Previously on "Thèse" : episodes 1, 2, 3, 4 and 5.
Que faire ?
Bon, réfléchissons. L'ambiance aux soirées internat ne démarre vraiment qu'à partir de minuit, il me reste encore 1h de boulot. J'accélère, je finis 5 dossiers en 1 heure et je m'arrache. Comme ça il m'en restera 15 pour demain. Je reviendrai à 5h du matin, je bosse 3h et c'est bon, je serai prêt pour le rendez-vous à 8h30. Ça va être sportif mais c'est faisable.
Je prends la Georgeomobile, j'enfile mon costume de super interne (pantalon moule-fesses, chemise de beau gosse, les lunettes la nuit...mmm...on s'en fout) et je me dirige vers l'internat.
Liselotte se déchaine sur la piste de danse, avec 5 mecs qui lui tournent autour. Elle me voit arriver, se dirige gracieusement vers moi en repoussant les énergumènes comme s'ils étaient une vollée de mouches. Le message est simple et clair : c'est elle la reine de la ruche ce soir et je suis sa proie. J'accepte bien volontiers.
Nous dansons, de plus en plus proche au fur et à mesure que la nuit avance, je respire le parfum de son cou, une main au milieu du dos et l'autre sur une cuisse, puis je remonte (et redescends, j'ai 2 mains, suivez un peu) vers l'endroit où les muscles du dos forment 2 petites concavités juste au dessus du sacrum, je suis fou de cet endroit là. Visiblement, ma partenaire apprécie aussi et me fait part de son intérêt en m'embrassant langoureusement.
Je commence déjà à savourer la suite des événements (les jeans moulants, c'est bien mais ça présente certains inconvénients quand même dans certaines circonstances) quand, soudainement, je ne sais pour quelle raison, je regarde l'heure :
4h30 du matin.
Dans une demi-heure il faut que je sois dans le secrétariat de l'hôpital pour finir cette saloperie de recueil de données.
Que faire ? je ne peux quand même pas finir la soirée sur les chapeaux de roues, ou bâcler une activité à laquelle je préfère passer un maximum de temps et la répéter plusieurs fois si possible (cf l'excellent livre "11 minutes" de Paolo Coelho).
Nous sommes toujours sur la piste de danse, dans les bras l'un de l'autre, toujours en train de nous embrasser. Nous nous séparons, elle me lance un regard de braise jusqu'aux tréfonds de ma personne (décidément, il faut vraiment plus que je mette de jean moulant), je la regarde dans les yeux et je lui dis :
"Je suis désolé, il faut vraiment que j'y aille."
Elle est resté bouche bée, immobile au milieu de la piste, les bras ballants, absolument décontenancée. Je me suis retourné plusieurs fois, elle était toujours figée dans la même position.
Pr A, c'est officiel, je te déteste.
Je remonte dans ma voiture, je n'ai plus du tout le sentiment d'être un super héros. Je me dirige rageusement vers l'hôpital. Il y a une voiture devant moi au feu rouge. Elle s'impatiente et son conducteur décide de faire demi-tour. Mais malheureusement, le conducteur portait des lunettes de soleil (à 4h45 du matin!!!) et a effectué sa marche arrière dans l'aile avant gauche de ma voiture, à moi, ma petite voiture toute neuve.
OH !!!
Je gare mon véhicule que j'aime, je sors, et j'ai à peine le temps de voir filer la voiture, toujours en marche arrière vers le fond de la nuit. Même pas le temps de voir ou de relever la plaque ou la marque de la voiture. Juste les lunettes de soleil du conducteur.
Mais comment est-ce que je vais expliquer ça au commissariat. Jamais ils ne vont croire une histoire aussi débile.
J'arrive à l'hôpital, j'ai envie de tuer quelqu'un. Mais à 5h du matin...c'est pas vide un hôpital, mais ceux qui restent éveillés travaillent et gagnent tout mon respect et mon admiration. Ça serait con d'en buter un.
La porte principale est fermée mais heureusement je connais tous les recoins du bâtiment, l'avantage de faire des gardes de nuit. 3° porte au sous-sol, toujours ouverte. Salut Gérard. Je gagne l'accueil, ouvert, mais personne dedans. Qu'à cela ne tienne. 2° tiroir à droite, la clé de la réserve. Dans la réserve, 4° rangée de clés, 7° poste-clé, celui violet en plastique : la clé du secrétariat.
Je m'enferme dedans, au milieu de mes 15 dossiers restants. J'ai tellement la rage d'avoir mis un des plus gros vent du monde à une des plus belles filles de la terre, et d'avoir été puni en retour par l'univers en bousillant l'avant de ma caisse ! et ce qui m'enrage le plus, c'est que je la mérite cette vengeance. J'ai vraiment été nul ! et pour quoi ? pour une thèse de merde et un directeur pour qui je voue un désamour mutuel. C'est d'ailleurs une des rares fois où les sentiments que j'éprouve pour quelqu'un soient réciproques.
Heureusement, toute cette colère me rend service. J'expédie les 15 dossiers en une heure. Merde ! quand je pense que j'aurais pu rester sur place et finir la soirée en beauté. J'enrage encore plus.
Il est 6h du matin. Je m'allonge sur la moquette marron, ça sent le carton, la poussière et la sueur de pied. Mais je m'endors tout de même.
Je me fais réveiller à 7h du matin par la femme de ménage. Ou plutôt je suis réveillé en sursaut par le cri de la femme de ménage. Elle a cru que j'étais un cambrioleur caché sous la table.
"Non non madame, je suis interne ! je travaille ici.
_ La nuit ? au secrétariat ? vous ne devriez pas être aux urgences plutôt ?
_ Euh...c'est à dire que...normalement je devrais être dans les bras d'une hollandaise mais on ne fait pas toujours ce qu'on veut."
Ça ne l'a pas fait rire. J'ai du m'expliquer avec la sécurité (re bonjour Gérard) qui m'a laissé partir sans histoire. Juste le temps d'attraper un café et de me poser devant le bureau jaune, le bureau d'el Professor.
8h30 précises (il est ponctuel, on ne peut pas lui enlever ça), Pr A me reçoit.
"J'ai discuté avec l'attaché de recherche clinique, et il s'avère qu'on a trouvé des patients supplémentaires. Bon il va falloir faire le tri, il y a certainement trop de patients, des homonymes, des doublons mais ça serait intéressant de poursuivre le recueil de données avec ces nouveaux patients."
Il me tend un CD, je le rentre dans mon ordi, apparait une liste de 380 noms.
Il me pousse hors de son bureau. 8h35, l'entretient est terminé. Il n'a même pas regardé mon tableur.
Je crois que l'univers m'en veut, personnellement.
La suite ici.
J'ai lu l'article précédent et je comprends... ou plutôt, je compatis... je vous souhaite une bonne continuation pour la thèse et en attendant, bon weekend !
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