lundi 17 septembre 2018

Masse nuageuse en approche

C'est horrible, je suis un monstre mais je dois être honnête : le sexe de rupture, c'est... C'est un chardon au chocolat, une praline au piment.

Fenouil m'a lâché les cheveux, s'est assise sur le lit, baissé le regard, en silence.

Que faire ? la consoler ? c'est moi qui suis responsable de ses larmes (pleure-t-elle ?). Partir ? je serais le pire des goujats. Ne pas bouger, ne rien dire ? je ne sais pas, c'est peut-être le moins pire à faire. Alors je patiente, nu, toujours à genou au bord du lit.

"_ Je dois reconnaître que tu es honnête. C'est rare. J'apprécie. Mais je ne peux pas dire que ça me plait.
Je me lève pour lui caresser la joue, m'excuser, lui parler en face à face. Je pose un genou sur le bord du lit, elle toujours la tête baissée, mon sexe à moitié en train de dégonfler passe par inadvertance sur ses cheveux. Elle l'attrape au vol à pleine main et le serre fort.
_ Par contre, je t'interdis de débander. Tu n'étais pas obligé de dire la vérité, tu l'as fait, c'est un choix courageux mais je ne devrais pas en payer le prix. Viens là.

D'une main ferme derrière le genou, elle me déséquilibre, je tombe sur le dos contre le lit. Elle serre fort, très fort, à la limite entre le plaisir et la douleur, l'engloutit presque jusqu'à la garde et aspire, avidement, comme un sucre d'orge précieux à qui elle ne laisse aucune échappatoire.
_ Tu partiras quand je te le dirai. Mais avant...
Elle me pompe farouchement, en même temps qu'elle fait des montées et descentes avec sa main droite, celle qui ne m'a toujours pas lâché, elle me regarde droit dans les yeux. Son regard a changé : j'ai effectivement en face de moi une lionne et je ne sais pas si je suis son lion ou sa proie.

Tout en m'astiquant (notez le "m" apostrophe, heureusement qu'il est là) elle libère sa bouche, glisse une main vers sa table de chevet, m'enfile une protection et d'un mouvement fluide, expert, monte à califourchon au dessus de moi, toujours mon sexe en main, m'introduit en elle et me chuchote à l'oreille :
_ Là aussi, tu ne pars pas avant moi. Je réclame un orgasme, tu me dois bien ça."

Pendant l'introduction, sa tête bascule en arrière, libérant sa crinière sauvage qui se balance de haut en bas, en mesure avec ses coups de bassin. Je pose mes mains sur ses cuisses et l'aide dans ses mouvements, imprimant par ci par là une petite impulsion délicate. Mais rapidement, je me rends compte que ce n'est plus de la délicatesses qu'elle veut. Elle m'attrape les mains, les remonte vers ses hanches tandis qu'elle augmente la cadence pelvienne.

Je n'en peux plus d'être allongé, je me redresse, juste le torse. Elle en profite pour relever les jambes et les placer autour de moi tandis que je m'assieds en tailleur. Ses mains sur mes fesses, les miennes sur les siennes, elle a toute latitude pour imprimer tous les mouvements au rythme et l'amplitude qu'elle désire.
Ses saccades sont vives et musclées, elle transpire à grosses gouttes, je sens la pression monter en moi tandis que je sens son intimité se resserrer tout doucement puis palpiter. C'est le moment que je choisis pour la plaquer plus fort contre moi et à mon tour cadencer plus fort. Nous unissons nos cris à défaut de nos coeurs, ou plutôt j'émets un petit râle tandis qu'elle rugit en me griffant le dos, des larmes ruisselant sur ses joues.

Ses mouvement ralentissent, ses pulsations internes aussi, elle dépose sa tête contre mon épaule, ses cheveux cascadant sur mon dos, sa respiration haletante se mue petit à petit en sanglots. Je tente un baiser dans le cou et des bras réconfortants autour d'elle. Elle me rejette fermement, toujours en pleurant, me murmure de me casser.

