samedi 25 février 2012

Mon année sabbatique 2

Les événements relatés ici suivent directement les événements d'ici.

Je viens de finir une semaine de remplacements, j'ai le sentiment d'avoir fait du bon boulot, j'ai travaillé une semaine et gagné autant qu'en un mois de salaire d'interne...où est l'erreur ?
J'ai passé une semaine de vacances à marcher dans les montagnes du Maroc, très très bien et je suis en train de me préparer mon prochain voyage. Très certainement en janvier.

Comme je ne suis pas de 8h à 22h à faire l'esclave, j'ai du temps à consacrer aux 500 dossiers de mon recueil de données. Je m'organise bien :
1 semaine de remplacement par mois (voire 2 quand j'ai des poussées de vénalité)
1 semaine de glande (que c'est bon...)
1 à 2 semaines de recueil de données, de 9h le matin à 11h, puis je vais courir, puis j'y retourne de 14h à 16h. Après un internant de merde, il est hors de question que je me surmène.

Cependant, vu que j'ai du temps, j'en profite pour revoir les amis que je n'ai pas vu depuis longtemps, certains 4 ans (depuis le début de mon internat) : 
"Salut ! ça fait longtemps ! qu'est-ce que tu deviens ? pour le nouvel an ? rien...ok ! on se voit le 31 décembre alors ! tu me raconteras tout ça. A plus !"

Vous vous rappelez de Wonder-Externe ? Elle s'appelle Emilie. Après son concours, elle est partie faire sa spécialité sur l'ile de la Réunion. Loin...Mais nous étions restés en contact, régulièrement, une fois tous les 3 ou 6 mois, on s'écrivait pour se donner des nouvelles. Début décembre, elle m'appelle :
"_ Salut Georges ! je fais un tour en métropole et je serai chez toi vendredi soir. Ça te dit qu'on aille au resto ensemble ?
_ Carrément !"

Je ne lui ai pas dit que c'était pile le jour de mon anniversaire et que j'ai décommandé à la dernière minute une sortie organisée avec mes potes, rien que pour la voir. Mais elle aussi avait une surprise à me réserver.

J'arrive au resto, en premier, une table pour 4. C'est bizarre. Elle ne va pas me présenter ses parents quand même ! Non, pas ses parents. Elle arrive avec un homme à chaque bras, un jeune musclé, un moins jeune, l'âge d'être son père.
"_ Je te présente 2 personnes qui comptent beaucoup pour moi : Bastien, mon homme et Victor, mon oncle. Je vous présente Georges, aussi quelqu'un qui compte beaucoup pour moi."

On se sert les mains, on s'assoit, on regarde le menu dans un silence un peu gêné. Au moment de passer commande, Emilie regarde son oncle et ils signent. Le silence n'était pas gêné : Victor est mal entendant. Le mystère est éclairci : voilà comment elle a appris à signer !
Je suis fasciné, subjugué : je veux apprendre !
"Ok, pendant 15mn, il est interdit de parler mais il est obligatoire de communiquer avec Victor.
_ Comment on va faire ? demandent Bastien et moi.
_ Si vous avez un truc à dire ou à répondre, mimez-le."

Alors on a passé 15 minutes à mimer, à se marrer, à demander comment on dit un mot en LSF et nous avons continué comme ça pendant tout le repas. Emilie faisait la traduction, forcément, elle se servait de ses deux mains et elle parlait en même temps. Elle n'a pas beaucoup mangé la pauvre. Au moment de se quitter :
"_ Voilà tu connais les 2 hommes qui comptent le plus dans ma vie, à part mon père et toi.
_ Ah bon ? merci, je suis très touché. Mais en quel honneur ?
_ Tu m'as remonté le moral au moment où j'en avais le plus besoin, juste après le concours et ma rupture. Je tenais à te remercier."

Je suis resté sans voix. J'ai été très content de la voir heureuse, bizarrement pas jaloux, simplement heureux de voir rayonner une personne, de voir son bonheur devenir contagieux. C'est rare et c'est beau. Je suis reparti de cette soirée avec le sourire, le cœur léger et des crampes aux doigts. 


En attendant le réveillon, je prépare mes prochaines vacances...je veux aller dans une destination de film, un truc de taré, à la Indiana Jones...il est allé où ? Amérique du Sud ? trop vaste. L'Inde ? trop épicé. La Jordanie ?
Petra, le désert, la mer Morte, Amman la blanche...Google, Air France, Billet, carte bleue...check !


Arrive le réveillon de la nouvelle année, de mon année. L'année qui arrive m'appartiendra pleinement ! Je vais réaliser tous mes rêves et boucler cette putain de thèse ! Je vais devenir Docteur et si c'est pas trop demander, je vais rencontrer la femme de ma vie !

