compter à part. Donc combien de cancers sans ces tumeurs ?
_ 10.
_ Pas mal, pas mal. On va sans doute pouvoir montrer des choses intéressantes avec 10 cas sur 200.
_ Oui justement, il faut que je parle de statistiques et…
_ Oui, j’ai eu un statisticien au téléphone. Il finit un travail important et il devrait te contacter à la fin du mois.
_ Ah super. Merci.
_ Je dois te laisser, j’ai du travail.
_ Mais on n’a pas eu le temps de discuter de…
_ La prochaine fois. Dès que tu auras fait les stats. »

Je n’ai pas eu le temps de lui dire le plus important. Le but de ma thèse, c’est de regarder les patients qui avaient des tumeurs, celles bénignes, d’un côté, celles malignes de l’autre. Est-ce qu’il n’y aurait pas un examen qui permettrait d’affirmer le diagnostic avec certitude ? c’est ça mon boulot. 

Le problème, c’est qu’il y avait des tumeurs intermédiaire, de pronostic incertain, qu’on ne peut ni classer comme bénignes ni malignes. Pr A avait dit qu’on les comptait à part.
J’en avais 2. Est-ce que ça valait vraiment le coup de les compter à part ?

Vous allez me demander : mais il n'y a pas des médecins qui se sont déjà posé la question ? 
Alors je vous répondrais : oui, il y a eu 3 conférences de consensus mais elles se contredisent...
A quoi ça sert d'avoir plusieurs consensus, surtout si c'est pour ne pas dire la même chose...Je pense que c'est pour donner du travail aux professeurs qui sinon, n'en coinceraient pas une, les pauvres. Sauvons le travail des professeurs.  

Comme c’est une étude rétrospective (c’est à dire que je me plonge dans de vieux dossiers en croisant les doigts pour que tous les examens aient été bien faits comme il faut), il y avait forcément des données manquantes et que sur 10 cas, tous ne sont pas exploitables de la même manière.

Tout ça est passé à la trappe, malheureusement.

Je me suis retrouvé à ranger mes données en attendant le statisticien, comme ça, lui, il n’aurait rien eu à faire, juste à noter les chiffres que je lui aurais donnés et faire tourner la machine mathématique. Ça, c’est quand tout se passe bien, dans un conte de fée médical. 

Ça donnerait un truc du genre : 
Il était une fois, dans un joli hôpital au milieu des bois, un gentil interne appelé Georges, avec les yeux qui pétillent, l'envie de faire du bon travail, de soigner des gens. Il avait de jolies tresses sur les côtés qu'il a du couper parce que ça faisait peur aux enfants et une barbe qu'il a du couper aussi parce que ça faisait peur aux mère-grands. 
Georges nettoyait tranquillement la poussière des dossiers dans la cave de l'hôpital, sans lumière et sans salaire, ou si peu, en attendant qu'une bonne fée avec des lunettes rondes, une baguette magique à 4 cœurs cadencés à 3GHz et des statistiques plein la tête veuille bien lui résoudre comme par magie la multitude de chiffres qu'il trouvait dans la poussière et les transformer en solution pour ses patients. 
Malheureusement, cette bonne fée ne vint jamais : elle courait après l'or et la gloire et s'est faite attraper par un équipe de professeurs à la peau verte et aux lunettes carrées qui lui ont promis monts et merveilles dans le Lancet, l'ont enfermée dans une autre cave et organisaient des tournantes de stats où elle se faisait prendre en Chi2 et les monstres lui criaient : "T'aimes ça les chiffres hein ? tu la sens ma courbe de Gauss ?"

Mais rien ne se passe jamais comme prévu et la vie n'est pas toujours un conte de fée. 

Déjà, en rangeant mes tableaux :
« _ Ah zut, j’ai pas noté telle info dans le tableur. Est-ce que je l’ai notée ailleurs ? Yes ! bon, je la recopie…ah zut, du coup, ça modifie ça…merde. Je ne peux pas la ranger dans ce tableau. Flute. Faut que je recommence. »

Et ça, plusieurs fois d’affilée, le même jour, et les jours suivant. A s’arracher les cheveux je vous dis. C’est à ce moment là que j’ai rencontré Murielle, elle me proposait des défis qui m’apportaient beaucoup de satisfaction, des situations beaucoup plus concrètes que des cas cliniques d’il y a 10 ans, des mises en pratiques séduisantes que je pouvais voir, sentir, palper. C’est depuis cette période que j’ai appris à aimer le goût de l’eau de mer, sentir le frémissement du corps onduler comme une vague…

Oui bon euh...Je m’égare mais ça illustre parfaitement ce qui se passait dans ma tête. 