Je n'ose rien dire, je file la queue entre les jambes, je me sens honteux, piteux, nul. Pire ! négatif, moins que zéro. Etait-ce absolument indispensable de lui révéler que c'est le bordel dans mon coeur ? N'eusse-t-il pas été plus judicieux, que dis-je! plus respectueux, de ne carrément pas venir avant d'avoir laissé décanter mon trouble sentimental ?
Mais non, Georges a réfléchi avec sa bite, sa queue, son appendice, sa gaule, son gourdin, sa biroute. Et Georges a eu ce qu'il a voulu : du sexe. Mais avec les plaisir de la chair, des larmes, du chagrin, en somme, du stupre.

Je ne suis pas fier de moi, et c'est peu dire.

De retour dans mon ile, la mine piteuse (et non pas la pine miteuse) Lola tente tant bien que mal de me remonter le moral :
"_ Non, c'est clair, tu n'as pas été un parfait gentleman.
_ Merci Lola, vraiment ça m'aide, dis-je avec toute l'ironie possible dans ma voix.
_ Non mais ok, faut reconnaître que tu as merdé mais ... en même temps, t'as de quoi être fier.
_ Hein ? je lui ai brisé le coeur, elle a fondu en larmes dans mes bras et m'a chassé comme un mal propre, ce que j'ai entièrement mérité. Et par la même occasion, elle en a sûrement parlé à sa soeur, Milène, et il y a de fortes chances pour qu'elle non plus ne me parle plus jamais. Je ne vois pas quel positif je peux retirer de tout ça.
_ Attend ! le mec, il est capable de donner un orgasme sur commande, quoi ! allo ! Ca aurait été moi, le mec, je l'aurais gardé tout le weekend histoire de bien passer ma frustration dans le sexe, changer les larmes en sueur et se quitter bons amis, épuisés mais ravis.
_ Fallait-il que l'on s'aime et qu'on aime la vie ?
_ C'est ça mon petit Charles !
_ Non et puis le plus ridicule, c'est qu'elle m'a viré de sa chambre en pleine nuit, que je n'avais nulle part où dormir et que je me suis démerdé comme un con pour trouver un transport et me ramener à l'aéroport, changer mon billet et rentrer plus tôt que prévu.
_ Ouais mais ça mon petit père, tu l'as bien mérité.
_ Tu as entièrement raison, je l'ai bien cherché.
_ Bon, si on retournait à cette visite ?"

Depuis mon retour, les autres médecins du service ont profité de mon absence de congés pour les 6 prochains mois pour eux-mêmes poser leur congés en étant sûr que j'allais assurer la continuité de soins. Bon, en théorie, c'est bien de leur part de penser aux patients et de ne se barrer que quand un des leurs reste. En pratique, je dois gérer un aile entière d'hospitalisation à temps plein, plus les avis dans les services, plus les explorations à mi temps. Ca fait un temps plein et demi.
Comme les explorations sont fermées la moitié du temps, Lola vient prêter main forte à l'équipe infirmière quand elle n'y est plus. En vrai, c'est quand même beaucoup plus sympa de bosser avec elle, et réciproquement, même si c'est 60 heures par semaine.

Nous voilà donc tous les deux, à faire notre visite pseudo-professorale, de chambre en chambre, d'abord la pré-visite dans le bureau, à discuter de tous les dossiers puis directement dans les chambres. J'ai toujours eu horreur des discussions de dossiers dans les couloirs, je trouve ça extrêmement irrespectueux, comme si savoir ce qu'on a retrouvé dans l'anus de Monsieur Machin était une information divulgable au grès du vent et discutable entouré des voisins du patient. C'est ce qui s'appelle avoir la raie publique.