Je retrouve les amis dans un appartement parisien, la musique suffisamment forte pour avoir envie de danser et suffisamment basse pour pouvoir parler, le volume parfait. Une jeune fille m'accoste (très jeune, genre 18 ans) :
"_ Salut ! ça va ?
_ Bien et toi ?
_ Très bien. Tu es venu par qui ?
_ Euh...
_ Qui t'as invité ? je ne te connais pas.
_ C'est lui là, avec les lentilles sur les yeux.
_ Ah ok. Tu t'appelles comment ?
_ Georges et toi ?
_ Guenièvre Lotus."

Personne ne se présente jamais avec son nom de famille en soirée. Personne ! Mais là, par le plus grand des hasards, je connaissais ce nom de famille, ça ne s'oublie pas.

"_ Lotus...t'aurais pas une grande sœur ?
_ Si ! comment tu sais ?
_ Et elle ne s’appellerait pas Murielle par hasard ?
_ Si !!!
Elle ne me connait pas, je ne la connais pas et je lui ressors sa généalogie. Elle me regarde avec des yeux comme des soucoupes.
_ Héhé. Tu passeras le bonjour à ta grande sœur de ma part.
_ Tu le feras toi même, elle est sur Facebook."

Elle est partie, l'air un peu vexée et je ne l'ai pas revue de la soirée.

3 jours plus tard, je recherche Murielle sur Facebook. Ça fait 10 ans qu'on ne s'est pas vus. Petit flashback :

Il y a 10 ans, dans une année de transition comme celle-ci, entre ma première et ma deuxième année de médecine, je suis parti en vacances dans le Bénélux, à faire le tour des auberges de jeunesses : 3 jours à Bruxelles, 3 jours à Luxembourg et 3 jours à Amsterdam. Malheureusement j'ai du écourter mon voyage à cause des résultats : j'étais reçu en médecine, ce qui n'était pas prévu, et les cours commençaient avant la fin de mon voyage...

A Luxembourg city, j'ai rencontré une jolie jeune fille, avec de longs cheveux, de grands yeux pétillants et beaucoup de malice. On s'est embrassés mais au moment de sortir en boite :
"_ Je ne peux pas.
_ Mince, pourquoi ?
_ Je suis mineure.
_ Arrête ! à t'entendre parler, ça se voit que tu as 20 ans comme moi.
_ Regardes ma carte d'identité." C'est comme ça que j'ai retenu son nom de famille.

En effet, malgré son corps de déesse, le petit ange Murielle avait 15 ans...On a finit la soirée devant une glace, à parler littérature (comment a-t-elle pu lire autant à son âge ?). Je n'ai pas eu de nouvelles pendant 10 ans, jusqu'au réveillon...


J'écris :
"Salut, je ne sais pas si tu rappelles de moi. Ça fait très longtemps. J'ai croisé ta sœur par hasard à une soirée et j'ai repensé à toi. Alors j'étais curieux de savoir ce que tu devenais depuis tout ce temps. A bientôt."

Je l'imaginais avec ses longs cheveux...est-ce qu'elle avait changé ? toujours aussi belle ? elle a quoi maintenant...25 ans ?

J'ai eu rapidement la réponse à toutes mes questions :
"Salut, bien sûr que je me rappelle de toi ! Je vis à Liège en Belgique, je suis étudiante en histoire de l'art. Et toi ? que deviens-tu ?"

Avec sa réponse, j'ai pu accéder à ses photos de profil. Rien à voir avec la petite adolescente de jadis. Elle a les cheveux très courts, teints en rose clair, 1m75 et toujours ses yeux verts pétillants. Elle n'a plus l'air d'un petit ange, elle a l'air d'une princesse.

Au début, on s'écrivait une fois par semaine, puis 2, puis 3, puis tous les jours et nos échanges nous manquaient quand l'un des deux ne répondait pas. Un jour, elle m'écrit :
"_ C'est dommage qu'on habite si loin, ça m'aurait bien fait plaisir de te revoir.
_ Ah bon ? c'est vrai ? tu as envie de me voir ?
_ Oui bien sûr !
_ Ce soir, ça t'irait ?"

L'avantage d'être en année sabbatique, c'est qu'il n'y a pas d'impératif de jour. Et l'avantage de remplacer, c'est la paye. J'ai réservé en quatrième vitesse et sauté dans le premier train pour Liège. Le soir même, les retrouvailles se passaient devant des pèkèts à la liégeoise et 2 bières trappistes.  Chacun a résumé sa vie en 20 minutes et on a enchainé sur le présent.

