mercredi 11 janvier 2012

thé ou café ?

La question peut sembler anodine et pourtant, elle a beaucoup d'importance. Je ne parlerai pas ici de l'attrait qu'ont les anesthésistes pour le café (probablement à cause des vertus de la caféine pour maintenir éveillé alors qu'ils sont entourés en permanence de gens qui dorment, peut-être) ou de la boisson nationale britannique. Non non, je vais vous raconter deux histoires. 

J'étais en 5° année, c'est à dire en plein milieu du calvaire des révisions pour l'ENC (cf ici). Je vous explique : le matin, tout le monde est en stage, de 8h30 à midi mais ça déborde souvent jusqu'à 13h voire 13h30. Là, il faut se déplacer en quatrième vitesse pour manger, aller à la fac et assister au cours qui débute à 14h. Là, on se rend compte que le prof est :
   - pas là, personne n'est prévenu, pas de cours, 2h de perdues
   - il est là mais il n'a rien préparé, alors il improvise, 2h de perdues
   - pas là mais il a prévenu quelqu'un, à la dernière minute, qui improvise,  2h de perdues
   - il est là, il a préparé un cours et c'est de qualité, 2h de gagnées sur les bouquins

Grosso modo, en allant à la fac après le stage, on a une chance sur 4 de ne pas perdre son temps. A part pour certains prof qu'on savait être de qualité, la plupart du temps, après les cours, je potassais tranquillement chez moi.

Mais comme les profs se sont rendus compte qu'on ne venait pas en cours (pour ça, il faudrait déjà qu'ils y aillent eux mêmes, en cours, c'est pour ça, ça a pris du temps, ils ont mis 2 ans quand même), ils se sont dit que la bonne idée, ça serait de faire pareil que leurs cours mais après les cours, de 19h à 23h. Super sympas les mecs.

Donc, après une demi-journée de 6h passée en stage puis une demi-journée de 6h à bosser dans les livres, j'allais passer, 2 fois par semaine, une demi-nuit à travailler à la fac. Évidemment, plus l'enseignant était de qualité plus les séances de questions duraient longtemps. En général, j'étais content quand je rentrais avant minuit.

Mais ça, c'était les cours organisés par les profs. En plus de ça, on avait les conférences d'internat, 2 fois par semaine, la même chose mais organisées par des internes qui venaient juste de passer le concours (et de le réussir forcément) donc qui savaient mieux que nos profs ce que les examinateurs attendaient comme réponses. Je ne savais pas, à cette époque là, qu'après ce serait pire, parce qu'au moins, je pouvais passer mes après-midi chez moi.

(c'était la séquence mélo, maintenant rentrons dans le vif du sujet)

En stage, j'avais rencontré Perrine, une jolie petite brune au carré avec de grands yeux bleus et le visage constellé de taches de rousseur. Je vous ai dit que quand je me suis rendu compte que je ne pouvais plus voir les étoiles sans mes lunettes, j'ai pris une cuite (si si, rappelez-vous, j'en parle ici). Avec Perrine, pas besoin de lunettes pour voir les étoiles dans ses yeux et sur ses pommettes.

Un soir, je rentre de conférence d'internat, il est quasiment minuit. Ma copine de l'époque s'impatiente. Elle m'a déjà envoyé 14 SMS. Elle commençait sérieusement à me saouler et j'envisageais de la quitter, mais sachant que les prochaines années, j'avais de grandes chances de passer encore plus de temps à cravacher et pas à draguer. Donc que j'allais passer toute ma 6° année seul (c'est ce qui a fini par se passer, mais c'est une autre histoire).

Qui croisais-je sur le chemin du retour ? Perrine et ses éphélides ! On fait un bout de chemin ensemble, elle aussi rentre de conférence internat. On parle de tout et de rien, on rit, le courant passe, l'alchimie se crée. Arrivés en bas de son immeuble, elle me propose :

"Tu montes prendre un thé ?"

Pour bien comprendre le sous-entendu, il faut que je raconte une autre histoire dans l'histoire.

Pendant que nous étions en stage ensemble, un jour, elle nous raconte quand dans le métro parisien, assis devant elle, il y avait un beau jeune homme. Ils échangent leurs regards et juste à ce moment, une mamie fait un malaise. La personne qui l'accompagne demande s'il y a un médecin dans la rame. Perrine et le beau mec se regardent, elle commence à se lever mais lui se lève avant elle et va secourir la vieille dame. Au final, c'était un malaise vagal (a priori, ce n'est pas mon histoire). L'homme revient, se rassoit et lui demande :
"J'ai vu que vous alliez vous lever, vous êtes secouriste ?
_ Non, je suis étudiante en médecine, en 4° année.
_ Ah bon ! moi je suis interne en médecine, en 2° année."


La conversation s'engage, Perrine ne descend pas à sa station, elle veut continuer de lui parler, de l'écouter, encore et encore. 5 ou 10 stations plus tard, l'interne lui demande :
"Je t'offre un café ?"
Et elle a répondu le plus naturellement du monde :
"Non".
Le beau et jeune interne est parti tout penaud, elle était tétanisée par sa propre réponse, sans qu'elle puisse se lever pour le rattraper, les portes se sont refermées avant qu'elle ait eu le temps de réagir.


Quand elle nous a raconté ça, on s'est tous demandé : mais pourquoi a-t-elle répondu "non" s'il lui plaisait ? Elle répondit toute timide :
"_ Parce que je n'aime pas le café.
_ Ça veut dire que s'il t'avais proposé n'importe quoi d'autre que du café, tu l'aurais suivi ?
_ Oui bien sûr !!! j'ai beaucoup regretté d'avoir répondu non.
_ Mais qu'est-ce qui t'a pris ?
_ Je ne sais pas, j'ai paniqué et j'ai répondu le premier truc qui m'est passé par la tête, la vérité : j'aime pas le café."

Je reviens à mon histoire : nous étions en train de marcher dans la rue, nous sommes au pied de son immeuble et elle me propose de monter prendre un thé.


J'ai répondu :
"_ Non, ma copine m'attend."

Elle fait ses yeux triste, les étoiles ont quitté son regard, elle m'a déposé un baiser sur la joue et s'en est allée.


2 ou 3 rues plus loin, j'ai hurlé dans la rue (à minuit je le rappelle). Comme j'avais envie de ce thé !!! plus que tous les Anglais réunis !!! mais j'ai répondu la première chose qui me soit passée par la tête, une réponse honnête, la vérité.

Elle fait chier la vérité !!!

2 commentaires:

  1. Georges racontes nous encore une histoiiiire ^^ J'ai tout lu, je suis venu par Jaddo (la dresseuse d'ours écrivain^^) et tu racontes bien. Je tenais à te féliciter ^^

    Merci

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  2. J'adore !! Super style et très joliment raconté. Et puis c'est vrai, elle fait chier la vérité ! ;) M'en vais de ce pas lire le reste...

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