dimanche 16 juin 2013

Une course de fou 2


De retour sous les tropiques, de retour au turbin, réouverture de ma boite mail…C’est désespérant : quelqu’un a eu la bonne idée de débattre d’un sujet abordé en commission d’établissement à savoir l’accueil des étudiants. Pas les externes, non, ça serait surprenant que des PH s’intéresse aux externes, les pauvres. Non, plutôt les étudiants au collège, curieux, qui veulent venir voir ce qui se passe à l’hôpital.
C’est bien pour eux, c’est important de susciter en eux soit la vocation soit le dégoût. Soulever le débat est une bonne initiative. Par contre, que tout le monde fasse « reply all » …comment dire…et que la lenteur de l’ordi soit proportionnelle au nombre de répondeurs…ça a le don de m’énerver au retour de vacances.
Sauf que ce n’était pas des vacances : j’étais parti récolter des données pour le prochain article que je devrai publier dans une grosse revue. Pourquoi faire me demanderez-vous ? Et bien, il y a plusieurs réponses possibles :

Soit par vanité : j’ai une des plus grosses bases de données mondiales sur le sujet, la moindre des choses serait de la montrer à tous. Çà serait pour satisfaire mon penchant exhibitionniste.

Ou alors par humilité à l’idée que la contribution de mon étude puisse apporter sa petite pierre à l’avancée de la science.

Ou peut-être par vengeance en me disant que les résultats de mon étude sont contradictoires avec toutes les données précédentes, que je suis plus fort que vous tous réunis malgré toutes les embuches que j’ai eu pendant la rédaction de la thèse et que je vous emmerde.

Personnellement, je préfère aborder la publication sous l’angle, sain je l’espère, de la confrontation auprès de mes pairs, pensant que j’ai bien travaillé, je souhaiterais avoir l’opinion et la critique constructive de spécialistes du monde entier. Du coup, ça donne envie de vraiment montrer un excellent travail. C’est stimulant !

Le seul problème c’est que je dois attendre les données qui sont centralisées en métropole. Alors je ronge mon frein et mes ongles. Que pourrais-je faire pour faire avancer le Schmilblick ?

« _Cher Professeur A.
En attendant les nouvelles données, je souhaiterais avancer dans la rédaction du futur article. Je peux donc vous proposer une introduction et une méthodologie. Je ne peux pas rédiger le reste puisque j’attends de terminer les stats. Je peux vous laisser le soin de la conclusion.
Qu’en pensez-vous ?
Cordialement
Georges. »

Çà me semblait pas mal comme email. Pressez « Envoyer ». J’attends la réponse.

En attendant, je poursuis les explorations à l’hôpital accompagnée de Lola.