C’est un autre soucis de la thèse : il y a un milliard d’autres choses auxquelles on préfère penser que de bosser. Il faut vraiment beaucoup de concentration pour ne pas se perdre. Alors dès qu’on m’adressait la parole, j’envoyais bouler, parfois de façon involontairement blessante mais c’était parce que je ne pouvais pas me permettre de perdre le fil de mon travail sinon il fallait que je recommence tout depuis le début.

Pendant cette période là, en courant, j’écoutais des percussions, pour pouvoir continuer à réfléchir à ma thèse sans perdre de temps. Ou au contraire, des musiques complètement différentes pour m’aérer l’esprit : David Bowie, Seu Jorge (quand il reprend Bowie), Seu Jorge (quand il ne reprend pas Bowie), Céu, Cibelle, Sergio Mendes, JoaoGilberto, Chico Buarque, Tom Jobim, et retour aux percussions avec Amon Tobin. C’était ma période brésilienne.

Janvier passe, puis février, puis mars…sans nouvelles du statisticien…En avril, je décide de fouiller le net pour des logiciels de stats gratuits. Il existe plein de plug-in pour tableur sous PC, mais sous Mac…la présentation était dégueulasse, incompréhensible, ou avec une période d’essai de 3 jours.

J’optai pour un logiciel en anglais mais clair, simple, facile à utiliser, faisant de super graphiques, à 350 dollars. Je commençai donc mon initiation autodidacte aux statistiques.
Pourquoi ce test plutôt qu’un autre ? à quoi il sert celui là ? et ça, ça sert à quoi ? il est joli ce graph…mais il représente quoi ? et comment je peux faire pour montrer une différence entre ça et ça ?

J’essayai, je tâtonnai, j’improvisai, je testai…si j’avais des questions, je fouillais la rubrique « help » ou le net. J’avais réussi à faire presque la totalité de mes statistiques mais il me restait quelques zones d’ombre, d’incompréhension : il fallait absolument que je rencontre un statisticien, un vrai.

Je relançai Pr A :
« _Oui oui, ne t’inquiètes pas. Il finit un travail important et je lui ai dit que tu étais sa priorité suivante. Mi avril, il est sera disponible. Du coup, ça serait bien que tu m’envoies un premier jet de ta thèse, avec les premiers résultats.
_ Je peux déjà vous envoyer l’introduction et la méthodologie.
_ Non non, on verra ça plus tard. Envoies-moi ta thèse…mmm…disons…fin mai. »

J’avais déjà rédigé 3 chapitres importants : l’introduction, la bibliographie, c’est à dire comment se situe mon travail par rapport à toutes les publications précédentes sur le sujet ; et la méthodologie, c’est à dire la description précise de comment le travail a été réalisé. Il ne me manquait que les statistiques pour pouvoir avancer, c’est à dire décrire ma cohorte de patients et décrire les résultats ; puis terminer par la discussion et la conclusion. Grosso modo, j’avais fais un tiers et il me restait 2 tiers à faire, dont le deuxième tiers à montrer à Pr A.

Malheureusement, le statisticien n’a été disponible que début mai. Je lui ai montré les statistiques que j’avais déjà faites, il a approuvé, répondu à mes questions, orienté vers d’autres tests statistiques. J’avais quand même fait 80% du boulot et il en a validé les trois quarts.

En quatrième vitesse, il a fallu que j’interprète les résultats moi-même, que je les range, que j’en fasse des jolis tableaux mais la signification globale des résultats ça devrait attendre plus tard, pour la discussion.
J’ai eu droit à plusieurs nuits blanches pour pouvoir finir la rédaction à temps et l’envoyer à Pr A. Je passais mes journées assis à mon bureau, à en avoir des fourmis aux fesses. Alors le lendemain, à la première heure, j’allais courir. En revenant, forcément j’avais faim. Pendant que je rédigeais, le deal, c’était un chapitre = un carré de chocolat. J’ai du engloutir 1 plaquette par jour, pendant 2 semaines : du noir, du au lait, avec noisettes, amandes, raisins, parfum crème brûlée, au poivre, à la cardamome, au piment d’Espelette…J’ai tout de même réussi à pondre 75 pages en un temps record, 25 pages déjà écrites, soit une thèse d'une centaine de pages.

