lundi 30 janvier 2012

Thèse 3 : la soutenance du mémoire

Previously, in "thèse" : résumé de l'épisode 1 et de l'épisode 2

La vie peut être rose parfois. Et puis d'autres fois, elle vire carrément au caca d'oie. Je détaille un peu :

Un an auparavant, je me suis fait plaquer par une fille qui me trompait avec mon coloc, un "chirurgien" (cf ici). Puis j'ai rencontré une brésilienne qui est rentrée chez elle au bout d'un mois (cf ). Et une autre fille, une anesthésiste me courais après mais seulement bourrée (cf ici encore). Je n'avais pas de vie sociale et ma vie professionnelle était merdique. Je me disais : "Heureusement, je gagne de l'argent que je n'ai pas le temps de dépenser, donc je suis riche !". Mouais, ça n'a pas duré très longtemps.

J'avais une pauvre petite voiture à 3 portes qui ressemblait à une tête d'insecte recrachée de la bouche d'un bouledogue, tant la forme que la couleur. Elle me servait vaillamment à me transporter depuis le centre ville jusqu'au CHU qui avait la mauvaise idée de résider en périphérie. A force de gratter le pare-brise matin et soir, j'ai fini par la laisser au parking le plus proche de l'hôpital (évidemment pas celui de l'hôpital puisqu'il était déjà plein depuis l'arrivée des infirmières à 7h) pour rentrer en bus/tram/métro.

Je pense que la pauvre épave échouée au milieu de nulle a du attirer la convoitise d'un fourbe voleur de vide (puisqu'il n'y avait que ça à voler) ou bien ma voiture a bénéficié lors d'une nuit folle des ébats d'un passionné d'entomologie-mécanique, ce qui lui laissa le sourire d'une portière entrouverte et la serrure défoncée. Elle y a même perdu la moitié d'une antenne. Le peu d'économies qui me restaient se sont envolées avec les réparations.

Boulot de merde, pas d'argent, pas de copine...le tiercé gagnant. Je pensais avoir subi les derniers outrages. Et bien non ! la vie réserve des surprises au moment où on s'y attend le moins (sinon ce n'est plus une surprise).

Pr B. m'avait trouvé un sujet de mémoire hyper intéressant, unique au monde, la première étude du genre. Par contre, il fallait que je me plonge dans des dossiers vieux de parfois 40 ans pour trouver une échographie et un résultat biologique. L'entrepôt où ils étaient stockés avait connu une inondation lors de la tempête de 1999 et certains dossiers étaient couverts de moisi jusqu'au tiers inférieur. Une fois, en soufflant dedans pour dégager la poussière, il en est sorti une araignée et une plume de pigeon. Si les résultats étaient absents du dossier, il fallait que je rappelle les patients pour leur envoyer une ordonnance, qu'ils passent les examens et qu'ils m'envoient les résultats. Tout ça en plus du boulot d'interne.

Là dessus, Pr A. en remet une couche : "C'est diplomatiquement admirable que tu fasses ton mémoire avec Pr B. Par contre, c'est un suicide intellectuel, elle est nulle son étude, ça ne va rien donner." Top constructive la remarque, merci Professeur.

C'est tout ? c'est fini ? ah non ? il en reste encore ? allez la vie, vas-y, balances ce que t'as...au point où j'en suis :

"Bonjour Madame, je suis bien chez Monsieur Mémoire ?
_ Oui.
_ Je peux lui parler s'il vous plait ?
_ Non.
_ Ah mince, c'était important. Il est parti ?
_ Oui, il est mort."

Note pour les externes : si un patient décède pendant une hospitalisation, merci de le noter dans le dossier, ça évitera quelques désagréments à vous même quand vous serez interne.

Bon ok. C'est fini la loose, je rebondis.

Je me suis tapé une centaine d'articles médicaux sur le sujet, j'en ai gardé environ 60 sachant qu'un mémoire normal possède en général 15 à 20 références bibliographiques. J'ai vu tous les spécialistes disponibles sur le sujet, même ceux à la retraite. Ils m'ont tous dit :
"C'est extrêmement intéressant ce que vous faites, les résultats nous intéressent beaucoup. Il faut absolument que vous reveniez nous en parler."

J'ai pondu avec la sueur de mes yeux (ça pique la lumière d'un ordi à 2h du matin) un mémoire de 50 pages, la taille d'une petite thèse sur un sujet complexe, général et ultra-spécifique à la fois, ultra-pointu mais j'ai réussi à le présenter de manière accessible à tout le monde.

Finalement, l'heure fatidique est arrivée. Comment soutient-on un mémoire de spécialité ? lors d'un congrès régional entre spécialistes ? On fait s'assoir une brochette de professeurs avec votre œuvre entre les mains (vous leur avez envoyé 1 mois auparavant pour qu'ils puissent avoir le temps de la décortiquer). Vous leur réexpliquez votre travail avec un super diaporama et vous en profitez pour présenter le sujet du mémoire à vos collègues internes.

Après cela, en temps normal, les membres du jury informel me posent quelques questions pour vérifier si j'ai bien compris ma propre prose, puis s'auto-congratulent d'avoir un interne aussi travailleur, orateur, synthétique, pointu et surtout d'avoir eu un maître de mémoire aussi talentueux et pédagogue. Merci monsieur l'interne d'être passé par hasard au milieu du savoir et d'en avoir ramassé quelques miettes. Ça, c'est en temps normal.

Pour moi, j'ai eu droit à un tout autre spectacle. Pour ne pas que ce soit flagrant que A et B se détestent (alors que tout le monde le sait), Pr A avait chargé Pr C. du CHU d'Acôté-Pasloin de mener mon réquisitoire. Les questions n'avaient pas pour but de vérifier mes connaissances mais de mettre Pr B à défaut, de le déstabiliser et le décrédibiliser en public :
"Je sais que ce n'est pas de votre faute mais, pourquoi avez-vous choisi cette façon de recueillir les données ?
_ Ben euh...parce qu'il n'y en avait pas d'autre.
_ Ah je vois. Donc cette étude présente un gros problème de méthodologie qu'il aurait fallu mieux définir avec votre maître de mémoire dès le départ.
_ Vous savez, c'est mon premier mémoire. Je n'avais pas connaissance de toutes ces subtilités.
_ Oui oui bien sûr, je ne vous blâme pas. En plus votre étude ne montre rien de significatif.
_ Malgré 60 dossiers inclus et 40 personnes rappelées individuellement, nous n'avons pu recueillir que 35 résultats mais ils font ressortir un doute non négligeable. Cette étude montre que ça vaudrait le coup de monter une étude multi-centrique dans plusieurs CHU.
_ Oui oui, mais l'étude actuelle n'est pas significative. Beaucoup de travail pour rien au final."

Mettez-vous à ma place. Je ne pouvais pas lui dire dans le blanc des yeux "je ne suis pas d'accord avec vous" et juste après "merci pour le diplôme de spécialiste que vous m'accordez". J'ai fermé ma bouche et je me suis barré en serrant les dents. Mon travail s'est fait démolir, pas à cause de son manque de qualité (j'en parlerai plus tard), ni de mon manque de sérieux, de rigueur scientifique ou d'acharnement. Non. Mon travail s'est fait défoncer pour une querelle de personnalités, et même pas la mienne en plus !

Le plus surprenant, c'est que Pr C, un peu plus tard, est venu me voir en privé.
"Je voulais revenir sur ton mémoire. On voit que tu as travaillé dur et que tu es très rigoureux, c'est évident. Par contre, je pense qu'en modifiant 2 ou 3 détails, ça pourrait donner un sujet de thèse très intéressant, voire même un article dans une grande revue médicale. Je te laisse mon adresse. Contactes-moi et on en reparle. Je te félicite encore, bravo."

Ça m'a laissé perplexe. Je ne comprenais plus rien : il est bien ou il n'est pas bien mon mémoire à la fin ? Et puis m'en fous si vous l'aimez pas mon mémoire; il est à moi, je l'aime et c'est moi qui l'ai fait tout seul avec mes petits doigts...et je vous emmerde !!!

La suite ici.

dimanche 29 janvier 2012

Thèse 2 : le bureau jaune

Previously, on "Thèse" : résumé des épisodes précédents ici.

Le choix du directeur de thèse s'est fait assez facilement et le choix du directeur de mémoire m'a été imposé. Pr A. était le directeur des études de spécialité médicales. Je pense que si j'avais choisi comme directeur de thèse Pr B, j'aurais eu quelques difficultés. Et j'ai eu le nez creux dans cette histoire.

Un jour, j'ai demandé un entretient, ou plutôt j'ai quémandé audience dans le "bureau jaune". Certains ont un bureau ovale; nous, notre professeur travaillait (et c'est toujours le cas à l'heure où je vous écris) dans un bureau qu'on appelle entre nous le "bureau jaune". Je suppose qu'il devait être au top de la déco dans les années 70. Ce que je comprends moins, c'est que le bâtiment a été construit dans les années 90...

C'est un bureau carré avec de la moquette marron au plancher, du papier peint jaune aux murs, un grand bureau en acajou brun-rouge et une grande fenêtre donnant sur un parc avec des pins verts. Pour montrer que c'est lui le Professeur, il a placardé aux murs les posters des présentations de ses travaux qu'il a présenté à différents congrès internationaux. Pour faire classe, les posters sont blancs et bleus. Je pense que plusieurs générations d'étudiants ont eu des crises d'épilepsies en entrant dans cette pièce.