« Alors ? quoi de neuf ?
_ C’est à dire ? A quel niveau ? professionnel ?
_ Oui, entre autre, vas-y, commence par le professionnel.
_ Bah, mon boulot est aléatoire. Tantôt c’est trop calme et je m’emmerde même si c’est intéressant, soit c’est hyper actif et je n’ai le temps de rien faire d’autre.
_ Ah ! on y arrive. Le « autre » justement…
_ Le sentimental c’est ça ?
_ Aaaaah ! vas-y balances.
_ Je ne savais pas que ça t’intéressait, on a passé un cap.
_ Oui, à force de voir que t’es un mec bien doublé d’un médecin potable, ça donne envie de gratter la surface.
_ Ah bon ? je suis un médecin potable ?
_ Oui, ou plutôt tu n’es pas un connard.
_ C’est à dire ?
_ Bah tu sais : un égocentrique, un manipulateur…tu vois ?
_ Donc, puisque je ne suis pas un connard, tu t’intéresses à ma vie sentimentale.
_ Oui, c’est ça. J’ai envie de savoir quel est le repos du guerrier, dit-elle avec un sourire en coin et un regard de braise.
_ Eh bien le repos n’est pas brillant.
_ Ah bon ? un mec comme toi ! avec une aussi jolie paire de fesses ?
_ De quoi ?
_ Ne me dis pas que tu n’as pas remarqué que toutes les infirmières et les internes de médecine te matent le cul dans ton dos.
_ Bah non, je n’ai pas remarqué, je n’ai pas d’yeux dans le dos.
_ Tu devrais, ça t’apprendrais plein de trucs.
_ Comme quoi ? comme qui surtout ! qui est-ce qui me mate les fesses ?
_ Ah ah ! tu me donnes quoi en échange de cette information ?
_ Un an de café.
_ Non, ça tu me le dois déjà.
_ Zut…euh…si il se passe quelque chose, je te raconte.
_ C’est bien, ça.
_ Mais au fait, je ne te dois rien ! pourquoi c’est moi qui devrais te raconter ? toi aussi faut que tu me racontes ta vie sentimentale !
_ Non. Jamais.
Elle s’est refermée immédiatement, en un instant, la porte vers ses sentiments était fermée. Je me suis rattrapé aux branches comme j’ai pu.
_ Donc en fait, il ne se passe pas grand chose en ce moment.
Patience…elle boude…elle s’y intéresse réellement ou pas ? … que va-t-elle faire ?
_ Et les internes, tu n’as pas envie de les aborder ? dit-elle avec un air de connivence.
_ Mmm…mouais…non, pas envie.
_ Non mais oh ! tu vas pas faire la fine bouche, non plus ! et puis, je sais pas ce qu’il te faut ! il y a une flopée d’internes dans cet hôpital. Tu ne vas pas me dire qu’il n’y en a aucune qui t’intéresse.
_ Bah non, aucune ne m’accroche vraiment.
_ Tu veux dire que qu’il n’y a rien de rien de rien dans ta vie sentimentale ?
_ Non, je ne dirais pas ça.
 _ Aaaaaah ! raconte ! faut vraiment t’arracher les vers du nez.
_ J’ai eu quelques histoires, surtout des ratés, des « il aurait pu se passer quelque chose » mais jamais de véritable relation de longue durée malheureusement.
_ Pourquoi ? t’as enchainé les plans culs ?
_ Non non, parce que l’occasion ne s’est jamais présenté, parce qu’à chaque fois, la distance, les circonstances…je n’ai jamais pu faire durer une relation au delà de 6 mois.
_ Sans déconner !
_ C’est la vérité.
_ Bon, je vais te remettre en selle. Avant la fin de semaine, je te case avec quelqu’un.
_ Non ! je ne peux pas, j’ai une course à faire dans 10 jours, faut que je m’entraine.
_ Il ne te faut que 10 jours pour préparer une course ? te fous pas de ma gueule ! ne trouve pas d’excuses bidons pour ne pas aller chasser la petite interne.
_ C’est pas une excuse ! faut que je me couche tôt, que je coure 3 fois par semaine, que je mange plein de pâtes et de riz, que je ne boive pas d’alcool…
_ Oui ok, pendant 10 jours tu vas être pas drôle. C’est pas le meilleur moment pour draguer en effet.
_ Merci.
_ Mais après tu t’y remets ! d’accord ?
_ Chef oui chef !
_ Bon, finit ton café et va retourner bosser. »

Le lendemain matin, 7h, je chausse mes chaussures de sport, je branche mon capteur, je sélectionne la playlist de mon lecteur, j’enfile mon sac à dos qui contient une gourde et je sors de chez moi en courant. Je suis la route qui longe la mer en écoutant Norman Greenbaum et je me rappelle tous les conseils que j’ai eu au fil des ans. Suis ton propre rythme, ne te calque pas sur le rythme des autres. Ne te fatigue pas, ménage toi, économise toi pour les moments où il faudra donner un coup de bourre, les montées par exemple. Respire régulièrement, de grandes inspirations, de grandes expirations. Boit toutes les 5 minutes, de petites gorgées.
Dans les montées, respire fort et vite. Le repos après l’effort fait toujours partie de l’effort, il faut continuer à respirer fort jusqu’à ce que le rythme cardiaque redescende. Mais surtout ! fais-toi plaisir.
Sens la brise contre ton visage, écoute les vagues se briser contre les rochers, sens les embruns contre ta peau luisante et l’odeur d’iode qui se mêle à celle de ta sueur.  Ressens tes muscles, tous tes muscles se contracter, se détendre, deviens une machine bien huilée.
Passées les 20 premières minutes, passé le premier coup de fatigue, les endorphines se libèrent, l’euphorie monte. Passé une demi-heure, je me sens en pleine forme. A 45 minutes, la douleur revient, le cerveau prouve sa supériorité. A 1 heure, courir devient une drogue. Au delà, le corps n’existe plus.

Aujourd’hui, je ne cours que 30 minutes. Je courrai 1 heure ce weekend. Je pense à bien m’étirer, je bois un demi-litre d’eau plate et un demi-litre d’eau pétillante. La boucle est finie, de retour chez moi, une bonne douche. Sentir l’eau froide sur mon corps encore échauffé par l’effort est un bonheur extrême. J’en profite pour faire un gommage.