Il était absolument exclus qu’il valide tout mon travail du premier coup, il y aurait forcément des corrections. C’est normal. Mais au moins j’aurai une direction à prendre, une vision de ce que devra être la conclusion. J’aurai la signification globale de ma thèse, chose que je n’avais pas encore puisque je n’avais que les résultats bruts, vides de sens.

Surtout que certains résultats étaient contradictoires avec la littérature, d’autres n’avaient jamais été faits auparavant. Finalement, je me retrouvais avec un travail original sans pouvoir m’appuyer sur rien pour juger si j’avais bien fait ou mal fait, uniquement l’avis du Pr A.

Après ses premières corrections, je modifierai tel ou tel truc, je rajouterai ci, enlèverai ça, tout ça pendant le courant du mois de juin. Il corrigera et validera en juillet. Nous bosserons ensemble la discussion et la conclusion en aout et en septembre la thèse sera bouclée. Ça me laissera septembre et octobre pour imprimer la thèse, trouver un jury, trouver une date de soutenance, trouver une salle et soutenir fin octobre. Comme ça, début novembre, je me trouverai un poste de chef de clinique chez Pr A, Pr B ou Pr C. Ou même Pr X ou Y, n’importe où mais novembre est une période optimale pour ça.

Les contes de fée, tout ça...

3 semaines après avoir envoyé le premier jet de ma thèse, c’est à dire fin juin, Pr A me renvoie ses commentaires : il y a davantage de corrections que mon propre texte après avoir sarclé à la faux. Pour faire simple : la moitié de ce que j’ai rédigé ne sert à rien, soit parce que c’est trop compliqué, soit parce que ça ne présente aucun intérêt. L’autre moitié est à ré-écrire entièrement.

Pr A me donne une liste de 6 articles de référence dont je devrais m’inspirer pour rédiger ma thèse. Fin du commentaire. Pas un mot sur la discussion des résultats. Merci de renvoyer une autre version retravaillée en août (pas avant parce que Pr A sera en vacances).

Je bouillonnais intérieurement et encore, c’est un euphémisme. J’avais TOUT à refaire et quasiment aucune directive pour améliorer mon travail. Évidemment que c’était mauvais ! il m’avait demandé un premier jet avec les résultats bruts. C’était exactement ça que je lui avais envoyé, sans faire le tri entre le bon grain et l’ivraie.

J’ai repris mon lecteur mp3 et mes chaussures en commençant par ça : Rage Against the Machine (attention, je préviens pour ceux qui ne connaissent pas, c'est du brutal), Sepultura (je reste un peu au Brésil), Nirvana (une façon de retomber en adolescence), Metallica (le Black Album), The Sex Pistols, …pour se défouler en courant, c'est excellent.

C’est à peu près à cette période que nous nous sommes séparés Murielle et moi, mais c’est une autre histoire. To be continued…


vendredi 2 mars 2012

Mon année sabbatique 3

Ça commence à être un peu décousu avec 3 histoires à suivre en même temps : ma thèse, mon année sabbatique et une histoire avec rebondissements multiples que je vais développer un peu plus tard. C'est en partie confus parce que tout ça s'est réellement passé en même temps. Je romance un peu mais c'est inspiré de faits réels.

Accrochez-vous, c'est reparti pour un tour.

Donc, je vis une histoire de conte de fée avec une belge magnifique mais pour une raison que la raison ne maîtrise pas bien, il me flotte dans la tête comme une vapeur de soufre.

"_ Alors, il t'a plu le livre ?
_ Ah oui ! j'ai beaucoup aimé.
_ Et t'as pensé à moi en le lisant ?
Oulah ! attention, ne pas dire de connerie.
_ Euh...nous, notre histoire est complètement différente. Ça n'a rien à voir."
Hop là, petite pirouette.

Il y a deux méthodes pour se sortir quelqu'un de la tête : le temps et se trouver quelqu'un d'autre. Étant donné que je suis quelqu'un de relativement patient, la première méthode peut durer plusieurs mois...J'ai donc tout misé sur la deuxième, et ça se déroulait plutôt bien.