"Voilà, je désirais vous voir parce que je voudrais qu'on parle de mon avenir.
_ Ah ! alors ? est-ce qu'une carrière hospitalière t'intéresse ? dit-il d'un air de vautour (j'ai vu son cou s'allonger d'au moins 2 centimètres).
_ A vrai dire, je n'ai pas encore décidé, dis-je sincèrement et à regrets vu l'affaissement de son sourire d'horloge : en parlant de mon futur, il avait un sourire 10h10, maintenant, il n'est plus que 9h15.
_ Ah bon. Et quelle genre de sur-spécialité t'intéresserait ?
_ Plutôt une spécialité pratique, pragmatique, proche des patients. La recherche ne m'intéresse pas trop.
Il n'est plus que 8h20 : j'avais choisi la mauvaise réponse.
_ Ah par contre, il y a ce DU (diplôme universitaire) qui est très intéressant.
_ Oui mais ça va pas être possible, on a déjà une interne inscrite et on ne peut pas se permettre d'envoyer 2 internes en même temps sinon il n'y a plus personne pour assurer la continuité de soins dans le service.
Alors là, il est carrément 7h25. 
_ Ah mince. Et sinon, pour ma thèse, j'aurais bien aimé la faire avec vous.
Je vois qu'il est 8h05, Pr A est à la fois intéressé et dubitatif. Je continue :
_ Mais comme je ne sais pas encore quel genre de spécialité je voudrais faire plus tard (quand je serai grand) j'aurais souhaité faire mon mémoire avec Pr B si vous êtes d'accord.
_ C'est diplomatiquement louable de ta part de me demander..."

9h10...que va-t-il décider ? Il se penche vers son dossier de chaise, pose le bout des 5 doigts de sa main droite sur le bout des 5 doigts de sa main gauche et fronce les sourcils. J'ai l'impression d'être sous le regard d'un prédateur de la savane qui est en train de décider s'il est déjà l'heure de diner ou si ça peut attendre encore un peu. Et là, j'ai peur. Parce qu'il s'il me sourit, ça veut dire que dans tous les cas, il va se servir de moi et que je vais en baver.

Pour faire semblant de ne pas fixer ses commissures, je me concentre attentivement sur ses posters, mais avec le contraste entre le bleu et le jaune, j'ai les yeux qui piquent. Je me retourne vers le bureau et je surprends ses chaussettes à motif écossais entre son pantalon en velours rayé marron et ses chaussures en daim beiges...c'est affreux, je ne peux plus regarder que ça...Ah !!! mes yeux sont happés par ce trou noir de manque de goût...oh mon Dieu ! reverrais-je encore un jour la mer, les oiseaux, les fleurs ?

"Mmm !"

Le raclement de gorge de mon interlocuteur m'extirpe de mon effondrement chromatique. Je regarde ma montre (la vraie, pas la bouche de mon prédateur) : mon égarement n'a pas duré plus de 20 secondes.

"Je pense que c'est une bonne idée. Oui. Fais-ton mémoire avec Pr B et ta thèse avec moi. Mais ça veut dire qu'il ne te reste plus que 1 semestre et demi au CHU, après il te faudra repartir en périphérie et donc, tu vas devoir faire des aller-retours entre loin et l'hôpital d'ici pour tes recueils de données (et merde, je viens de me faire bouffer un bras). Et surtout il va falloir que tu fasses les 2 sujets en même temps (et une jambe).
_ D'accord (avec mon consentement en plus!)
_ Je t'appelle bientôt pour le sujet de thèse et tu vois avec Pr B. pour le sujet de mémoire. Il faudra que tu le présentes l'année prochaine au congrès régional.
_ D'accord.
_ Merci pour ta visite, c'est bien, on avance."
Il m'a lancé un sourire de vélociraptor et m'a ouvert la porte de sortie. Et comme dans Jurassic Park, je suis allé me réfugier dans la cuisine du service et j'ai boulotté 2 glaces et 3 crèmes desserts.

Ok, je connais la date et l'heure auxquelles je vais me faire bouffer en public. Super. Ah mais non ! c'est pas super ! ce n'est que le premier acte ! il y aura la thèse juste après !!! ça veut dire que je vais passer les 2 prochaines années à bosser derrière mon ordi ou le nez dans les dossiers ! Oh mon Dieu non !!!!! reverrai-je un jour la mer ?!?!?

la suite ici.

jeudi 26 janvier 2012

Thèse 1

Avant d'aborder spécifiquement la thèse, il faut que je resitue un peu le contexte.
En général, dans un internat de spécialité, on doit rendre un mémoire, pour montrer qu'on a les connaissances d'un spécialiste, et une thèse, pour recevoir le titre de Docteur et pouvoir prescrire tout seul.

D'ailleurs, ça plonge très souvent les patients dans la perplexité. En effet, lorsqu'on commence l'internat, c'est à dire après avoir passé le concours de l'ENC en fin de 6° année, on devient médecin mais pas docteur. On prescrit toujours avec l'aval d'un chef qui est sensé nous surveiller. Inversement, j'ai un oncle qui a passé une thèse de littérature britannique, il est Docteur, mais pas médecin...Est-ce que tout le monde me suit ?

Ça donne lieu à des conversations bizarres :
"Ah bonjour Docteur !
_ Bonjour Monsieur Truc. Au fait, je suis pas docteur.
_ Ah bon ? vous êtes infirmier ?
_ Non, je suis médecin. Je suis l'interne qui s'occupe de vous.
_ Ah bon ! comme l'étudiant qui m'a interrogé ce matin ?
_ Non, lui c'était l'externe : il est étudiant mais pas médecin. Moi, je suis étudiant ET médecin.
_ Ah vous n'avez pas fini vos études de médecine alors, vous êtes pas un vrai médecin.
_ Non, je suis un vrai médecin mais je ne suis pas encore Docteur. Il faut que je passe ma thèse d'abord.
_ Ah et après vous pourrez prescrire des médicaments.
_ Non, je peux prescrire des médicaments dès maintenant.
_... J'ai mal à la tête, docteur."

Après, il faut réexpliquer ça à ses parents chaque année, et c'est moi qui chope mal à la tête.

Comme je l'expliquais précédemment (cf ici) mon 1° stage au CHU était mon 3° stage. Ça voulait dire qu'il ne me restait que 5 stages de 6 mois (2 ans et demi) pour trouver un sujet de mémoire, écrire un mémoire, soutenir mon mémoire, trouver un sujet de thèse, écrire une thèse et la soutenir. Boh, un objectif à remplir par semestre, ça devrait aller...j'ai laaaaaaargement le temps.
Que nenni.

Mon troisième stage a été un calvaire quotidien tempéré par 2 co-internes ultra-adorables. En sortant à 22h tous les soirs, je pensais surtout à mon oreiller et pas du tout, mais alors DU TOUT à mes diplômes. J'ai donc attendu mon 4° stage, sauf que je suis tombé ailleurs que dans ma spécialité. Zut...encore 6 mois à attendre. Mais ce stage a été très important quand même. En effet, il fallait que je choisisse où j'irai après et le stage suivant aurait le Professeur qui serait mon directeur de thèse et de mémoire. Parce qu'après, ce sera trop tard pour s'y mettre.

J'avais le choix entre le stage d'esclave avec le Professeur tyrannique, où je devrais bosser 14h par jour et EN PLUS bosser mon mémoire/thèse, ce qui voulait dire renoncer au sommeil pendant 6 mois.
Ou alors, aller dans un stage inconnu, chez un Professeur inconnu...

J'arrive dans ce stage inconnu, où je découvre qu'il y a 2 Professeurs, se détestant ostensiblement...voire même ostentatoirement. Appelons-les Professeur A et Professeur B. Chacun a ses domaines de compétences spécifiques et complémentaires, des sur-spécialistes qui se méprisent mutuellement en disant l'un de l'autre qu'il fait de la sous-médecine. Tous les 2 ont leurs qualités et leurs défauts mais mettez-les ensemble dans la même pièce et vous n'allez voir que les défauts.

Par exemple, dans le service, il y avait 30 lits. Ça aurait été super facile de séparer en 2 : le côté nord pour Pr A. et le côté sud pour Pr B. Ou les chiffres pairs pour machin et impairs...Mais non ! chacun estimait qu'il avait le droit de placer SES patients où il le voulait et quand il le voudrait.
Ça a donné lieu à de grands moments de solitude. J'étais en train de faire la visite professorale avec Pr B quand l'infirmière rentre dans la chambre :
"Georges, on a besoin de toi dans la chambre 312, le Pr A a besoin de toi pour la visite.
_ Euh...ok, j'arrive.
_ Non, Georges, on est dans la chambre de TA patiente, tu restes ICI."

Et pendant ce temps là, dans la chambre 312 :
"Il est où l'interne ? encore en train d'écouter l'autre abruti je suis sûr."

Et encore, ça c'était les bons moments. Parfois, les Pr se trompaient de chambre, ou avaient vu une patiente pendant les congés de l'autre, chacun s'attribuant la "propriété" de cette patiente. Il nous arrivait de faire la visite avec Pr A. qui prescrit tel traitement et de devoir refaire une visite professorale dans la même chambre avec la même patiente, qui du coup a le "privilège" d'être suivie par 2 professeurs, et de voir Pr B. rayer la page de prescription du coin en haut à gauche jusqu'au coin en bas à droite, changer complètement les prescriptions de la patiente en s'exclamant au scandale de prescrire un traitement pareil.
Et si jamais Pr A voyait que les prescriptions avaient changé, bien sûr, c'est à l'interne qu'il s'en prenait, en l'occurrence moi.

C'est extrêmement formateur, vous vous en doutez. Il a fallu faire intervenir la maîtresse d'école pour séparer ces deux enfants turbulents : la cadre de santé. Vous croyez que ce sont les médecins qui font vivre un service ? pas du tout du tout. Sans infirmière déjà, aucune prescription ne serait appliquée, et sans cadre de santé, pas d'infirmière. C'est elle la vraie Boss. Et elle avait en plus la classe de faire croire aux Professeurs que c'étaient eux les chefs.

