vendredi 16 décembre 2011

Ma première garde d'interne

Je continue dans la série des premières fois. Tant pis si ce n'est pas dans l'ordre chronologique. Âmes sensibles, s'abstenir

Premier stage en périphérie, premier soir de garde (pas LE premier jour de stage quand même mais le deuxième ou le troisième).
Je suis over-prêt : carnet de notes pour ne rien oublier dans la poche de gauche, stétho et marteau-réflexes dans la poche de droite, montre au poignet qui me suit depuis la première année, un peu fêlée dessus (que j'enlève quand je me lave les mains) et, au cas de trou de mémoire, le guide thérapeutique dans le sac à dos (rangé sous la table).

En vrai, j'ai l'air prêt et sûr de moi. En dedans, j'ai jamais eu autant les pétoches : et si je faisais une erreur médicale ? et si je savais pas ? et si je ne trouvais pas le bon diagnostic du premier coup ? et si je ne savais pas quoi dire ?

Bon, j'ai fait des conneries bien sûr, pas des graves, mais des petites conneries quand même :
Une petite fille s'était cassé le poignet, je l'ai hospitalisée avec une super prescription d'antalgiques, un super bilan pré-opératoire, mais j'ai tout simplement oublié de lui faire une attelle pour la nuit...le bourreau d'enfant.

J'ai hospitalisé des patients sans prévenir le brancardier : ils ont attendu 2h avant de monter dans les étages.
J'ai hospitalisé des patients sans prévenir le chef du service concerné. Il était furax le lendemain matin.
J'ai gardé des mecs en surveillance pour décuver sans leur faire d'alcoolémie (il est bourré, il est bourré ! il pue l'alcool à 10m, il est conscient, réveillable, sans déficit neuro...oui mais il faut lui faire une alcoolémie quand même).

C'était ma première nuit dans un hôpital que je ne connaissais pas, où je ne connaissais personne et dont je ne connaissais pas le fonctionnement habituel. Heureusement, j'avais des chefs super sympa qui m'ont épaulé, aiguillé, soutenu, encouragé, encadré sans être sur mon dos en permanence. Parfaits.

Une petite fille est arrivée parce qu'elle n'arrivait plus à bouger le bras droit. Je tente de l'examiner, elle pleure, elle crie, elle se débat, elle est tellement angoissée qu'elle me vomit dessus. Ou plutôt sur mon poignet. Sur ma montre. Fêlée. J'ai enlevé ma montre, lavé mes main, mis des gants et ré-examiné l'enfant. Elle revomit. Sur mes chaussures. Elle remuait parfaitement tous les bras et n'avait plus mal. J'ai prescrit une radio pour être sûr.

En attendant le résultats, je regarde ma montre :j'avais du vomi sur l'aiguille des minutes et celle des secondes n'arrivait plus à avancer : ça s'était infiltré doucement mais sûrement.

J'ai eu mon cortège de tombé en vélo, tombé en moto, glissé sur le carrelage et toutes les sutures qui s'en suivent. 

A 4h du matin, enfin, ça se calme. Les 3 chefs et moi allons nous coucher avec la consigne laissée aux infirmières de réveiller l'interne dès que quelqu'un arrive.

A 4h30, je venais de m'endormir depuis 10mn, l'infirmière appelle :
"On a une entrée !
_ Ok, qu'est-ce que c'est ?
_ Un papi de 78 ans qui a du mal à respirer.
_ Ok, j'arrive, vous lui faites un ECG s'il vous plait ?
_ Ok"

En me rhabillant et en me dirigeant vers les urgences, je réfléchis à tous les diagnostic :
infarctus --> l'ECG est en cours. Il faudra lui faire une tropo
insuffisance cardiaque aiguë --> je verrai à l'auscultation
pneumopathie --> je verrai à l'auscultation
crise d'asthme --> je verrai à l'auscultation
les autres...je verrai sur place.

"Bonjour monsieur. Comment ça va ? pas bien ?
_ Si si, ça va bien.
_ Vous n'avez mal nul part ?
_ Non.
_ Vraiment ?
_ Si, un peu au ventre, je me sens un peu ballonné."

Auscultation cardiopulmonaire normale, ECG normal (les infirmières avaient anticipé et envoyé un bilan cardio complet avant que j'arrive). L'abdomen est tympanique, souple, sans douleur à la palpation...
J'ai comme un doute : il va très bien ce patient.

"Ça fait combien de temps que vous n'avez pas fait caca monsieur ?
_ Oh, une ou deux semaines, je ne sais plus."

J'enfile mon plus beau gantier et je me prépare à réaliser un toucher rectal pour aller fouiller s'il n'y aurait pas un truc qui coince. Et là, 5cm avant d'entrer, en tournant le monsieur sur le côté, j'ai eu droit à un effet "boîte à meuh". Je m'explique. Vous voyez les boîtes à meuh ? on les retourne dans un sens, on les remet dans l'autre et ça fait "meuh". Les personnes âgées c'est pareil : quand on les tourne dans un sens, ça déplace les gaz à l'intérieur et ça fait du bruit.

J'ai eu droit à joli pet foireux comme on dit dans le jargon médical, sur mon doigt tendu et prêt, le truc de compétition, avec tout le cortège d'odeurs de bas fond toxique. Je prend mon courage à 2 mains, j'enfourne (je préviens le patient avant quand même, faut pas prendre par surprise) et je découvre un bouchon de caca du volume d'une belle orange.

Le monsieur avait du mal à respirer tellement son ventre était ballonné à force de ne pas péter parce qu'il y avait un gros bouchon. J'ai demandé aux infirmière de lui faire un joli petit lavement, j'ai demandé une radio du ventre pour être sûr qu'il n'y ait pas d'occlusion et comme de toute manière j'étais réveillé et qu'il n'y avait aucune chance que je me rendorme, j'ai attendu les résultats avec un bon petit bouquin.

Je me suis donc fait vomir et chier dessus dès mon premier soir. Seulement 2 du tiercé gagnant. Quelqu'un allait me pisser dessus très prochainement mais je ne le savais pas encore et jamais je n'aurais pu deviner dans quel contexte. But that's another story...(relatée ici)

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