Par contre, dans le bureau, ça ne nous empêche pas de parler caca autour d'un café, ça, ça va. Nous parlons aussi du turn over. Alors ça, qu'est-ce ? c'est très simple. Les patients ont 2 moyens de rentrer à l'hôpital : soit directement sur rendez-vous (via le médecin traitant) soit via les urgences qui cherchent désespérément à caser l'afflux massif qu'ils reçoivent. Parce que le problème vient de là : comme il n'y a plus que des services de spécialité et plus aucune hospitalisation de médecine générale (ou alors c'est une perle rare), les médecins spécialistes ne veulent recevoir en hospitalisation que des cas qui les intéressent, c'est à dire des cas de leur spécialité. Certains médecins s'arrangent pour avoir un flux continu de rendez-vous d'hospitalisation et n'avoir aucun intervalle libre qui laisserait de la place à l'improvisation des urgences et donc potentiellement à des cas qui ne les intéresseraient pas.

Leur argument, c'est que, comme ce n'est pas leur spécialité, ils risquent mal s'en occuper et que ce serait au détriment du patient.

Du coup, les urgences se retrouvent confrontés à ces services surbookés 1 mois à l'avance et n'ont plus de places pour hospitaliser ne serait-ce qu'une nuit. Ayant fait des gardes aux urgences, je connais bien le phénomène. Quand je gère une aile du service, je me débrouille pour laisser des places pour les urgences.
Sauf que, les pauvres, voyant que des places se libèrent, ils casent les patients les plus lourds, les pathologies les plus pourries. Moi j'aime bien, ça me permet de ne pas perdre ma formation généraliste. Par contre, pour les équipes soignantes, se retrouver avec des patients agités, des plaies qui prennent 1h30, ou des patients qui puent parce qu'ils se sont vomi, pissé et chié dessus dans un caniveau avant de se faire asperger de bière par les copains, pissé dessus par un chien errant, ramassé par les pompiers pendant leur coma éthylique... ça les enchante moins. Donc, on les fait partir vite, donc ils sont remplacés par d'autres patients venant des urgences, pas forcément mieux lotis.

Ce cycle infernal de renouvellement de patients, c'est ça le turn over. Mon rôle est de garder un équilibre subtil entre les patients programmés et les patients surprises.

"_ George, la cadre des urgences appelle pour faire le point des lits, me signale Lola, une main calée sur le combiné téléphonique.
_ Nous avons 1 sortie ce matin et 2 cet après-midi, 2 entrées programmées, soit une place libre pour les urgences, réponds-je à la cadre, via Lola.
_ Il nous reste une place libre. Répond-elle promptement. Puis elle cale encore sa main sur le téléphone. Elle me demande si c'est une place d'homme ou de femme.
_ Ca dépend de l'équipe. Si les aides soignantes sont prêtes à refaire les chambres et faire déménager le patient de la chambre 404 dans la chambre seule, on peut faire 1 place indifférente. Mais ça va leur rajouter du travail.
_ Oui, on peut aussi, libérer la chambre 404 et leur dire qu'on ne prend plus personne.
_ Et leur dire que nous avons fait une erreur et qu'il n'y a plus de place à cette adresse ?
_ Oui, c'est ce qu'on appelle dans le jargon "l'erreur 404".
_ Oh joli, subtil, cultivé, référence geek, j'aime beaucoup !
_ Merci merci. Du coup, je leur dit quoi ?
_ Dis leur que nous aurons une place en milieu d’après-midi et que nous pourrons leur donner le sexe quand les patients entrants auront pris place, pas avant. Ça ne surchargera pas l'équipe inutilement.
_ Ça roule, chef !"

J'aime beaucoup travailler avec Lola, on se comprend, on se complète, ça coule de source, ça avance tout seul, c'est fluide. J'ai l'impression de faire de la bonne médecine, nos arguments et contre-arguments se renvoient la balle dans un match de gala où le vainqueur n'a pas d'importance, juste la beauté de nos joutes et par conséquent la santé du patient. C'est jouissif. Ca fait passer la pilule de devoir bosser pour les autres.