Suite à un remplacement qui s'est financièrement super bien passé, j'ai proposé à ma petite fée aux cheveux courts :
"_ Ça te dirait qu'on passe des vacances ensemble ?
_ Je ne peux pas, j'ai mon master dans 3 mois.
_ Juste une semaine, toi et moi, au soleil.
_ Mais j'ai pas d'argent, je dois bosser pour payer mon loyer je te rappelle. Et puis j'aime me considérer comme une fille indépendante qui n'a pas besoin de se faire entretenir pas son mec.
_ Hôtel 5 étoiles, 5 nuits, dans un pays chaud, tous frais payés.
_ ... On part quand ?"

Passer le printemps au soleil, se dépayser, en profitant du temps qui passe sans se poser de question...c'est ça le luxe. Je suis arrivé un jour en avance, je suis allé la chercher à l'aéroport avec ma petite voiture de location, direction l'hôtel où elle pose ses affaires, puis la plage, puis l'hôtel encore, puis visite de la ville, puis l'hôtel, puis resto, puis hôtel, hôtel et re-hôtel.

Cette fois-ci, on était d'accord qu'il fallait visiter un peu au lieu de rester dans la chambre pendant tout le séjour, comme notre dernière expédition à Paris. Alors on s'est promené et on a goûté aux spécialités locales et qui dit soleil, dit nourriture épicée.

Nous étions tranquillement en train de nous promener main dans la main dans les rues pittoresques avec le linge qui pend aux fenêtres quand soudain, j'ai ressenti une grande vibration en mon for intérieur. Une espèce de grondement sourd, de tremblement d'intestin. Pendant que les bactéries et les virus de mon tube digestif se livraient une lutte intestine (ahahah), j'ai essayé de ne rien faire paraître de mon conflit interne, de garder la classe et la maîtrise de soi...avec difficulté. En passant devant un magasin en solde, il y avait 2 panneaux :
"Déstockage massif à l'intérieur" et "liquidation totale".

Ça ne pouvait pas être plus à propos.

J'ai osé un petit regard latéral vers ma fée : elle avait le teint vert. Avec ces cheveux roses, ça lui donnait un air de créature fantastique, un leprechaun malade. En un instant, chacun a compris ce qui se passait chez l'autre. Nous nous sommes précipités tous les deux vers la voiture, direction l'hôtel.
"Je vais à la réception, toi directement dans la chambre, ça te va ?
_ Ok. Files-moi les clés."

Un peu plus tôt dans la journée, j'avais émis le souhait de pouvoir partager un sport avec ma compagne et elle était d'accord. Je ne m'attendais pas tout à fait à ce genre de sport. C'était physique certes, on formait la même équipe contre un adversaire commun, mais chacun avait choisit un terrain différent et heureusement : je vois mal comment on aurait pu "jouer" sur le même sanitaire au même moment.

La crise passée, je suis retourné dans notre chambre. Ça sentait la lavande. Je voyais mon petit elfe s'agitait dans tous les sens :
"_ Ne rentres pas ! j'ai rien rangé, c'est le bazar et ça pue, c'est monstrueux !
_ C'est pas grave, je t'aime comme tu es.
Sa tête a surgit brusquement de la salle de bain.
_ Qu'est-ce que tu as dit ? c'est vrai ? tu m'aimes ?
J'ai marqué une pause, 10 secondes. Il fallait bien que je me rende à l'évidence :
_ Oui, je t'aime."

Elle est sortie de la salle de bain, toute nue, en courant, s'est jetée dans mes bras. Nous avons atterrit sur le lit, on s'est embrassé longuement et puis...nous avons fait l'état des lieux de notre chambre. J'ai fait abstraction des sous-vêtements souillés qui jonchaient la pièce. Dans ce genre de circonstances, on ne retient que le bon. On reste sourd, aveugle et on ne sent pas ce qui pourrait noircir le tableau.

A propos de noircir : comme on avait perdu des plumes dans les incidents, nous nous sommes rapidement retrouvés tous les deux avec un tout petit peu plus que la peau sur les os. Au bout de 5 jours d'ébats, j'avais des ecchymoses sur les crêtes iliaques. A tel point que je n'ai pas pu mettre de ceinture pendant 1 semaine après ça.

Nous avons vécu une relation passionnelle explosive, feux-d'artificielle (ça se dit?) mais que reste-t-il quand la passion s'étiole ? c'est ce que nous aborderons au prochain épisode.


To be continued...