mercredi 14 décembre 2011

Antépénultième

Évidemment, je me suis méchamment ramassé au concours de première année (P1 pour les intimes). J'ai bossé dur pendant l'été, autant dire que je n'ai pas beaucoup vu le soleil, ni la mer. Par contre, le soir j'avais pour habitude de me sortir le nez des bouquins et de le plonger dans les étoiles et c'est là que ça m'a frappé : je n'arrive plus à voir les étoiles !!!

A force d'arriver en retard en cours et de s'assoir au fond de l'amphi, à force de faire le point entre le regard super loin sur ce qui est écrit en tout petit sur le tableau et ce qui est super proche sur mes notes. Ah oui !!! d'ailleurs, pourquoi est-ce que les médecins écrivent mal ? c'est parce qu'en première année, il faut arriver à noter aussi vite que le prof parle, et il parle vite et ne se répète pas !!! donc, ma jolie écriture cursive s'est transformée en quelques mois en hiéroglyphes mêlés d'un soupçon de chinois patte-de-mouche. Ça n'aide pas les yeux forcément. Ce que je ne m'explique pas, c'est comment est-ce que les pharmaciens arrivent à les relire alors que les médecins entre eux n'y arrivent pas. Fin de la digression. 

Quand j'ai vu que je ne pouvais plus me perdre dans la voie lactée, j'ai pris une cuite.

De retour à la fac, je suis parti avec l'idée que de toute manière, je ne pouvais pas faire pire que l'année précédente. Et puis, je me suis inscrit au concours kiné en même temps que médecine, sans grand espoir de réussir médecine.

Cette année là, je ne sais pas qui s'est passé dans la tête des nouveaux doublants, ou peut-être parce que nous étions de l'autre côté de la barrière mais l'objectif n'était absolument pas de déconcentrer les primants mais de se marrer le plus possible, parce que, faut être honnête, bosser 6 à 12h par jour, en plus des cours, c'est assez épuisant pour l'esprit. Alors si on pouvait ne pas utiliser ses neurones pendant quelques temps, ça faisait toujours ça de pris. Nous sommes donc dans la situation paradoxale où les cours sont devenus nos récréations et que pendant les intercours, nous parlions boulot :
"T'en es où dans tes révisions de telle matière ?
_ Oh j'en suis à tel chapitre, j'avance pas vite.
_ Comment tu bosses toi ?
_ Je bois du café.
_ Et ça marche ?
_ Non, je ne dors plus et j'ai tout le temps envie de pisser. Et comme je tremble, j'en fous partout."

Dire que Georges Clooney au même moment était en train d'arrêter médecine et de se mettre au café, nous on commençait les 2.

On a chanté, on a dansé, on a pensé à s'embrasser. On est passé à vélo entre les 2 portes de secours du bas de l'amphi. On a lancé un avion en papier et carton de 1m de long (sans mentir), des douzaines de rouleaux de PQ (a tel point qu'on voulait faire sponsoriser notre voyage de 2° année par Moltonel, mais c'est une autre histoire), des avions plus petits, par centaines et tous en même temps (un escadron), on a montré nos fesses, par demi-douzaines de paires. On est venu déguisé, l'ambiance était tellement bon enfant que même les primants se sont joints à nous.

Un jour, il faisait chaud, pendant la pause, on s'est allongé dans l'herbe, on s'est fait une bataille de pâquerettes, et j'ai fini par retourner en cours avec une couronne de fleurs dans les cheveux. Le professeur m'a demandé de passer-au-tableau au-lieu-de-faire-le-mariol. Je lui ai récité le cours par cœur, avec schéma à l'appui (et à la craie). Pas de bol pour lui : il n'y avait que 2 matières qui me plaisaient, la génétique et la chimie organique, celles que tous les autres détestaient. Quand je révisais ces matières, le temps s'envolait, je pouvais passer 8h dessus sans m'en rendre compte.

Par contre, en anatomie...un jour, le rétroprojecteur était en panne (et oui, on passait des feuilles transparentes sur une lampe avec une loupe et un miroir, dis comme ça, c'est moins classe). Nous au fond, on gueulait : "On peut pas / travailler / dans des conditions pareilles !" de plus en plus fort.
Le prof nous a vu :
"Vous le grand là au milieu"
Je me retourne.
"Oui vous. Pas la peine de vous retourner, il n'y a personne derrière vous. Si vous pensez que vous aurez votre concours en faisant le pitre comme ça, vous vous trompez lourdement. Je serais vous, je changerais de filière. Tout de suite, au lieu d'emmerder le monde". Oui, parce qu'un Professeur, ça se prend pour le monde entier.

Il n'avait pas complètement tort : je n'ai pas été bien brillant en anatomie (j'avais fait mes dessins bien tout comme il faut, mais avec le foie à gauche, forcément). Mais j'ai majoré en biologie moléculaire et en chimie organique. Mais ce n'était toujours pas suffisant. Ils en prenaient 72, je suis arrivé 74°.
Or, cette année, la fac accueillait plusieurs étudiants étrangers. Ils ne comptent pas dans le numerus clausus, c'est pour les français. Du coup, ça a libéré quelques places.

Depuis ce jour, j'ai appris le mot "antépénultième" : avant-avant-dernier. Oui, mais reçu.

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