Un jour, elle les a pris a part :
"C'est plus possible maintenant. Vous êtes en train de détruire le service avec vos enfantillages."
_ C'est lui qui a commencé !
_ Je ne veux pas le savoir ! vous êtes tous les deux en tort. Il faut que vous appreniez à vivre ensemble. A., tu feras la visite de 9h à 10h30.
_ Non je veux pas !
_ C'est comme ça et puis c'est tout ! et toi B., tu la feras de 10h30 à 12h.
_ D'accord mais je suis sûr que A. va continuer à m'embêter !
_ Il faudra me le dire et je referai un temps de régulation. Est-ce que c'est clair pour tout le monde ?
_ grmlmlml
_ J'ai pas entendu !
_ Oui madame.
_ Oui madame. 
_ Et le premier qui désobéi ira au coin !"

(bon d'accord, la retranscription de ce qui s'est dit n'est pas littérale mais c'est ce que j'ai retenu)

Après cela, ça s'est un peu mieux passé. Ils ne pouvaient plus s'envoyer des fions par interne interposé. Là où  le dilemme devient cornélien : lequel allais-je choisir des deux pour diriger mon mémoire et ma thèse ?

la suite ici.

jeudi 19 janvier 2012

l'Orage

En ce moment, chez moi, il pleut, très fort, mais que la nuit. Ça me rappelle une anecdote :

J'étais externe en 5° année et nous devions fêter la fin de stage. Normalement, nous externes, esclaves du monde médical, sommes catapultés d'un service à l'autre tous les 3 mois. Alors chaque trimestre, on organise une petite sauterie entre tous les externes du stage en question, s'y ajoutent éventuellement les internes et les séniors s'ils étaient sympas. Je ne sais pas si on fête la joie d'en partir ou la célébration d'un bon moment. C'est variable à chaque stage.

Ce soir, on est allé au resto, on s'est bien régalé mais vers 23h :
"C'est pas possible, on ne va pas finir la soirée comme ça ! dis-je un peu déçu. Mon interne me répond :
_ Si vous voulez, on peut finir la soirée chez moi."

Ni une ni deux, hop là boum, en voiture Simone, on se retrouve chez l'interne. C'était une baraque immense juste à côté de la gare. Étant donné que les internes sont payés une misère, le plus rentable, c'est d'avoir des colocs; donc très souvent, plusieurs internes se réunissent pour occuper une grosse maison et payer des cacahuètes pour le loyer.
Ça présente aussi l'avantage de ne pas rentrer tout seul le soir à la maison à déprimer, que sur le paquet de colocs, il y en a toujours un pour finir un peu plus tôt que les autres, cuisiner ou acheter des pizzas et en laisser pour celui qui va rentrer à 23h, partager les expériences difficiles de la journée et demander un complément de connaissances à ses comparses.

Ce soir là, il se trouve que la maison était vide : tous les colocs étaient en vacances. Vous vous rappelez la maison que squatte Tyler Durden dans Fight Club ? pareille ! La devanture un peu gothique, l'intérieur pas trop délabré (quand même) mais avec très peu de meubles, des livres de médecine entassés contre les murs, des Entrevue et Cosmo vieux de 5 ans dans les toilettes, une piscine en plastique dans la cave (si si je vous promet) parce que c'était l'endroit le plus chaud de la maison, mais rien dans les placards.

On se ramène à 4, tous les autres nous ont abandonnés. Camille nous accueille chez lui :
"J'ai pas grand chose à vous proposer, dit-il en fouillant dans la cuisine. J'ai une bouteille de Whisky et ... 2 plaquettes de chocolat blanc...et une guitare. Qui a bien pu ranger la guitare entre le frigo et la gazinière ?"

Alors on s'est posé sur les poufs dans le salon (pas de canapé) et on a commencé à faire le boeuf. On a fait tourner la guitare et chacun a gratifié les autres de ses connaissances musicales. On est passé par un peu de tout : Red Hot Chili Peppers, Nirvana, Bob Marley, Tracy Chapman, Led Zep, Louise Attaque, The Beatles, The Rolling Stones, The Cure...Camille a du nous abandonner :

"Je dois vous laisser, je vais me coucher. Il 3h du matin et je suis de garde demain à 8h."

Nous avons continué. A un moment, il s'est mis à pleuvoir. L'un de nous a pris la guitare et a commencé à plaquer des accords et une façon de jouer qui est tout de suite identifiable par tout mélomane averti :

"Parlez-moi de la pluie, et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage
Car le plus grand amour, qui m'fut donné sur terre
Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter
Il me tomba d'un ciel d'oraaaage."

Pour la suite, cf ici : http://www.youtube.com/watch?v=FYnPv-aejJk

Emporté par l'élan lyrique de cet auteur magnifique, nous avons continué à s'échanger tout notre savoir Brassensesque. Fort heureusement pour nous 3 (oui, le quatrième était parti se coucher), nous connaissions tous le poète à moustache et ça a duré encore, le temps a filé sans que nous nous en rendions compte.

Camille :
"Salut les gars.
_ Ah mince, désolé, on t'a réveillé.
_ Non non, il est 7h, je me lève pour aller à ma garde. Vous avez dormi là ?
_ Non, on s'est pas couché."

Nous avions sifflé la bouteille de whisky, les 2 plaquettes de chocolat blanc (avec un petit dauphin dessus) et une vingtaine d'odes à la vie, qui donnent envie de se mettre l'accent de Sète, à la pipe et de se laisser pousser la moustache; le genre de chansons qui vous font regretter de faire des études, qui vous donneraient des ailes pour aller dans les champs de lavandes avec une guitare, avec pour seul toit une mansarde avec des étoiles plein le firmament, d'avoir des chats, de rencontrer des nymphes au bord des fontaines, d'aller faire la sieste au pied d'un grand chêne...

Le lendemain a été très dur au boulot (c'était un vendredi, la soirée un jeudi) mais j'ai sifflé du Brassens dans les couloirs, j'avais l'impression d'y voir pousser des pins parasols et je ne suis pas sûr que ça ait déplu aux locataires. La musique a toujours accompagné mes études de médecine, je vous en ferai part dans d'autres billets. J'espère que vous y avez trouvé au moins autant de réconfort que moi.

mardi 17 janvier 2012

Comment faire rire avec les hémorroïdes

J'ai un très grande amie avec qui je partage beaucoup de choses. Elle est infirmière et s'appelle Milène (prénom fictif, toute ressemblance avec une personne existante est absolument faite exprès). On s'était rencontré à la danse plusieurs années auparavant et puis nous nous sommes perdus de vue pendant presque 5 ans.

L'histoire se passe peu de temps après un placage dégueulasse (cf ici) qui m'avait dévasté. Mes co-internes Pilar et Micheline avaient décidé de me prendre en main(s), de faire de moi un séducteur. Ma première tentative est résumée dans ce billet ci. Malheureusement Yolanda dut retourner au Brésil et je me suis à nouveau retrouvé célibataire.

Peu de temps après, j'ai tenté de faire des rencontres aux soirées internat, et ça s'est soldé...pas vraiment par un échec mais un constat peu flatteur : je peux séduire mais il faut que la fille en face soit à 2g d'alcoolémie (cf ici). L'effet secondaire inattendu a été que j'ai une moitié d'érection à chaque fois que je croise une AX verte.

Pilar et Micheline m'ont fait subtilement comprendre qu'il fallait que je remonte en selle après mes chutes de cheval (comme si la drague était de la chasse à courre...) :
"Georges ! il y a une étudiante infirmière qui est très jolie. Vas-y !!! Chopes-là !!!"
Je vous avez dit, subtil en effet.

J'étais en stage au CHU et j'enchainais les journées sans dormir plus de 5h par nuit. Ce qui fait qu'habituellement, la fin de semaine commençait à se faire ressentir à partir du mercredi midi avec pour conséquence, entre autres, d'énormes cernes sous les yeux. Le matin au réveil, mal rasé, je ressemblais à un panda avec la voix de Barry White.

J'ai appris subrepticement (mes coloc avaient laissé trainer des Cosmo dans les toilettes) que la crème anti-hémorroïdes appliquée sous les yeux était efficace contre les cernes. Sans trop y croire, j'ai essayé pendant quelque temps. Par contre, contre la grosse voix du matin, Cosmo ne m'a apporté aucune aide.

Fort de mon nouveau regard, je me dirige vers l'étudiante infirmière.
"Excuses-moi, je dois examiner le patient (pas vrai, je l'avais déjà fait). C'est toi qui t'occupes de Monsieur Alibi ?
_ Oui c'est moi...mais...euh...
_ Oui ?
_ Georges ?
_...Milène ? Qu'est-ce que tu fais là ?"

Milène travaillait dans la pub, elle n'aimait pas son métier mais aimait la danse. Nous nous étions rencontré dans un cour du soir à l'époque où j'étais externe. Puis, j'ai commencé la quatrième année et je n'ai plus eu le temps de rien faire. Je ne m'attendais pas à la revoir ici.

Je l'ai invité à prendre un verre pour qu'elle me raconte son histoire depuis 5 ans. Elle a fini par quitter son boulot mais ne savait pas quoi faire. Elle a pris une année sabbatique bon gré mal gré, a rencontré les bonnes personnes au bon moment et s'est inscrite à l'école d'infirmières. Elle passait un des stages de sa première année dans mon service.

Restait à savoir une chose : il y a 5 ans, Milène me plaisait déjà mais elle avait un jules. Et maintenant ? J'appris devant le verre que non, qu'elle était célibataire. J'en profitai donc pour l'inviter à regarder ma collection de livres de médecine à la maison (oui je sais, excuse pourrie). Ce qu'elle accepta volontiers.