"_ Pour la sortie de Madame Michu à la 402, tu as bien fait tous les papiers de sortie ? me checklist-elle.
_ Oui, ordonnance de médicaments faite, ordonnance pour les IDE à domicile faite, bon de transport signé. Courrier dicté en attente de signature.
_ Tu as pensé à rajouter un pilulier et à prescrire aux IDE "aide à la prise médicamenteuse" ?
_ Pas con ! non je n'y avais pas pensé, en effet, je le rajoute.
_ Et sa prise de sang dans 1 semaine à domicile ?
_ En effet, encore un oubli. Que ferais-je sans toi ?
_ De la merde.
_ Ah non ! j'ai pensé à ses bas de contention, tu vois ! Ah ! rajoutais-je d'un air narquois.
_ Très bien Docteur ! et tu as évidemment prescris aux IDE à domicile d'aider la patiente à les mettre tous les matins. N'est-ce pas ?
_ Euh...et bien...euh, je le rajoute de ce pas !
_ Mouais.
_ Sans déconner, comment tu fais pour penser à tout ça ?
_ D'abord, les infirmières ne sont pas les pense-bêtes des médecins mais il ne faut pas oublier qu'ils ont un afflux de sang trop important dans leur ego ce qui provoque un déficit d'irrigation du cortex. En tout cas j'ai été formée comme ça. D'autre part, j'ai fait des remplacements en libéral et si l'ordonnance n'est pas bien faite, l'infirmière travaille bénévolement. Alors il faut harceler les médecins traitants pour refaire l'ordonnance de l'hôpital et ils rechignent souvent à le faire. Et quand ils le font, ils râlent. Alors éviter de faire suer l'IDE à domicile et le médecin traitant, il vaut mieux que je te fasse suer toi.
_ Bien vu.
_ Et puis ça la fout mal quand les ordonnances de sortie d'hôpital sont incomplètes.
_ Tu as carrément raison.
_ Oui, je sais.
_ Tu fais quoi cet aprem ?
_ Plage. Je bosse depuis 6h du matin. Et toi, tu ne bosses pas ?
_ Ah merde, si ! j'avais oublié. J'ai tellement pas l'impression de bosser avec toi. Si, je bosse. Pfiou, ça va être long sans toi. 3 entrées, y compris la surprise des urgences, les courriers en retard, les PMSI, la contre-visite...Heureusement que je ne suis pas de garde ce soir.
_ Bon alors on se retrouve à la plage quand tu sors du boulot ?
_ Ca roule, chef !"

Après une longue demi-journée, en effet, ça fait plaisir de pouvoir se prélasser sur le sable chaud. Hélas, passé 18h, le soleil est déjà couché. Le seul inconvénient des tropiques. Heureusement, le sable reste chaud. Je retrouve Lola à notre QG, "notre" plage, celle où nous nous réunissons quand nous ne travaillons pas ensemble.
Je n'ai pas de serviette. Je m'assieds à côté de la sienne. Elle est belle, un bronzage légèrement pailleté d'or, un paréo bleu entoure ses fesses galbées et sa poitrine parfaite. 4 livres de 300 pages nous séparent.