"_ Et les amours ? tu as un mec ?
_ Oui, mais...ça va pas fort en ce moment.
_ Ah bon ?
_ Non...je sais pas trop si je peux te dire ça mais...ça fait 6 mois qu'on n'a pas couché ensemble.
Je manque m'étouffer avec ma bière.
_ Ah oui, c'est vachement intime ces retrouvailles, dis-je en mouchant la mousse que j'avais dans le nez. 
_ Oui, c'est vrai, mais je me sens en confiance avec toi. J'ai le sentiment de pouvoir tout te dire.
_ Mon avis : le sexe n'est qu'un symptôme, il y a autre chose qui ne va pas entre vous."

Elle me re-raconte son histoire mais du point de vue sentimental cette fois-ci. Une tout autre version.

"_ Tu dors où ce soir ?
_ Euh...ben...je suis un peu parti précipitamment ce matin, je n'ai rien prévu. Tu n'aurais pas l'adresse d'un hôtel pas loin ?
_ Pas loin, je te le déconseille, c'est des bordels. Viens chez moi !"

En tout bien tout honneur, je suis allé dormir chez une fille magnifique que je n'avais pas revue depuis 10 ans et avec qui ça va pas fort dans son couple et avec qui il y a déjà eu une histoire. Je suis pas fou, il y avait un gyrophare orange allumé dans ma tête. Attention Georges, tu marches sur des œufs, ne fais pas de conneries !

"Toi tu dors dans le canapé dans le salon et moi dans ma chambre. Tu laisses bien la porte fermée parce que je dors nue."

J'ai essayé de dormir tant bien que mal, mais j'y suis arrivé.


Le lendemain matin, elle était en train de siroter un petit thé, dans son fauteuil, face à moi.
"_ Tu fais quoi ?
_ Je te regardais dormir. Tu es très beau quand tu dors.
_ Seulement quand je dors ?
Elle a ri, a posé sa tasse et m'a embrassé.
_ Ohla ! doucement ! pour des raisons qui seraient trop longues à t'expliquer (cf ici) je ne suis pas un briseur de couple.
_ Mais tu en as envie, je le sais, ça se voit. Dit-elle en regardant un certain pli apparu sous la couverture.
_ Oui mais non, pas comme ça. Tant qu'il y aura un homme entre nous deux, il ne se passera rien.
_ Ok, mais je ne vais pas plaquer mon mec sans un minimum d'échantillon de ce que j'ai en face de moi."

Là, on a commencé à s'enlacer, se passer les mains sur l'épaule, le dos, toutes ces courbures si belles à regarder et encore plus douces à toucher, d'autant plus douces qu'elles sont défendues...mais sans s'embrasser. Puis nous avons roulé l'un sur l'autre, elle sur moi, à respirer mon cou, moi à respirer son corsage. J'ai voulu retourner la situation, passer sur elle, nous sommes tombés du canapé. Nous avons ri. Nous nous sommes relevés, un peu désorientés de ce qui était en train de se passer.

On s'est regardé au plus profond, pour sonder ce que l'autre avait dans le cœur, nous nous sommes rués l'un sur l'autre, enlacés de nouveau, moi glissant une main vers sa cuisse droite, la remontant vers moi, mon bras droit sous son épaule gauche, je l'ai soulevée et plaquée contre le mur et effleurant de mes lèvres son cou...toujours sans s'embrasser. 
 
3 jours plus tard, elle quittait son homme. 3 semaines plus tard, nous nous retrouvions à Paris pour visiter les musées et aller au cinéma. On n'a pas beaucoup vu de toiles ce weekend là.

Avant de partir en Jordanie, Murielle m'a donné un de ses livres préférés (qui est devenu un des miens) :
"C'est une histoire d'amour atypique mais formidable. J'espère que ça te plaira."
C'était "Tours et détours de la vilaine fille" de Mario Vargas Llosa, devenu Prix Nobel de littérature un an plus tard.

En Jordanie, pendant que je le lisais, cette histoire d'amour me faisait penser à l'amour en général, aux relations, à ce que je voulais vivre comme histoire fabuleuse cette année. Et le premier nom qui est sorti de mes élans sentimentaux : Emilie. Ah merde...Georges, t'es en train de faire une connerie.

Pfff il sert à rien le gyrophare dans ma tête...

To be continued... (ici)

4 commentaires:

  1. un de mes livres préférés. Merci pour ton écriture Georges! C'est sympa de te lire.
    Claire abs

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  2. Je découvre ce blog, j'aime beaucoup :)
    Très sympa ce petit côté bourreau des coeurs

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  3. sympa, les retrouvailles!

    je me demande toujours quelle est la part d'autobiographie et quelle est celle que tu romances? Quoi qu'il en soit, c'est excellent à lire.

    Je file lire la partie 3....

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