Sur le canapé, on s'est embrassé, pas longtemps, mais c'était bizarre. De mon côté, j'avais l'impression d'embrasser une cousine germaine. Et elle, je voyais bien qu'il y avait un truc qui clochait. Elle devait rentrer chez elle, elle commençait le boulot tôt le lendemain.

Je n'ai pas eu de nouvelles pendant plusieurs jours, davantage que le nombre nécessaire pour faire naître le manque. Elle m'a appelé, on s'est donné rendez-vous dans un café. Quand on s'est vu, nous nous sommes pris dans les bras l'un de l'autre, ça évite l’ambigüité de choisir entre la bise sur la joue ou sur la bouche.
"Je suis désolé de ne pas t'avoir donné de nouvelles pendant 10 jours mais j'avais certaines choses à régler...et puis, nous deux...je sais pas...c'était bizarre, un peu comme si j'embrassais un frère.
_ C'est marrant que tu dises ça, j'ai ressenti à peu près la même chose.
_ Alors...just friends ?
_ Just friends, ça me va très bien."

Depuis ce jour, nous avons gardé une forte amitié. Plus tard, elle s'est retrouvée un mec et moi j'ai continué à draguer avec plus ou moins de succès (mais c'est une autre histoire).

Un soir elle m'appelle :
"Georges, j'ai besoin de toi.
_ Qu'est-ce qui se passe ma belle ?
_ Je peux pas t'expliquer. On se retrouve dans un heure au café ?
_ Ok."

Son mec lui tapait sur le système, lui menait la vie dure et elle l'aimait, mais ce soir, c'était trop. Elle avait besoin de changer d'air. On a pris un verre, puis deux, puis trois. On a parlé des heures et des heures. Au bout d'un moment, le bar s'est mis à passer une chanson d'Ella & Louis ce qui est suffisamment rare pour que ce soit relevé et fêté. J'ai donc saisi l'occasion pour la prendre par la main, quitter la table, lui prendre l'autre main, la poser sur ma hanche et commencer à danser au centre du café, au milieu du regard étonné du peu de consommateurs restants à minuit.

Nous dansons joue contre joue, elle finit de pleurer et sèche ses larmes d'un revers de la main, commence à me sourire et me regarde dans les yeux :
"Mon pauvre, tu as l'air fatigué, t'as de grosses cernes.
_ Oui je sais, je n'ai plus de crème contre les hémorroïdes."

Elle a éclaté de rire et s'est remise à pleurer, de rire cette fois-ci, et je l'ai accompagnée de bon cœur.

dimanche 15 janvier 2012

L'odeur des hôpitaux et la confiture de coings

Suite à un conversation avec DocMamz que je remercie au passage :

Dans mon esprit, la diarrhée et la confiture sont les deux faces d'une même pièce. Je m'explique : 

Tous mes amis non-médecins me l'ont dit un jour ou l'autre : comment fais-tu pour supporter l'odeur des hôpitaux ?

Après une très longue période passée à hanter les murs des établissements de santé, j'avais oublié mais c'est vrai : les hôpitaux ont une odeur, et même chacun possède la sienne. Je ne comprenais pas que les gens n'aiment pas l'odeur des hôpitaux parce que moi, j'aimais bien : c'est l'odeur de l'endroit où je me sens utile !
J'aimais particulièrement l'odeur des urgences : un mélange de sang, de plâtre et de Bétadine. Je ne comprenais pas les patients qui disaient : "j'aime pas les hôpitaux". Alors j'ai essayé de me rappeler, c'était comment avant ?

Avant médecine, est-ce que j'ai fréquenté les hôpitaux ? pas beaucoup : une fracture, un décès, une naissance. La vie, quoi. Mais si je me remet dans la tête de l'enfant de 4 ou 5 ans que j'étais, je me rappelle de ce mélange de javel et d'inconnu. On entre par des portes automatiques dans une espèce de grosse machine étrange dont on ne connaît pas les rouages, ni le fonctionnement, ni à quoi ça sert.

Je comprenais juste que c'était une machine à gens : certains y entrent et n'en sortent jamais (le décès de ma grand-mère) et d'autre en sortent sans jamais y être entrés (la naissance de mon frère). L'odeur de cette machine était un peu oppressante parce qu'inaccessible et mystérieuse. Alors c'est ça l'odeur des hôpitaux pour les non-médicaux : l'incertitude et l'angoisse avec un soupçon de douleur et de larmes. 

Si je fais vraiment un effort de mémoire, lors de mon tout premier stage infirmier (cf ici), je percevais encore cette odeur mais très vite, les impressions qui y étaient associées se sont muées en plaisir.

Encore un exemple, quand j'étais enfant, j'aimais pas l'automne : la fin des vacances, la rentrée des classes, le froid qui arrive...Mais à cette période, mon père faisait le tour de la région pour récupérer des coings. Dans la cave, toute la famille, on épluchait ces fruits jaunes, informes, durs, velus (ou plutôt duveteux) et c'était vraiment pas facile à éplucher. Et en plus on ne peut même pas grignoter : crus, c'est infect, amer, grumeleux et ça colle aux doigts. 

Une fois qu'on avait tout épluché, on mettait tout dans une marmite avec du sucre et il fallait remuer longtemps, longtemps avec la plus grande spatule que j'ai jamais vu. Mon père touillait patiemment dans le froid de la cave et je ne comprenais pas comment il pouvait aimer faire ça. Et puis, au bout d'un certain temps, depuis la cave s'élevait un petit filet, un peu doux, sentant à la fois la pomme, la feuille morte et le caramel mais avec son parfum particulier : l'odeur de la confiture de coings.

Cette odeur m'a réconcilié à jamais avec l'automne. J'aime cette odeur plus que tout au monde. J'aimerais qu'il existe des bouteilles magiques, vides, transparentes avec une étiquette dessus. On soulèverait le couvercle et une odeur s'en échapperait pour nous rappeler instantanément tous les souvenirs associés.

OK, l’hôpital sent aussi les larmes, la merde, la pisse et le vomi. Un peu. Ce qui fait les souvenirs associés au parfum d'hôpital sont mitigés. Mais ça a été ma maison pendant 10 ans et j'y ai vécu du bon comme du mauvais. Mais tout ce que j'y ai vécu de pénible a été supporté parce qu'en rentrant chez moi, je m'ouvrais un pot de confiture de coings.

samedi 14 janvier 2012

My Wonder Externe

Lorsqu'on arrive en 4° année de médecine, c'est à dire en DCEM2 ou D2 pour les intimes, on devient comme par magie : externe.
Ça veut dire que vous devenez un serf, un esclave au service de tous vos supérieurs, corvéable à merci, n'étant pas encore un médecin, même pas un bébé médecin. Cet tâche vous reviens de 8h30 à 12h30 (en théorie) tous les jours et un samedi de temps en temps et vous en serez dédommagé de 100€. Non pas par jour, non pas par semaine, non pas par samedi d'astreinte, oui par mois. Et la garde de nuit, 14 heures d'affilée, 20€. 
En échange, le sénior (ou seigneur, ou saigneur, selon le contexte) que vous servez avec gratitude daignera vous octroyer une partie de son savoir médical. 

Ça, c'est quand il y a quelqu'un pour s'occuper de vous, pauvre externe que vous êtes. Sinon, un externe oisif ressemble plutôt à une larve qui se traîne entre les différentes pièces de l'hôpital jusqu'à ce que quelqu'un daigne remarquer sa présence et s'occuper de lui. En général, il tombe sur la reine de la ruche et elle le bouffe (fatal destin que celui des insectes hospitaliers).

Bon en pratique, un externe c'est un larbin, une sous-merde, la personne qui fait le boulot que personne ne veut faire : 
"Bon alors madame, parlez-moi des antécédents médicaux complets de toute votre famille sur 3 générations."

"Bonjour, je suis bien aux archives ? je cherche le dossier de Monsieur Perdudevue qui était hospitalisé dans le service il y a 15 ans. Oui...ah...vous avez changé 3 fois de méthodes d'archivages entretemps et vous avez déménagé dans un autre bâtiment ?...ah je comprends...Il faut que je vienne trouver le dossier moi-même. Où est-ce qu'il faut que je viennes fouiller alors ?"

"Bonjour Monsieur Constipé, je viens vous faire une extraction de fécalôme."

Ou alors, vous avez le droit d'apprendre par vous même : 
"Bonjour Madame, est-ce que je peux vous faire un interrogatoire clinique ? 
_ Non. 
_ Ah bon ? avec un sourire qui s'efface progressivement. 
_ Non, parce que vous êtes la 7° personne qui me pose les mêmes questions. 
_ Ah bon ? l'air incrédule. 
_ Oui : mon médecin généraliste qui m'envoie aux urgences, l'externe des urgences, puis l'interne, puis son chef qui m'hospitalise ici, puis l'interne d'ici qui m'a déjà interrogée hier soir puis son chef, puis encore vous. Alors ça suffit. 
_ Mais euh...si je ne remplis pas d'observation dans le dossier je vais me faire défoncer par mon sénior ! l'air franchement paniqué. 
_ C'est pas mon problème. J'en ai marre, laissez-moi tranquille."

Ou alors, plus constructif encore : il faut savoir que les résultats biologiques apparaissent sur un écran d'ordinateur quand on en fait la demande, ils sont ensuite imprimés pour les montrer au sénior pour pas perdre de temps à les redemander à l'ordinateur. Puis ces mêmes résultats sont imprimés par le laboratoire et envoyés dans le service où l'externe est sensé les regarder et les interpréter. Certains services demandent qu'en plus, les résultats soient recopiés à la main dans l'observation. 