Le petit déjeuner pris après ma petite séance de sport est le meilleur du monde. Il a trois fois plus de goût et il est dix fois plus nourrissant. Je commence par 2 fruits de la passion, suivi d’un tiers de baguette avec beurre et confiture de coings et je finis par mon fameux riz au lait canelle-orange (je vous donnerai la recette si vous êtes sages) tout ça dilué dans un bon petit thé vert Sensha fumant. La journée peut commencer sereinement.
C’était sans compter sur Pr A.

« Cher Georges.
Oui, c’est une bonne idée d’avancer dans la rédaction. J’attends toujours les résultats que doivent me renvoyer les cabinets de radiologie. Je te les envoie dès que je les reçois.
Pour l’instant, tu peux en effet m’envoyer un premier draft du futur article la semaine prochaine. En anglais, of course. »

Ni merci, ni merde. Super. J’ai une semaine pour rédiger la moitié d’un article médical dans la langue de Shakespeare, soit environ 1500 mots sans erreur, avec les bonnes références d’articles et les bonnes formulations.

Tant pis, il va se gratter, j’ai d’autres priorités. Je lui pose un lapin épistolaire et je me concentre sur ma course, on verra l’article plus tard.

Le jour fatidique arrive.

Ce sera une course de 35 km avec 2000m de dénivelé positif. La moitié du chemin se fera sur des gros galets. Pourvu qu’il n’ait pas plu dans la nuit sinon ça risque être casse-gueule.
Je me lève tôt, 2h du matin, 1h de route, 1h de préparation, départ à 5h du matin. 800 coureurs.

Lors de ma dernière course j’avais parcouru 90km en 30 heures, soit 3km par heure. Étant donné que je me suis entrainé, j’espère que mon niveau s’est amélioré. Normalement, je devrais être passé à une moyenne de 5km/h. Je devrais donc finir la course en 7h. L’enregistrement se finit à 13h, donc après 8h de temps de course.
L’objectif est de finir dans les temps, pas de courir comme un dératé. Je suis large, j'ai une heure de marge.

L’excitation avant course est unique. Ce n’est pas celle qui nous prend à l’estomac avant un examen. Ce n’est pas non plus celle avant de monter sur des montagnes russes, ni ce moment de flottement entre l’habillement complet et la nudité totale qui précède la fusion de deux corps. C’est une espèce de moment de vigilance extrême, de conscience totale de chaque muscle de son corps, un sentiment d’être entièrement prêt.

A ce moment là, je me sens comme Tony Stark lorsqu’il enfile pour la première fois son armure et qu’il essaye de faire bouger toutes les pièces mobiles.
J’ai tout dans mon sac à dos : 2L d’eau, des raisins secs, des barres de céréales, de la vaseline pour les zones de frottement (un peu comme si Ironman se mettait de l’huile dans les jointure pour éviter que ça grince), un Kway, mon dossard sur le torse et une lampe frontale sur la tête.

Le départ est sonné. Je vois tout le monde me dépasser, tout le monde se précipite vers la ligne d’arrivée qui est si loin. Mais pourquoi ? je continue à mon rythme, je garde mes œillères, comme un cheval de course de fond.
Au bout de 3km, je suis conforté dans mon attitude : je dépasse tous ceux qui m’avaient doublé au départ, ils ont ralenti, certains se tâtent le flan, certainement un point de côté.

Premier check point : je suis 700ième. Correct. Pour l’instant, c’était du plat, la première montée commence. Les rochers sont secs. Ouf. Premier sommet, je fais une pause pour admirer la vue.
Dans la première vallée, un ruisseau a débordé : il a plu dans la nuit. Impossible de faire autrement que de mettre les chaussures dans l’eau. Les rochers, même secs, sont désormais glissant. Et entre les rochers, il y a la boue répandue par tous les coureurs précédents. Super. Une patinoire de terre et de pierre.

Chaque pas est donc mesuré, pesé, réfléchi. Si je ne me cale pas bien, je glisse. Si je pousse trop fort sur ma foulée, je glisse. Si mes enjambées sont trop longues, je glisse. Ce n’est pas très fatiguant pour les pieds mais bien pour le cerveau. Allez, plus que 3 montées et descentes et après, je retrouve le plancher des vaches, normal, de l’herbe toute bête et après, du goudron, et ensuite, de la forêt pour finir sur de la piste. Le plus dur c’est maintenant, après ce sera facile. Reste calme, économise toi.

C’est au moment où je suis le plus concentré qu’un concurrent me claque la main dans le dos et me lance :
« Salut Georges, je ne savais pas que tu faisais du sport.
_ Salut Clément.
_ Ça fait plaisir de te voir ici, Georges. Que le meilleur gagne !
_ Oui bonne chance.
_ Oh il n’y a pas de chance là-dedans : je m’entraîne tous les jours. »
Et le voilà déguerpir, voltigeant comme un cabri sur les cailloux traitres.

