jeudi 19 janvier 2012

l'Orage

En ce moment, chez moi, il pleut, très fort, mais que la nuit. Ça me rappelle une anecdote :

J'étais externe en 5° année et nous devions fêter la fin de stage. Normalement, nous externes, esclaves du monde médical, sommes catapultés d'un service à l'autre tous les 3 mois. Alors chaque trimestre, on organise une petite sauterie entre tous les externes du stage en question, s'y ajoutent éventuellement les internes et les séniors s'ils étaient sympas. Je ne sais pas si on fête la joie d'en partir ou la célébration d'un bon moment. C'est variable à chaque stage.

Ce soir, on est allé au resto, on s'est bien régalé mais vers 23h :
"C'est pas possible, on ne va pas finir la soirée comme ça ! dis-je un peu déçu. Mon interne me répond :
_ Si vous voulez, on peut finir la soirée chez moi."

Ni une ni deux, hop là boum, en voiture Simone, on se retrouve chez l'interne. C'était une baraque immense juste à côté de la gare. Étant donné que les internes sont payés une misère, le plus rentable, c'est d'avoir des colocs; donc très souvent, plusieurs internes se réunissent pour occuper une grosse maison et payer des cacahuètes pour le loyer.
Ça présente aussi l'avantage de ne pas rentrer tout seul le soir à la maison à déprimer, que sur le paquet de colocs, il y en a toujours un pour finir un peu plus tôt que les autres, cuisiner ou acheter des pizzas et en laisser pour celui qui va rentrer à 23h, partager les expériences difficiles de la journée et demander un complément de connaissances à ses comparses.

Ce soir là, il se trouve que la maison était vide : tous les colocs étaient en vacances. Vous vous rappelez la maison que squatte Tyler Durden dans Fight Club ? pareille ! La devanture un peu gothique, l'intérieur pas trop délabré (quand même) mais avec très peu de meubles, des livres de médecine entassés contre les murs, des Entrevue et Cosmo vieux de 5 ans dans les toilettes, une piscine en plastique dans la cave (si si je vous promet) parce que c'était l'endroit le plus chaud de la maison, mais rien dans les placards.

On se ramène à 4, tous les autres nous ont abandonnés. Camille nous accueille chez lui :
"J'ai pas grand chose à vous proposer, dit-il en fouillant dans la cuisine. J'ai une bouteille de Whisky et ... 2 plaquettes de chocolat blanc...et une guitare. Qui a bien pu ranger la guitare entre le frigo et la gazinière ?"

Alors on s'est posé sur les poufs dans le salon (pas de canapé) et on a commencé à faire le boeuf. On a fait tourner la guitare et chacun a gratifié les autres de ses connaissances musicales. On est passé par un peu de tout : Red Hot Chili Peppers, Nirvana, Bob Marley, Tracy Chapman, Led Zep, Louise Attaque, The Beatles, The Rolling Stones, The Cure...Camille a du nous abandonner :

"Je dois vous laisser, je vais me coucher. Il 3h du matin et je suis de garde demain à 8h."

Nous avons continué. A un moment, il s'est mis à pleuvoir. L'un de nous a pris la guitare et a commencé à plaquer des accords et une façon de jouer qui est tout de suite identifiable par tout mélomane averti :

"Parlez-moi de la pluie, et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage
Car le plus grand amour, qui m'fut donné sur terre
Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter
Il me tomba d'un ciel d'oraaaage."

Pour la suite, cf ici : http://www.youtube.com/watch?v=FYnPv-aejJk

Emporté par l'élan lyrique de cet auteur magnifique, nous avons continué à s'échanger tout notre savoir Brassensesque. Fort heureusement pour nous 3 (oui, le quatrième était parti se coucher), nous connaissions tous le poète à moustache et ça a duré encore, le temps a filé sans que nous nous en rendions compte.

Camille :
"Salut les gars.
_ Ah mince, désolé, on t'a réveillé.
_ Non non, il est 7h, je me lève pour aller à ma garde. Vous avez dormi là ?
_ Non, on s'est pas couché."

Nous avions sifflé la bouteille de whisky, les 2 plaquettes de chocolat blanc (avec un petit dauphin dessus) et une vingtaine d'odes à la vie, qui donnent envie de se mettre l'accent de Sète, à la pipe et de se laisser pousser la moustache; le genre de chansons qui vous font regretter de faire des études, qui vous donneraient des ailes pour aller dans les champs de lavandes avec une guitare, avec pour seul toit une mansarde avec des étoiles plein le firmament, d'avoir des chats, de rencontrer des nymphes au bord des fontaines, d'aller faire la sieste au pied d'un grand chêne...

Le lendemain a été très dur au boulot (c'était un vendredi, la soirée un jeudi) mais j'ai sifflé du Brassens dans les couloirs, j'avais l'impression d'y voir pousser des pins parasols et je ne suis pas sûr que ça ait déplu aux locataires. La musique a toujours accompagné mes études de médecine, je vous en ferai part dans d'autres billets. J'espère que vous y avez trouvé au moins autant de réconfort que moi.

4 commentaires:

  1. Merci, tu nous fais revivre toutes les étapes des études de médecine...
    avec tes descriptions d'ambiance il me reviens á la mémoire la tête de copains de fac oubliés.
    Pourquoi diable les ai-je perdu(e)s de vue!!!

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  2. Je te lis avec un plaisir non dissimulé, j'adore ta façon d'écrire, mais je suis curieuse : tu es thésé, installé?
    A te lire (enfin les billets concernant l'externat), on croirait que tu es tout juste sorti des ECN... c'est plein de détails, précis, très vivant!!
    Moi, j'ai des souvenirs plutôt vague de mon externat, je serai bien incapable de le raconter avec tant de détails... tu avais pris des notes? ;-)

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  3. Non non j'avais pas pris de notes, j'avais bien assez de travail avec l'ECN...
    J'ai passé ma thèse il y a peu et je bosses à l'hôpital pour le moment mais l'avenir est fait de changements.
    Merci pour les encouragements et à bientôt =)

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  4. ah ok, bravo docteur!
    j'espère que tu nous livreras aussi tes expériences de chef... merci à toi :-)

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