"_ Tu lis quoi ?
_ Hyperion, de Dan Simmons.
_ Non, tu es sérieuse ? c'est mon livre préféré !
_ Sans déconner ! je le relis tous les ans.
_ Arrête tes conneries ! moi aussi je le relis tous les ans !
_ Non mais c'est dingue. Faut que je tombe sur LE médecin qui a les même gouts que moi. Le seul qui ne soit pas insupportable au quotidien.
_ C'est clair que c'est très atypique. En général, je ne traine pas avec les collègues de boulot en dehors des heures de travail.
_ Moi non plus, j'aime bien rester seule. A force de prendre soin des autres, j'ai besoin de me ressourcer et prendre soin de moi.
_ Tu as bien raison. Moi je vais courir.
_ Moi je lis en bord de plage. Tu en es où ?
_ J'en suis au passage où Het Masteen s'est fait déchiqueter par le Gritch.
_ Non, je te parle de ta vie sentimentale.
_ Ah ! ça t'intéresse ?
_ Grave ! c'est un véritable feuilleton ! Bon, aux dernières nouvelles tu as lamentablement plaqué une blonde torride et sauvage parce que tu es amoureux d'une brune mystérieuse.
_ Oui alors bon, forcément, résumé comme ça, ça fait très série télé.
_ (prenant une voix d'annonceur télé) précédemment, dans "Urgences, gloire et beauté du Dr Georges, homme médecin", Brenda et Pamela rivalisent de séduction pour remporter le cœur du docteur. Qui choisira-t-il ? vous le saurez au prochain épisode !
_ Oh, le choix est vite fait. Pamela...euh pardon, Fenouil n'a probablement pas l'intention de me revoir de sitôt et Emilie...je ne sais pas. Elle me semble si ... inaccessible.
_ Pourquoi inaccessible ?
_ J'ai l'impression d'être si loin d'elle et de ne pas arriver à la cerner. C'est une brume qui file dès que j'essaye de l'attraper entre mes doigts.
_ Tu dis ça parce que tu ne sais pas ce que tu ressens et puis, toi qui fait de la rando en montagne, tu sais bien qu'aucun sommet n'est inaccessible. Il l'est tant que personne n'y est allé. Emilie, tu ne sauras qu'elle est inaccessible qu'une fois que tu lui auras parlé.
_ Mais...mais tu as tellement raison ! j'ai le sentiment qu'elle s'évade uniquement parce que moi-même j'élude de lui poser la vrai question !
_ Exactement ! et du coup, c'est quoi la question que tu veux lui poser ?
_ Est-ce qu'elle m'aime ?
_ Non, enfin. Ne me dis pas que tu veux attendre de connaître ses sentiment à ton égard avant de lui déclarer les tiens ! T'as peur ?
_ Oui, un peu.
_ Peur de quoi ? d'être rejeté ?
_ Bah oui ! Il y a de quoi, non ?
_ Non, on ne rejette pas quelqu'un parce qu'il a le courage d'avouer ses sentiments. Ça serait nul. Si elle fait ça, honnêtement, tu ne perds rien.
_ Ce que j'aime chez toi, c'est que tu arrives à démystifier une situation qui me semble inextricable avec facilité.
_ Je te remercie.
_ Sur ces bonnes paroles, je te laisse, je vais faire crisser ma plus belle plume et envoyer une missive d'une passion enflammée vers le cœur de ma dulcinée.
_ Fais gaffe quand même. N'envoies pas ta lettre par pigeon voyageur, tu risques te faire chier dessus.
_ Ah merci, c'est encourageant, dis-je en m'éloignant.
_ C'est pour t'aider à démystifier ! crie-t-elle, les mains en cornet autour de la bouche."

De retour à mon logis, je suis face à mon ordinateur. Que dire ? quels mots ? Lola a raison. Est-ce que je suis amoureux d'elle parce que je pense qu'elle l'est de moi ? non, parce que sinon, je serais resté avec Fenouil qui visiblement avait de forts sentiments pour moi. C'est quoi alors qui m'attire chez elle ? c'est parce que je me sens utile à essayer de la rendre heureuse ? super. Donc c'est le docteur qui essaye de soigner sa patiente. Bravo pour le cliché.
C'est quoi alors ? qu'est-ce qui me rend fou d'elle ? ce sont tous ces moments à se tourner autour probablement.

Exemples. Je vous avais raconté la fois où elle m'avait rembarré de façon extrêmement fine, rappelez-vous j'en ai parlé ici (répétez cette phrase avec la voix de Jean-Claude Ameisen). Et bien il y a encore bien des choses que je ne vous ai pas narrées.