Respire, reste calme, ne fais pas de folie dans ce relief, tu risque le regretter. Fais abstraction du fait qu’il t’ait piqué ta copine. C’est un connard, ne l’écoute pas, il te provoque sciemment. Ne te fais pas prendre. C’est qu’un connard, c’est vrai, il t’a collé des cornes de cocu mais c’est du passé. De l’eau est passé sous les ponts et sur les cailloux aussi. Non, c’est rien qu’un connard. Il va perdre parce que c’est rien qu’un connard de chirurgien. Mais pour qui il se prend ce connard ! Je ne vais pas me faire battre par un connard ! Merde !!!

Alors on est d’accord, ce que j’ai dans les jambes ne reflète pas du tout ce que j’ai dans le cœur ni dans le cerveau. Je dirais même que Clément part gagnant de ce point de vue là : il a toujours été sportif, pas moi, et l’esprit de compétition est inhérent à la profession de chirurgien. Soit. Et surtout, son comportement sexuel n’a rien à voir avec ses qualités de sportif. Autrement dit, un bon coureur de jupon n’est pas toujours un bon coureur de fond. 
D’ailleurs, la course de montagne n’est pas une compétition mais une course contre soi-même, un dépassement de soi et pas de l’autre. Le battre à la course ne servira pas à montrer une quelconque reflet chevaleresque de mon cœur face à sa goujaterie grasse.

Mais là, sur le coup, je n’en ai rien à foutre. Je vais lui foutre sa branlée, un point c’est tout ! Pour quelle raison ? aucune ! pour le plaisir de le battre à la course. Et je vous emmerde !

Pendant un bon kilomètre, nous faisons la course côte à côte. A l’ascension suivante, il prend un peu d’avance. Zut ! dans la descente, je prends des risques inconsidérés pour le dépasser. Cette fois c’est moi qui ai de l’avance.
Il me rattrape dans la vallée et reprend l’avantage dans la montée. Qu’à cela ne tienne. Je renforce ma respiration, j’augmente mes foulées, je le rattrape au sommet et je prends encore plus de risques : au lieu de marcher vite sur les pierres pour éviter de glisser, je coure carrément, je calcule à la vitesse de l’éclair où poser mon pied gauche avant même d’avoir posé le droit, et ainsi de suite. Je file, je m’envole, je prends le large.

Dernière montée : pas de signe de vie, je l’ai séché. Mais pas question de se reposer sur mes lauriers. La partie goudronnée arrive, j’ai l’intention de faire valoir mes heures d’entraînement en ville. Je passe dans ma tête The eye of the tiger, je fais de grandes enjambées, je balance les bras, je respire profondément et je prends mon rythme de croisière. Deuxième check point : 600ième. C’est bien, continue comme ça.

Au bout de 5km, la pression redescend, la motivation baisse. Il me faut un autre combat, l’ascension dans la forêt arrive et j’ai besoin d’avoir la gnake. Je cherche mais non, personne ne m’énerve en ce moment. Le sport a la faculté de me faire tout relativiser, de m’apaiser, de me permettre de faire le tri entre l’essentiel et le superflu.
Par exemple, je suis un peu attristé de m’être éloigné géographiquement de ma meilleure amie Milène. Mais en parallèle, je suis heureux de gagner une nouvelle amitié avec Lola.
D’ailleurs elle a raison. Qui me fais vibrer le cœur en ce moment ? personne. Il faudrait que je me trouve quelqu’un tout de même. Oui mais qui. Personne ne me fait palpiter ici. Alors qui me faisait palpiter en métropole dernièrement ? Fenouil. Oui, ça serait une bonne idée que je la recontacte. Allez, la prochaine fois que je vais en métropole…bah d’ailleurs, ça devrait pas tarder avec Pr A. tel que je le connais il va me demander une entrevue en tête à tête pour discuter des résultats et de l’article.

Mais pourquoi est-ce qu’il m’emmerde autant avec ses objectifs à court terme ? A quoi ça lui sert d’avoir le premier jet de l’article dans 1 semaine alors que le temps que sa partie et celle des radiologues soient rédigées, le temps que ce soit soutenu et accepté, il se passera au moins un an. Quel est l’intérêt de me mettre la pression aussi tôt ? Et pourquoi est-ce qu’il a essayé de m’humilier comme ça pendant ma soutenance de thèse ?