Je suis passé par là, ce n'est pas drôle du tout et c'est une des raisons qui m'avaient poussées à arrêter médecine. Le destin m'a rattrapé (cf ici). En tout cas, sachez qu'avec de l'expérience, l'externe devient expert en administration hospitalière et que fortuitement il arrive à apprendre la médecine sur le tas plutôt que dans les bouquins. 

Cette étape de ma vie était loin, j'étais interne, le grade supérieur, donc potentiel persécuteur d'externes. Les hôpitaux de périphérie n'ont pas le privilège d'avoir des externes, c'est une exclusivité des CHU, presque un monopole. C'était donc mon deuxième stage au CHU et j'avais des externes à ma merci. 

Sauf que, je n'ai pas été élevé chez les rats. Chez moi, quand on vous fait une crasse, on serre les fesses et on essaye d'éviter cette même crasse à son prochain. Ça s'appelle la politesse, ça existait encore il y peu dans certains contrées lointaines. Beaucoup de "séniors" en ont oublié jusqu'à l'existence même (cf ici). 
Bref, j'ai remarqué que se faire aimer (ou à tout le moins, ne pas se faire détester) par ses externes, vraiment leur apprendre des trucs et répondre à leurs questions, au delà du service médical rendu, ça rendait la vie plus facile. Accessoirement, le travail que je leur donnais à faire était exécuté 2 fois plus vite et avec le sourire. Par exemple, nous voyons ensemble un papi qui vient pour syndrome confusionnel aigu : 
"Jean-Pierre, est-ce que tu sais comment on calcule le score de Glasgow ?
_ Oui, en évaluant la motricité, la réponse verbale et oculaire. 
_ Alors ? quel est le score du patient ?
_ Euh...il bouge spontanément les bras, ouvre les yeux, est réactif à la lumière et à la douleur. 
_ Et est-ce qu'il parle ? 
_ Monsieur (en lui criant presque à l'oreille) est-ce que vous savez où vous êtes ? 
_ Dans mon slip !
_ Alors ? c'est une réponse orientée ou pas ?
_ Euh ...je sais pas. 
_ Vérifies s'il a un slip."
Le patient avait un slip, Glasgow = 15/15, il avait juste un humour pourri. On s'est bien entendu lui et moi.
Un jour, comme par magie, 3 nouveaux externes sont apparus, dont ma Wonder-Externe. 
"Vous êtes qui ? 
_ On est les externes de D4. On vient de passer le concours de l'internat. Le chef de service nous avait offert un mois de vacances pour réviser et en échange on doit passer 2 semaines en journée complète."
Elle était parfaite : elle savait tout sur le bout des doigts, les pathologies de ses patients, leurs traitements, leurs antécédents...tout ! Lorsqu'un patient sortait, son ordonnance était déjà prête avant même que je ne la demande, il ne me restait plus qu'à signer et dicter son courrier. Lorsqu'un nouveau patient était hospitalisé : 
"Ah zut ! elle ne connait pas son traitement habituel. Est-ce que ...
_ J'ai téléphoné au médecin traitant, il nous faxe sa dernière ordonnance. 
_ Nickel. Ah et aussi, elle a passé un examen chez son cardiologue et son ophtalmo il y a 3 mois, est-ce ...
_ Déjà fait, ils nous faxent un compte-rendu.
_ Parfait. 
_ D'ailleurs, ça y est, les fax sont en train d'arriver. Et voilà ! me dit-elle en me les tendant, tout ça avec un ton de speakerine et avec le sourire, comme si ça avait été fait en toute logique et simplicité, parce que ça allait de soi. Je me tends vers elle, j'ouvre mes bras et laisse échapper une petite larme : 
_ Est-ce que tu veux bien rester ici pour toujours rien que pour moi s'il te plait s'il te plait s'il te plait ?"

Peu de temps après, on discutait de langues étrangères et du fait qu'en général, la première chose qu'on apprend d'une langue, se sont ses gros mots.
"Je pense que j'aurais atteint un niveau de culture satisfaisant quand je saurai dire un gros mot dans au moins 25 langues. Sur ces bonnes paroles, wonder-externe répond : 
_ Tu veux apprendre un gros mots en langue des signes ? 
Heureusement que j'étais assis, j'en aurais été projeté sur mon fondement. 
_ Oui, dis-je complètement abasourdi. 
_ Tu fais un croissant avec ta main droite que tu met à côté de ton oreille droite. Tu tends l'index et le majeur collés et inclinés à 45° à côté de ton oreille gauche. 
_ Oui ? et alors ? 
_ Tes mains forment les lettres C et N. 
_ Et ...? 
_ Et ta tête un gros O.
_ Ah !!! excellent ! Encore ! Comment on dit "bonjour" ? 
_ Comme ça : 
_ Génial !!! Encore !
_ Qu'est-ce que tu veux apprendre ?
_ Chocolat, ça peut servir.
_ Comme ça :
_ C'est super !!! merci !!!
_ Attention ! à ne pas confondre avec "tout nu" : le même mouvement mais qu'une seule fois vers l'extérieur."

A partir de ce jour, j'ai fondu. Le lendemain, je lui proposais par SMS :
"_ Est-ce que ça te dirait qu'on aille prendre un verre ?
_ Ça dépend, on sera combien ?
_ Pour l'instant, on sera 2.
_ Si vous n'êtes que 2, alors je vous laisse en tête à tête."

J'ai été parfaitement décontenancé, désarçonné par cette réplique. Est-ce qu'elle est complètement conne ou ultra naïve ? il s'est avéré qu'elle n'était ni l'une ni l'autre. Après réflexion, elle m'a éconduit de la façon la plus incongrue et respectueuse que j'ai pu vivre.

Malgré le fait que Wonder-Externe soit partie loin, très loin, j'ai réussi à garder cette personne atypique dans ma vie et dans mon cœur, nous sommes devenus des amis très proches.

Je vous souhaite à tous de rencontrer des êtres aussi humains. 

PS : je tiens à remercier tous les externes qui ont travaillé avec moi et je félicite toutes les personnes qui sont actuellement entre la 4° et la 6° année de médecine, courage !

PPS : images tirées de lsf.Wikisign.org

vendredi 13 janvier 2012

1 sur l'échelle de Jacques Martin

Parfois, j'imagine un monde comme à "l'Ecole des fans" où les patients et mes co-internes auraient des cartons avec des notes de 1 à 10 pour noter les blagues. Je vais raconter quelques uns de mes 0 ou 1 sur l'échelle de Jacques Martin.

"Zut, regardes le scanner de Mme Machin, sa vertèbre a une forme de patate.
_ C'est ça qu'on appelle un rachis parmentier, non ?"


"Bonjour Docteur, mon Docteur m'envoie ici pour la colo.
_ Il est sympa votre médecin de vous envoyer en vacances, quand même.
_ ?
_ Non parce que "coloscopie" et "colonie de vacances", ça commence pareil.
_ ...
_ La siii, la sol..."


J'entre la chambre, double, de Monsieur Bibine, hospitalisé pour pancréatite aiguë alcoolique :
"C'est quoi votre prénom déjà ?
_ Jacques-Daniel.
_ Ah oui quand même ! Vous étiez prédestiné alors ?
_ Pourquoi ?
_ C'est pas grave. Et votre voisin aussi il a un prénom composé, non ?
_ Oui, je m'appelle Georges-Michel.
_ Vous êtes chanteur ?
_ Non, maçon."
Je sors de la chambre en sifflant "Wake me up before you go go"

"Vous vous appelez Marie-Antoinette et vous avez mal au cou ? c'est bien ça ?
_ Oui c'est ça.
_ Hihihi !!! Merci Madame.
_ Pourquoi vous riez tout seul docteur ?"


Dans le service de gynécologie, dans un dossier, il y a écrit un truc en gros, en rouge, pour une femme qui a accouché la veille :
"Ah c'est marrant, son enfant s'appelle César.
_ ..."
Silence gêné de tous mes co-externes qui sont en train d'hésiter : il est complètement con ou il le fait exprès ? Ils n'ont pas ri, ils avaient choisi la première option.


"Oh allez, hein, docteur, qu'est-ce qu'il peut m'arriver de pire ?
_ Je sais pas, mourir ?
_ Ah bon ? vous êtes sûr ? pour un rhume ?
_ Vous m'avez demandé le pire aussi.
_ Bah oui, je suis con.
_ Vous en faites pas, moi aussi."


Une patiente accompagnée par sa grand-mère :
"Vous êtes enceinte et diabétique ?
_ Oui.
_ Depuis quand on connaît le diabète ?
_ Depuis 3 ans, on l'a trouvé en même que pour ma grand-mère.
_ C'est sympa, vous faites tout en même comme ça.
_ Oui.
Je me tourne vers la grand-mère :
_ Et vous êtes enceinte vous aussi ?"



Juste avant de prélever une gazométrie artérielle. Pour ceux qui ne savent pas, on pique dans une artère du poignet, ce n'est pas spécialement agréable :
"_ Je vous préviens madame, je vais vous faire très mal (dis-je après avoir retiré le patch d'anesthésique)
_ Ah bon ?
_ Oui, parce que je suis un docteur méchant.
_ ...
_ Attention je pique.
_ ...
_ Voilà c'est fini.
_ Vous m'avez menti docteur !
_ Ah bon ?
_ Oui, j'ai pas eu mal.
_ Mince, je me rattraperai la prochaine fois.
_ Et en plus vous mentez mal, dit-elle en souriant."

