lundi 27 février 2012

Médecine, cuisine et musique


Ce sont mes 3 passions. Elles se ressemble beaucoup plus qu’au premier regard et elles m’ont procuré les plus grand bonheurs de mon existence.

En première année de médecine, un des étudiant m’a fait écouter le deuxième album de Led Zep, intitulé à juste titre Led Zeppelin II. Le disque commence, avec en ouverture, le riff de guitare de Jimmy Page, envoutant, auquel s’ajoute parfaitement la puissante voix de Robert Plant. Je suis littéralement collé à mon pouf, les yeux grand ouverts et j’ai mon premier orgasme auriculaire (non, je n’ai pas eu le petit doigt dressé mais les oreilles complètement époustouflées).

Depuis, la musique m’a toujours accompagné : juste avant les examens, en courant, le matin au réveil en sifflant, sous la douche, dans les transports. Je recommande à tout le monde de passer sur son auto-radio Bohemian Rhapsody de Queen, de mettre le volume à fond, de chanter le plus fort possible et, au moment du solo de guitare, de secouer la tête de haut en bas et d’arrière en avant, au rythme de la batterie, avec un maximum de cheveux si possible. Le meilleur anti-dépresseur du monde avec le chocolat.

Deuxième orgasme auriculaire, Brassens, dont je parle ici.

Après ça, j’ai acheté une guitare et commencé à apprendre, petit à petit, seul dans ma chambre, à chanter le plus bas possible, par timidité, en n’assumant pas cette activité poétique, ce pur bonheur que j’envisageais uniquement en solitaire à l’époque.
Plus tard, bien plus tard, un soir de désœuvrement, j’ai sorti ma guitare et joué en public (rien à foutre, trop rebelle le mec). Quand j’ai vu une, puis deux, puis quatre, puis huit personne m’écouter et demander poliment « encore »…ça m’a fait chaud au cœur, et j’ai continué à jouer, pour moi avant tout et pour ceux à qui ça peut faire plaisir.

Alors je prends une chanson que j’aime, je vais chercher les partitions et je travaille. Mais souvent : « hey, mais cet accord, il va pas bien…et puis, à cet endroit là, c’est mieux. Et si j’essaye cet accord là plutôt…oh ! ça sonne vachement mieux ! et si je joue plutôt comme ça ?... ». 
Mais dès que je m’engage à improviser des fioritures, à faire plus compliqué que nécessaire, ça se casse la gueule.
Au final, c’est toujours la même chanson, on la reconnaît, mais à ma sauce, avec des petits bouts de mes émotions dedans et je préfère jouer comme ça, même si j’aime toujours autant l’originale. Les deux versions se complètent et vivent leur vie de façon presque indépendantes, comme deux sœurs jumelles hétérozygotes (qui ne sont pas nées du même œuf).

A ce propos, je vous encourage fortement à aller écouter ou ré-écouter toutes les reprises que vous connaissez, toutes les nouvelles interprétations de chansons ultra-connues par des interprètes tout aussi connus mais… uniques, dépassant parfois l’originale. Chacune possède son identité propre, son âme.

Mais pour arriver à rendre justice à une chanson, il y a derrière de nombreuses heures de travail, de peines, de douleurs dans les doigts et les oreilles (surtout celles des autres), de lassitude et d’abandon. La musique, c’est exigent.


Je collectionne les livres de cuisine, j’adore ça. A un moment de ma vie, je lisais le titre de recettes et le nom me faisait rêver, je m’endormais avec le sourire aux lèvres (et un peu de salive aussi). Dedans, j’y pioche des idées, j’exécute une recette comme Harry Potter réaliserait une potion. Elles ressemblent à des formules magiques du bonheur : 
Thermostat à 8 pendant 45mn
Touiller pendant 15mn, rajouter un peu de sel mais pas trop
Un peu de cumin par ci, un zeste de citron par là,
Faire cuire jusqu’à obtention de la couleur adéquate…

C’est simple et mystérieux à la fois : « ça veut dire quoi un peu mais pas trop ? »

Je recommande à tout le monde de tremper un doigt léché dans un sachet de sucre pétillant et le relécher de nouveau ; de soulever le couvercle d’une ratatouille avec une pointe de raz-el-hanout, d’inspirer fort pour s’en imprégner jusqu’au dernier neurone disponible ; de se détacher le bouton du pantalon pour pouvoir finir l’assiette de pommes de terres sautées avec magret de canard aux pêches préparés par mamie ; de goûter un chocolat au poivre rose dans les doigts de l’aimé(e)…chacun a sa madeleine de Proust.