Et pourquoi est-ce qu’il tenait absolument à avoir ma base de données maintenant alors que pendant toute ma thèse il n’y a pas jeté un seul regard ?

Non mais quelle espèce de connard en fait !!! ça y est ! j’ai envie de lui casser la gueule ! c’est bien ça. Je cours plus vite mais j’ai perdu ma concentration : mes pas me fatiguent et ma respiration est saccadée.

Respire, reprends-toi. Calme toi. C’est un professeur, il doit avoir de l’expérience dans la rédaction d’articles et il sait certainement mieux que toi comment faire. S’il te demande de prendre de l’avance c’est certainement pour une raison.
Quant à ta base de données, elle est très importante, ultra riche, pleine d’informations qui valent de l’or ! il y a moyen de faire plusieurs articles médicaux avec. C’est normal qu’il s’y intéresse.

Oui mais non justement. Mon travail vaut de l’or et oui, il y a moyen de rédiger au moins 3 articles avec. Il est hors de question que je la lui cède comme ça. Il me semble indispensable d’avoir la garanti que si je lui donne mes tableaux et qu’il s’en servira dans des publications, il faut qu’il me promette d’inscrire mon nom comme co-auteur de l’article.

D’ailleurs, quels sont mes droits en matière de publication médicale ? c’est mon travail mais c’est issu de dossiers de patients de son service à lui. Est-ce que les données appartiennent aux patients ? Est-ce qu’en étant hospitalisé dans un CHU, on accepte automatiquement que notre dossier fasse partie d’une étude médicale ? et si non, est-ce que toute ma thèse a été rédigée sans l’accord des patients. Merde, je me sens mal à l’aise d’un coup. Il faut que je me renseigne.

Donc, dès que je finis cette course, je rappelle Fenouil, j’appelle un juriste et je rédige mon article en anglais. Ça y est, la détermination revient. Je me sens fort à nouveau, je reprends le contrôle de moi-même. Je peux aborder la fin de la course en toute sérénité.

Ça s’est d’ailleurs très bien passé. Une bonne foulée, bonne respiration. Troisième check point : 500ième. Ok, maintenir le rythme, ne pas faiblir, ne pas regarder la montre, ce n’est pas le but. Le classement, on s’en fout, il faut juste finir la course en bon état, contrairement à la dernière fois.

Je continue donc à courir sans me prendre la tête, juste pour le plaisir de courir, le paysage, la boue, la sueur, le vent, la brise, le soleil qui commence à taper, il doit être aux alentours de midi, je suis dans le rythme que je m’étais fixé, tout va bien.

A l’arrivée, j’ai eu plusieurs surprises. D’abord, je n’étais pas cassé comme je m’attendais à l’être, ni tant fatigué que ça. J’ai bien pris le temps de m’étirer, tranquillement. Par contre, j’avais faim, très faim. Je me suis dirigé vers le centre de ravitaillement où ils servaient des pâtes bolo, parfait.
En face de moi vint s’asseoir Clément.

« Alors ça s’est bien passé pour toi ? moi je suis arrivé il y a à peine un quart d’heure. Et toi ?
_ Je ne sais pas, j’ai pas regardé ma montre.
_ Ah bon ?! ça ne t’intéresse pas ton classement ? 
_ Pas vraiment, je voulais juste finir la course, c’est tout.
_ Ok, bon si ça t’intéresse, j’ai fini en 4h40, classement 440°, facile à retenir.
_ Merci. Félicitations. A la prochaine.
_ A plus. »
Il est parti avec fière allure. Tant mieux pour lui, toute la rancune s’est effacée pendant la course. Il m’est indifférent désormais.

Après avoir bien bu, je suis allé au guichet chercher ma récompense : un tshirt « finisher » et une médaille pour les 500 premiers. Ah ? c’est agréable. C’est surprenant surtout. Allons voir ça, je dois être antépénultième pour recevoir cette récompense, soit 498° à tous le coups.

401ième. Arrivé en 4h15. Heing ? O_o

Ça veut dire que j’ai quasiment doublé ma vitesse de course ? en 1 an ? Ça, ça fait vraiment mais alors VRAIMENT plaisir ! c’est au delà de tout ! ça répare toutes les blessures narcissiques que j’ai pu avoir dans tout mon cursus ! c’est énorme ! je suis trop fier de moi là !
Bon, allez, redescendons sur terre, c’était une petite course, même pas un marathon. Pour la prochaine, il faudra voir ton niveau. Objectif : plus de 45km.

D’ailleurs, il y en a une dans 3 mois, 65km, 3500m de dénivelé positif…

To be continued...