Bizarrement, j'ai remarqué que depuis le début de l'année, d'autres personnes s'y mettent aussi. Lors d'une autre gazométrie qui s'annonçait plutôt difficile. Je me tourne vers l'infirmière :
"Tu sais ce qui me ferais plaisir ? c'est que tu me tiennes la main."
Elle éclate de rire (le patient est bleu, en état de choc, à moitié conscient). Je ne comprends pas bien pourquoi elle rigole comme ça. J'ai un éclair de génie :
"Pas la mienne !!! celle du patient !!!"

Ayant compris l'incongruité de la situation, je me met à pouffer, à me retenir, à me mordre la joue, et finalement à rire ouvertement, à en pleurer. Le patient se réveille :
"Vous seriez pas en train de vous foutre de ma gueule ?
_ Non monsieur, je ne me permettrai pas. C'est l'infirmière qui se moque de moi.
_ Je sais pas si ça doit me rassurer."
J'ai réussi le prélèvement, on a transféré le patient en réa, où les réas sont des pros (cf ici) et le patient a survécu.

Journée difficile, 5 sorties le matin, 3 entrées l'après-midi plus 3 consultations dans un autre service et 1 avis téléphonique qui m'a pris beaucoup plus de temps que prévu.
Ma collègue : "Tu connais la blague du nombril ?
_ Non.
_ Bril.
_ Oh la vache !!!"

Tout ça pour dire que, l'univers médical n'est pas spécialement rose, l'ambiance n'y ait pas toujours au beau fixe entre les différents membres du corps médical ni parfois avec les patients. Mais si à la fin de la journée, quelques uns peuvent avoir l'opportunité de se muscler un tant soit peu les zygomatiques, ça passe bien mieux. =)

mercredi 11 janvier 2012

thé ou café ?

La question peut sembler anodine et pourtant, elle a beaucoup d'importance. Je ne parlerai pas ici de l'attrait qu'ont les anesthésistes pour le café (probablement à cause des vertus de la caféine pour maintenir éveillé alors qu'ils sont entourés en permanence de gens qui dorment, peut-être) ou de la boisson nationale britannique. Non non, je vais vous raconter deux histoires. 

J'étais en 5° année, c'est à dire en plein milieu du calvaire des révisions pour l'ENC (cf ici). Je vous explique : le matin, tout le monde est en stage, de 8h30 à midi mais ça déborde souvent jusqu'à 13h voire 13h30. Là, il faut se déplacer en quatrième vitesse pour manger, aller à la fac et assister au cours qui débute à 14h. Là, on se rend compte que le prof est :
   - pas là, personne n'est prévenu, pas de cours, 2h de perdues
   - il est là mais il n'a rien préparé, alors il improvise, 2h de perdues
   - pas là mais il a prévenu quelqu'un, à la dernière minute, qui improvise,  2h de perdues
   - il est là, il a préparé un cours et c'est de qualité, 2h de gagnées sur les bouquins

Grosso modo, en allant à la fac après le stage, on a une chance sur 4 de ne pas perdre son temps. A part pour certains prof qu'on savait être de qualité, la plupart du temps, après les cours, je potassais tranquillement chez moi.

Mais comme les profs se sont rendus compte qu'on ne venait pas en cours (pour ça, il faudrait déjà qu'ils y aillent eux mêmes, en cours, c'est pour ça, ça a pris du temps, ils ont mis 2 ans quand même), ils se sont dit que la bonne idée, ça serait de faire pareil que leurs cours mais après les cours, de 19h à 23h. Super sympas les mecs.

Donc, après une demi-journée de 6h passée en stage puis une demi-journée de 6h à bosser dans les livres, j'allais passer, 2 fois par semaine, une demi-nuit à travailler à la fac. Évidemment, plus l'enseignant était de qualité plus les séances de questions duraient longtemps. En général, j'étais content quand je rentrais avant minuit.

Mais ça, c'était les cours organisés par les profs. En plus de ça, on avait les conférences d'internat, 2 fois par semaine, la même chose mais organisées par des internes qui venaient juste de passer le concours (et de le réussir forcément) donc qui savaient mieux que nos profs ce que les examinateurs attendaient comme réponses. Je ne savais pas, à cette époque là, qu'après ce serait pire, parce qu'au moins, je pouvais passer mes après-midi chez moi.

(c'était la séquence mélo, maintenant rentrons dans le vif du sujet)

En stage, j'avais rencontré Perrine, une jolie petite brune au carré avec de grands yeux bleus et le visage constellé de taches de rousseur. Je vous ai dit que quand je me suis rendu compte que je ne pouvais plus voir les étoiles sans mes lunettes, j'ai pris une cuite (si si, rappelez-vous, j'en parle ici). Avec Perrine, pas besoin de lunettes pour voir les étoiles dans ses yeux et sur ses pommettes.

Un soir, je rentre de conférence d'internat, il est quasiment minuit. Ma copine de l'époque s'impatiente. Elle m'a déjà envoyé 14 SMS. Elle commençait sérieusement à me saouler et j'envisageais de la quitter, mais sachant que les prochaines années, j'avais de grandes chances de passer encore plus de temps à cravacher et pas à draguer. Donc que j'allais passer toute ma 6° année seul (c'est ce qui a fini par se passer, mais c'est une autre histoire).

Qui croisais-je sur le chemin du retour ? Perrine et ses éphélides ! On fait un bout de chemin ensemble, elle aussi rentre de conférence internat. On parle de tout et de rien, on rit, le courant passe, l'alchimie se crée. Arrivés en bas de son immeuble, elle me propose :

"Tu montes prendre un thé ?"

Pour bien comprendre le sous-entendu, il faut que je raconte une autre histoire dans l'histoire.

Pendant que nous étions en stage ensemble, un jour, elle nous raconte quand dans le métro parisien, assis devant elle, il y avait un beau jeune homme. Ils échangent leurs regards et juste à ce moment, une mamie fait un malaise. La personne qui l'accompagne demande s'il y a un médecin dans la rame. Perrine et le beau mec se regardent, elle commence à se lever mais lui se lève avant elle et va secourir la vieille dame. Au final, c'était un malaise vagal (a priori, ce n'est pas mon histoire). L'homme revient, se rassoit et lui demande :
"J'ai vu que vous alliez vous lever, vous êtes secouriste ?
_ Non, je suis étudiante en médecine, en 4° année.
_ Ah bon ! moi je suis interne en médecine, en 2° année."


La conversation s'engage, Perrine ne descend pas à sa station, elle veut continuer de lui parler, de l'écouter, encore et encore. 5 ou 10 stations plus tard, l'interne lui demande :
"Je t'offre un café ?"
Et elle a répondu le plus naturellement du monde :
"Non".
Le beau et jeune interne est parti tout penaud, elle était tétanisée par sa propre réponse, sans qu'elle puisse se lever pour le rattraper, les portes se sont refermées avant qu'elle ait eu le temps de réagir.


Quand elle nous a raconté ça, on s'est tous demandé : mais pourquoi a-t-elle répondu "non" s'il lui plaisait ? Elle répondit toute timide :
"_ Parce que je n'aime pas le café.
_ Ça veut dire que s'il t'avais proposé n'importe quoi d'autre que du café, tu l'aurais suivi ?
_ Oui bien sûr !!! j'ai beaucoup regretté d'avoir répondu non.
_ Mais qu'est-ce qui t'a pris ?
_ Je ne sais pas, j'ai paniqué et j'ai répondu le premier truc qui m'est passé par la tête, la vérité : j'aime pas le café."

Je reviens à mon histoire : nous étions en train de marcher dans la rue, nous sommes au pied de son immeuble et elle me propose de monter prendre un thé.


J'ai répondu :
"_ Non, ma copine m'attend."

Elle fait ses yeux triste, les étoiles ont quitté son regard, elle m'a déposé un baiser sur la joue et s'en est allée.


2 ou 3 rues plus loin, j'ai hurlé dans la rue (à minuit je le rappelle). Comme j'avais envie de ce thé !!! plus que tous les Anglais réunis !!! mais j'ai répondu la première chose qui me soit passée par la tête, une réponse honnête, la vérité.

Elle fait chier la vérité !!!

lundi 9 janvier 2012

les tartes tatins de l'ENC

A la fin des études de médecine, il y a 2 événements majeurs : le concours de l'internat (Examen National Classant ou ENC) et quand on crois que c'est fini à ce moment, par derrière, en traitre, il y a la thèse. Mais ce sera une autre histoire...

Je vais parler ici de l'ENC. Vous n'imaginez pas à quel point c'est crucial, à quel point la vie de quelqu'un, son avenir pour ses 40 prochaines années se joue en quelques questions. Enfin, après on se rend compte qu'on a un peu plus de choix que de s'enfermer dans ces cases prédéfinies mais avant, non, on ne sait pas, on ne sait rien, on angoisse.

Le concours de fin de 6° année c'est la concrétisation de 3 ans de révisions intenses, de bachotage, de répétitions de cas cliniques encore et encore et encore ad nauseam. D'ailleurs, j'en étais là : s'était 8 jours avant le grand concours, ça faisait déjà 3 jours que j'ouvrais un bouquin, je lisais 3 lignes, je revenais au début pour les relire parce que je n'avais rien retenu et que je refaisais encore la même chose 2 fois pour refermer le bouquin d'exercices avant de vomir de lassitude.

Je décide d'utiliser un Jocker, le coup de bigot à une proximité :
"Allo Parv ? ça va ?
_ Non, j'ai besoin de vacances.
_ Ça tombe bien moi aussi.
_ 2 ou 3 jours pour m'aérer la tête ça m'irait.
_ Pareil, tu veux qu'on y aille ensemble ?
_ Allez, carrément.
_ Tu veux aller où ?
_ Je sais pas. Barcelone.
_ C'est parti."