Très souvent, je recopie à l’identique la recette mais…il y a comme une certaine insatisfaction. Alors, la deuxième fois, je change un peu, j’intervertis quelques ingrédients, j’improvise, j’innove.
Parfois, le résultat est fulgurant ; d’autre fois, c’est une catastrophe culinaire. Mais j’essaye. De rares fois, je respecte la recette à la lettre et le résultat est inexplicablement abominable. J’ai du rater une étape quelque part mais j’ai beau chercher, je ne vois pas où. De temps en temps, je me donne du mal, je donne le meilleur de moi-même et mes convives n’aiment pas. Très souvent, quand j’essaye des trucs, qui je tente de rajouter de la complexité, c’est de trop. La cuisine, c’est parfois ingrat.

Mais voir le sourire de mes amis, les yeux fermés, vider un plat en cinq minutes sans rien dire parce qu’il n’y a plus de place pour les mots, seul le plaisir indicible du bon, c’est ma plus grande satisfaction. 


La médecine est un art qui recouvre tout cela. Comme la musique et la cuisine, c’est exigent, pénible, ingrat, fastidieux, douloureux…

Mamie démente qui me prend dans ses bras et me colle le plus gros bisous possible sur la joue avec le sourire banane d’une oreille à l’autre (avec et sans les dents)

Enfant casse-cou qui affirme après suture : « j’ai même pas eu mal ! »

Parent inquiet qui dit : « merci docteur »

Collègue têtu qui finit par dire : « t’avais raison »

Résultat biologique ou radiologique qui revient avec le diagnostic évoqué

Patient en fin de vie qui me prend la main et qui sourit


Ok, parfois quand je prends ma guitare, c’est moche, et il vaudrait mieux que j’arrête. Mais je ne fais de mal qu’aux oreilles des autres.
Ok, parfois quand je cuisine, c’est dégueulasse et il faut tout jeter directement à la poubelle. Mais je ne fais de mal qu’aux crève-la-faim qui auraient été ravis de manger mon gâteau raté.
Ok, parfois je commets des erreurs diagnostiques, du moins, j’aurais pu mieux prendre en charge un patient, je passe à côté de certaines choses, mieux écouter…et je m’en veux, je me remets en question, je m’approfondis et je me dis que la prochaine, je ferai mieux. Comme quand je rate un gâteau ou une chanson.  

J’envisage la médecine comme la musique et la cuisine : toujours donner le meilleur de soi par amour de l’autre, et rester simple.  

3 commentaires:

  1. Bonjour, je suis Lorraine FOUCHET, écrivain et ancien médecin d'urgence, et comme Georges je trouve la musique aussi magique que... un profiterolle au chocolat par exemple. Mon quatorzième livre « LA MELODIE DES JOURS » vient de sortir en poche chez J'AI LU. Deux de mes meilleurs amies ont eu un cancer du sein, j'ai cherché pour les aider et les épauler un livre positif et qui leur fasse du bien sur le sujet. Je ne l'ai pas trouvé. Alors je l'ai écrit pour elles et toutes les autres. Fraternel, optimiste et musical, il explique et aide.
    Retrouvez les personnages du roman sur : www.sitedesvoisins.fr
    et moi sur : www.lorrainefouchet.com et écoutez sur ces deux sites les musiques figurant sur la playlist à la fin du livre. Chaque fois que l'héroïne part à une séance de radiothérapie, un voisin anonyme qui l'épaule sur un site internet lui envoie, en guise de lettre d'amour, un morceau de musique sur son Iphone, qu'elle écoute avant sa séance. Et du coup je les partage avec vous !

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  2. Lu ce billet en écoutant "Anarchy in the UK" des Sex Pistols, puis "Like a rolling stone" de The Undisputed Truth.

    Continue à écrire et à transmettre tes passions!

    Bisous

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