Peu de temps après mon éconduction, nous avions gardé contact de loin. On se croisait de temps en temps dans les couloirs de l'hôpital. Un soir, j'ai su qu'elle allait à une soirée internat. Elle n'est pas le genre à aller à ce genre de soirée et ça m'a surpris. Je me suis donc arrangé pour m'y rendre également. En général, je me fais royalement chier parce que je m'emmerde : soit les gens sont beurrés comme des tartines bretonnes, soit ils sont là pour se montrer, paraître, pavaner et cette fausseté me débecte.
Je vais donc à cette soirée, pour la première fois avec le pas guilleret, dans l'espoir de l'y trouver. Elle y était en effet, accompagnée de sa cousine. En fait, sa cousine était curieuse des soirées médecine, toutes les légendes grivoises qui circulent et avait insisté pour y aller. Rapidement, nous nous sommes retrouvés tous les trois, à papoter jusqu'aux petites heures du matin. Sa cousine disait : "Tu vois, ce n'est pas si mal, ces soirées."
Emilie avait de grands yeux éclatants, rivés dans les miens, buvant mes paroles. Je ne me rappelle absolument pas de l'amoncellement de conneries que j'ai du dire ce soir, mais je me rappelle très bien de ses yeux. Et déjà, je ne savais pas s'il fallait y lire de la gratitude de faire passer un bon moment à sa cousine ou de l'affection à mon égard.  

Voilà, je pourrais commencer par là. "Chère Emilie, rappelle-toi il y a 3 ans 5 mois et 2 jours, cette soirée où tu me regardais, que fallait-il lire dans ton regard ?"
Ah oui, pas flippant du tout ! Et puis je ne fais que réagir : j'attends de connaître ses sentiments avant d'avouer les miens. Ça ne va pas, ça !

Encore un peu de temps après ça, elle m'a recontacté et m'a proposé qu'on aille manger ensemble. Elle me donna rendez-vous chez moi. Atypique, j'ai accepté. Alors, je m'habille, je me prépare, elle sonne à ma porte, j'ouvre et ... elle traverse le pas de la porte à toute vitesse en disant "Pousse toi, c'est chaud." Particulièrement intrigué, je me retourne : elle avait apporté à manger, cuisiné par ses bons soins, un plat chilien.
"J'ai pensé te faire plaisir en te faisant un plat typique de chez toi.
_ Euh c'est très gentil, mais...
_ Zafran, c'est pas chilien ?
_ Euh non, je ne crois pas.
_ Ah merde !
_ Et toi, tu as des origines chiliennes ?
_ Non, pas du tout !"
Nous éclatâmes de rire, ce qui rameuta mes deux colocs. Elles ont fini le plat, nous de notre côté, nous nous mangions du regard. A cause des mes incrusteuses, je n'ai pas pu converser correctement.
"_ Il se fait tard, tu ne veux pas que je t'aide à rapporter ton plat chez toi ? proposai-je.
_ C'est une excellente idée. Tu me raccompagnes ? dit-elle l'air ravi.
_ Avec plaisir. J'attrape mon manteau et lance une perche.
_ Et il n'y a personne qui t'attends à ton appartement ? un chat ? un amant ?
_ Non, il n'y a personne. L'appartement est vide. Je n'ai pas de chat. Et ce soir, même si j'ai 5 amants, aucun ne m'attend à la maison."
Là dessus, j'ai ressenti comme une douche froide. Je l'ai raccompagnée à ma porte et l'ai refermée doucement, elle côté rue, moi côté couloir d'entrée. Il était hors de question que je fasse partie d'une ribambelle de conquêtes qui cohabitent. En amour, je préfère avoir l'exclusivité.

Je n'ai appris que bien plus tard qu'elle avait fait un lapsus. Elle n'avait pas 5 amants en même temps mais 5 prétendants, elle avait voulu me faire un compliment en sous entendant que malgré 5 hommes qui lui tournaient autour, c'est moi qu'elle avait choisi pour la raccompagner.

Le choix des mots est important.

Tu ne crois pas si bien dire. Quels mots choisir ? J'ai l'impression que c'est "je te suis, tu me fuis et je te fuis, tu me fuis." ou "suis". Oh je ne sais plus. Vous, vous me suivez ? Est-ce que c'est vraiment ça ou est-ce que je me fourvoie ? Lola a encore raison : il faut tout de même dissiper cette brume.

L'ordi est toujours allumé devant moi. Page blanche. Je vais sur la page d'Air Tropiques et en suivant, j'écris à Emilie :

"Tu fais quoi samedi matin ? je prends l'avion, j'arrive."

Quitte ou double.




To be continued...




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