On a réservé le bus pour Barcelone, on ne savait pas où on allait dormir, ou presque, ni ce qu'on allait y faire. On savait juste qu'on avait besoin tous les deux de changer d'air, d'aller loin, de ne penser à rien. Je rappelle qu'on est 7 jours avant le super concours qui va régenter toute ma vie et que là, techniquement, c'est plus possible, je ne suis pas dans la capacité mentale d'ouvrir le moindre bouquin et le fait que ça ait un impact sur ma vie professionnelle pour les 40 années à venir, sur le coup, j'en ai rien à foutre.

Arrivés à Barcelone, elle appelle un copain. Il n'a pas de téléphone portable, il faut avoir la chance de tomber sur son téléphone fixe, enfin sur lui à côté de son téléphone fixe. Le problème, c'est qu'il n'avait pas de montre non plus. Il nous avait fixé un rendez-vous mais s'est pointé avec plus d'une heure de retard. L'autre problème, c'était qu'il habitait à 45mn de Barcelone en train de banlieue, dans une cité universitaire et que ça chambre était...comment dire...

Ayant été étudiant pendant 8 ans (et oui, 2 redoublements) je savais qu'on pouvait accumuler du bazar par terre, avec juste l'espace pour poser les pieds. Ce que je ne savais pas, c'est qu'on pouvait aussi entasser du bordel sur la verticalité, faire des piles de capsules de bière, entasser des merdes contre les murs, sous la table basse à tel point que 3 des 4 pieds ne touchent plus le sol...vous voyez un peu l'appartement. Il était tard, on a dormi sur place, dans le même lit, on l'a remercié et nous sommes repartis en ville.

Pendant le trajet, je me suis rappelé que j'avais une connaissance qui habitait Barcelone. Il a fallu trouver un cybercafé, retrouver son adresse, fouiller dans le bottin local pour connaître son numéro de téléphone, l'appeler et supporter la honte de ne pas lui avoir ni écrit ni téléphoné pendant 3 ans :
"Salut ! C'est Georges. Je ne sais si tu te rappelles mais on s'est connu il y a 3 ans, pour...euh...
_ Ah ouais ! ça fait longtemps ? Que me vaut ?
_ Bah, c'est à dire...je suis un peu gêné...euh...
_ T'es à Barcelone et en rade d'appart, c'est ça ?
_ Bah...euh...oui.
_ T'inquiètes. T'es seul ?
_ Non j'ai une pote avec moi.
_ OK, mais je te préviens, mon appart fait 20m carrés, j'ai déjà un pote qui dort à la maison donc vous vous partagerez le canapé.
_ C'est parfait, merci beaucoup."

C'était un super appartement, à Barceloneta, pas loin de la plage, dans une petite rue avec du linge qui pend aux fenêtres, je veux dire, sur un fil, suspendu au milieu de la rue, comme dans les films !!!
C'était beau. On a fait de la plage, de parc Guel, la Sagrada Familia, les Ramblas, un peu de shopping...Mon pote était joueur de piano jazz. La journée, on faisait les touristes et le soir, on allait faire le bœuf dans les cafés branchouille. Le top. Les parfaites vacances.

A côté du musée d'art moderne, il y avait un petit café. On s'y est arrêté pour boire un peu (il faisait chaud en juin) et pour manger un peu. Je demande à la serveuse avec les restes d'espagnols qui me restaient du bac :
"_Vous avez quoi à manger ?
_ On a plein de trucs, des pâtisseries par exemple, des...
_ Quoi comme pâtisseries ?
_ Plein de trucs, une tarte tatin par exemple, une...
_ C'est parfait."

J'en ai pris une seule, mon amie n'avait pas faim, mais quand elle vu ma tête pour la première bouchée, elle a goûté et a compris : c'était la meilleure tarte tatin du monde, avec juste ce qu'il fait de crème et de caramel, des petites pommes acidulées fondantes, une pâte sablée délicieuse...à s'en lécher les doigts. Bon, il se trouve aussi que la serveuse était plutôt jolie, pas du tout du type méditerranéen, blonde, yeux verts, avec des formes comme il faut, là où il faut. Mon amie, étudiante en art moderne m'a confirmé la perfection de ses courbes.

Le soir, mon amie a flashé sur le batteur, elle l'a accosté et ont finit la soirée à s'embrasser derrière un rideau de velours. Bon, comme on dormait déjà à 4 dans l'appartement, et que je dormais dans le même canapé qu'elle, ça a été plutôt compliqué pour qu'ils poursuivent la soirée ensemble. Du coup, ils se sont donnés rendez-vous le lendemain, dans le petit café à côté du musée d'art moderne.

Le lendemain, après une journée shopping-tourisme, on s'est posé, on commandé 3 verres, et 3 tartes tatins. La serveuse nous a reconnu, a souri et a pris notre commande. Elle revient avec les 3 verres et me fait un clin d’œil...j'ai du rêver, elle a du avoir une poussière dans la paupière...n'importe quoi. Et puis, je suis le seul à l'avoir vu.
Elle revient avec l'addition, deuxième clin d’œil. Cette fois, mon amie me dit :
"_ Je crois qu'elle t'a fait un clin d’œil.
_ Ah j'ai pas rêvé alors !
_ Non non je confirme."

Elle reviens une troisième fois avec les tartes tatins, troisième clin d’œil. Mon amie et le batteur m'encouragent :
"_Vas-y Georges ! Fonces !!!"

Je vais pour payer l'addition. On commence à discuter, je vois une affiche pour un concert ce soir :
"_Qu'est-ce qu'il se passe ce soir ? un concert ? avec mon francognol approximatif
_ Oui, ça va être super bien. J'y serai. A partir de 11h. Et vous ?
_ Je viendrai aussi. A ce soir ?
_ A ce soir, répondit-elle avec un grand sourire."

Dans la soirée, on s'est posé dans un resto à manger des tapas. Mon ami pianiste mon demande :
"_ Ça fait plaisir de te voir mais tu repars quand ?
_ Le 8 à 1h du matin.
_ Oui, donc dans 3 heures.
_ Non non, dans la nuit du 8, à 1h du matin.
_ Oui, dans la nuit du 7 au 8, à 1h du matin, c'est à dire dans 3h.
_ Ah merde ! Il faut combien de temps pour aller à la gare des bus ?
_ Un samedi soir, à cette heure ci, avec les embouteillages, au moins 1h30.
_ Merde de merde de merde ! ça veut dire que j'aurai pas le temps pour aller au café.
_ Si t'as bien le temps pour un petit café.
_ Non non, j'ai un rendez-vous dans un café à 23h.
_ Ah non, t'auras pas le temps."

Je suis à la fois dégoûté de devoir écourter mon séjour que je pensais d'un jour supplémentaire et également de devoir poser un lapin à la serveuse des tartes tatin. Je monte dans le bus, seul, mon amie est restée avec le batteur. Il me reste 3 jours avant le concours de fin de médecine.

Arrivé chez moi, j'ai pu me remettre sereinement au boulot, doucement mais sûrement. Au concours, il est tombé un sujet quasiment identique à un exercice que j'ai fait pendant ces trois jours de révisions molles, passées à rêver à moitié de Barcelone, à moitié de la serveuse.

C'est marrant mais avec le recul, je ne me rappelle presque pas du calvaire et de l'horreur des révisions et du concours. Je ne me rappelle que du goût des tartes tatin.

mercredi 4 janvier 2012

culiérimanie

Il est une chose assez curieuse dans un hôpital : il y a de nombreuses naissances, des sauvetages de vies et, dans le même, des objets disparaissent.

Par exemple, à chaque fois qu'un interne ou un externe souhaite prendre son repas (c'est à dire en générale entre 2 et 4h du matin), déjà il aura de la chance s'il trouve de quoi manger au réfectoire où dans la salle de garde réservée à cet effet. Ensuite, quoi qu'il arrive, il lui sera impossible de trouver une cuillère.

Le nombre incommensurable de yaourts que j'ai mangé avec le dos de la fourchette ! le sentiment de persécution du destin contre soi quand il ne reste plus rien à manger qu'une soupe (Destin : 1. Moi : 0. Energie restante pour le reste de la nuit : -1).

Cela m'a d'ailleurs valu plusieurs railleries en famille. Par mes petites cousines :
"Maman ! Georges il est bizarre : il mange son dessert avec sa fourchette ! Ah Ah Ah !" avec des index moqueurs pointés dans ma direction.

Ou tout simplement par les parents :
"Tu es à ce point affamé que tu n'attends pas ta cuillère pour manger ton gateau ?
_ Ben, euh, non, en fait, c'est par habitude...
_ Tu ne vas pas me faire croire qu'un hôpital qui possèdes des IRM, des scanners et du matériel de pointe n'a pas assez d'argent pour acheter des cuillères ?" avec un soupçon de mépris un peu mais pas trop.

Je n'ai pas de réponse. Est-ce que tout le personnel médical, j'entends par là toutes les personnes qui travaillent dans un hôpital, ont la même maladie ? la kleptomanie des petites cuillères ou culiérimanie ?

Ou bien est-ce que les petites cuillères d'hôpital, à force d'être élevées dans un environnement extrême, à recevoir des rayons X, être autoclavisées pour un oui pour un non et être fourrées dans des orifices divers et variés (en général, il y a un orifice qui revient fréquemment), auraient-elles développé une forme de vie intelligente ?
J'imagine une armée de petite cuillères se cachant camoufflées entre les murs des hôpitaux, un escadron s'étant enfui sur une autre planette par leurs propres moyens, un flotte entière ayant rejoint l'océan par le fleuve, menant leur vie autonome et remontant le cours des ruisseaux pour frailler et donner naissance et des bébés petites cuillères...

Par contre, un fait admis et reconnu par tout le monde, et ça, c'est pas un mystère, c'est le vol de pyjamas de bloc. Aucune personne en dehors de médecine ne peut comprendre ce phénomène. C'est pourtant simple.

Le pyjama de bloc est un vêtement qu'on enfile à la place de ses vêtements civils pour ne pas rapporter les bactéries du domicile dans le bloc opératoire, et inversement, pour ne pas faire un élevage de bactéries multirésistantes hospitalières dans sa salle de bain. Par dessus ce pyjama de bloc, les chirurgiens enfilent le kimono de bloc qui est complètement stérile, vêtement avec lequel ils opèrent.
Quand on est de garde aux urgences, en général, les étudiants (internes et externes) s'habillent en pyjama de bloc et enfilent une blouse par dessus. Pourquoi ? parce que c'est beaucoup plus sympa de mettre des taches de sang, de plâtre et d'autres fluides sur un vêtement qui ne nous appartiens pas vraiment et qui passera à la machine à laver de l'hôpital à 100° et à la javel, plutôt que de ruiner le jean qu'on s'est offert après 3 gardes difficiles ou la chemise qu'on a rapporté d'un voyage post-examens.

Mais pourquoi acquerrir un vêtement aussi déguelasse pour son domicile ? Voyez-vous, après une bonne nuit de garde, quand on va se coucher à 5h du matin, en espérant pouvoir fermer les yeux 3 petites heures avant la relève du matin et aller en cours l'après midi, mais que le service rappelle à 5h30 pour dire qu'un polytrauma est arrivé, qu'on sait qu'on va passer 3h à le radiographier-nettoyer-suturer-plâtrer, avec un peu d'expérience, on se couche directement avec ce pyjama, qui en l'occurrence, porte parfaitement son nom.
Comme ça, même si on est réveillé, pas besoin de se rhabiller, il suffit d'enfiler sa blouse. Et il arrive le moment assez cocasse où on examine un patient en tenue de médecin respectable, sachant que 5mn auparavant, on était en train de dormir dedans.

C'est un peu comme si le poissonnier venait vous servir en pantouffles avec un nounours dans les bras.

Finalement, ce pyjama devient notre compagnon de galère, il partage nos jours et nos nuits sans nous quitter, il nous colle littéralement à la peau. Alors, un matin, quand on a eu la chance de ne pas tacher ce bouclier fidèle, on le ramène fièrement à la maison, on le lave, on s'y attache, on le regarde avec un sentiment mêlé d'amour et de dégoût. Sans compter qu'on dort super bien dedans. 

Tous les étudiants en médecine en ont un chez eux, volé à l'hôpital, une espèce d'impôt sur l'esclavage. Paradoxalement, il n'en manque jamais. Alors que les petites cuillères, personne n'avoue les voler et il en manque toujours.

lundi 2 janvier 2012

les "chirurgiens" 3

Je vous le concède, je pars avec un a priori négatif sur les "chirurgiens". Je le rappelle, je parle du stéréotype incarné à la perfection par certains individus, pas les chirurgiens qui savent rester des êtres humains (cf ici). 

Si j'ai un certains ressentiment à l'égard des "chirurgiens", c'est surtout à cause d'UN "chirurgien". Qu'avait-il fait pour mériter cette opprobre ? il m'avait collé sur la tête des cornes d'élan canadien mutant.

C'était mon deuxième stage d'interne, c'était l'été, on était en périphérie, dans une grande baraque avec piscine. On était 6 internes dedans. La maison était tellement accueillante qu'on y faisait les soirées internat. Dans la coloc, il y avait cette fille, Joannie (le prénom est fictif) elle était belle, timide, réservée, et même temps capable de nous emmener dans son univers et nous faire rire. Elle rougissait pour un rien, c'était craquant, et évidemment, j'ai craqué. Pendant quelque temps, on a fait semblant de s'éviter tout en se lançant des regards équivoques, des doigts qui s'effleurent, des bisous qui durent un tout petit peu plus longtemps qu'avec tout le monde...

Un soir, on rangeait après une soirée internat (tiens, il est à qui ce maillot de bain ? mets le avec les autres soutiens-gorges), à la fin, j'ai sorti la guitare et plaqué quelques accords. Elle m'a fait poser la guitare, m'a emmené dans sa chambre et s'est jetée sur mes lèvres pour ne plus s'en décoller jusqu'au petit jour. Bon, le petit jour, c'était dans 45mn mais quand même !

Nous avons passé tout le reste du stage ensemble. Je lui ai offert des massages, des boucles d'oreilles, des colliers, un weekend en montagne. Elle m'a offert...un Tshirt.

Et puis la fin du stage est arrivée, il a fallu que je reparte au CHU, elle restait en périphérie. Quelle décision prendre : rester ensemble ou se séparer ? elle n'a pas voulu en parler, elle a dit qu'on verrai avec le temps. Sur le quai de la gare, elle a pleuré. Probablement qu'elle m'aime après tout...

J'ai alors commencé mon stage au CHU, mon stage d'esclavage, mon bagne. Comme je finissais au plus tôt à 22h, sans avoir mangé, et que j'avais encore 45mn de route avant de rentrer chez moi, je n'arrivais pas à garder une conversation téléphonique de plus de 5mn sans m'endormir ou faire "Mmm mmm" et rien d'autre. Alors on s'est rabattu sur les SMS. D'abord plusieurs par jour, puis un par jour, puis un tous les 2 jours. Quand j'étais le seul à écrire et qu'elle ne répondais pas, je me suis posé des questions.

L'ancienne coloc était loin et j'avais besoin de rattraper tout le sommeil qui me manquait de la semaine, alors je n'y allais pas souvent. Elle n'est jamais venue me voir. Il a bien fallu que je me rende à l'évidence, elle fait tout pour me mettre à bout, jusqu'à ce que je n'en puisse plus et que je prononce la phrase fatidique "Faut qu'on parle". C'est un truc que les mecs font ça, d'habitude ! pas les filles ! et puis elle a pleuré sur le quai de la gare, ça voulait dire qu'elle était amoureuse. En tout cas, moi, je l'étais.

J'ai donc pris mon courage à deux mains, j'ai posé quelques jours de vacances et je suis allé la voir dans notre ancienne demeure. Rien n'avait changé mais tout était différent. Les colocs m'avaient remplacé par un autre coloc, un "chirurgien", Clément (prénom fictif aussi). Nous l'avions reçu quelque temps dans notre maison pour son dernier stage d'externe, il a donc été notre coloc pendant 2 mois; maintenant, il était devenu interne et coloc officiel.

Quand je suis arrivé, elle a sorti le grand jeu : accueil sur le quai de la gare, j'ai couru au ralenti (elle m'a attendu là où elle était), on s'est embrassé, elle m'a emmené dans le meilleur resto de la ville, on est rentré à notre ancien foyer. J'ai voulu mettre les pieds dans l'eau mais elle était devenue froide, c'était l'hiver. Joannie aussi était froide. J'avais l'impression d'être avec un mannequin en cire, sans mouvement, sans vie, sans chaleur. Je l'ai embrassé entre les seins et lui ai dis "Je t'aime". Elle a répondu "Oh merci, c'est gentil".

Le reste du weekend a été catastrophique. Je m'attendais à ce qu'elle me plaque à chaque coin de rue. Je venais de comprendre que pour elle, c'était fini, et depuis longtemps. Elle m'a emmené au zoo. En passant devant l'enclos des tortues terrestres, toutes s'étaient donné le mot ou je ne sais pas, mais elles étaient TOUTES en train de baiser comme des lapins. Regarder des animaux s'envoyer en l'air, même aussi pathétiquement que des tortues, quand on sait que la personne à qui on serre la main ne nous aime plus...c'est...pire que ça.

Sur le quai de la gare, je n'ai pas eu le courage de lui dire que c'était fini, elle non plus. Je regardais l'oeil morne en attendant que le téléphone sonne pour me dire que le bateau de notre amour avait quitté le quai et ne reviendrai pas.
Ce que je ne savais pas encore, c'est qu'à défaut de bateau, notre amour était plutôt comme une hirondelle, qui, l'été fini, quand les feuilles d'automne embrasent la forêt, s'envole vers des horizons plus cléments, reçoit du plomb dans l'aile par un chasseur bourré, se fait ramasser par les chiens, sodomiser par une taupe, abandonner agonisante et décapiter par un train.

Le téléphone a mis un mois entier avant de sonner. Elle m'a plaquée. La veille de la St Valentin. Les fleurs étaient payées depuis déjà deux semaines, elles sont arrivées le lendemain.

Quelque temps plus tard, j'appris qu'elle avait attendu, un peu, que je m'en aille, pour me remplacer avec Clément, le "chirurgien" et que ça faisait déjà 2 semaines qu'ils batifolaient ensemble avant que j'arrive pour recoller des morceaux qui étaient déjà parti dans un autre puzzle.


Quand mes colocs ont appris ça, elle m'ont pris en main :
"Georges, c'est plus possible. Il faut que tu changes.
_ Ah bon ? la larme à l'oeil, un pot de glace à portée de main, un nounours dans les bras.
_ Oui ! on t'adore mais t'es trop gentil et tu te fais marcher dessus comme un paillasson.
_ Ah bon ? incrédule.
_ Mais ne t'inquiètes pas. Pilar et moi, on va faire de toi un Prince Charmant ?
_ Ah bon ? premier sourire en 3 mois.
_ Mais attention ! à grand pouvoir, grandes responsabilités.
_ Ah bon ? intéressé et intrigué.
_ Oui, il faudra pas que tu utilises ton pouvoir de séduction pour jouer au connard.
_ Non non ! avec fierté.
_ Tu promets ?
_ Promis !"

La suite est une autre histoire dont le début commence ici ! La suite au prochain numéro.