La semaine suivant la course, Lola est revenue à la charge :
« Bon alors, maintenant que la course est finie, tu as du temps pour draguer, oui ou non ?
_ Oui.
_ Ah ! alors ? la petite interne de gastro, la brune exubérante…tu la travailles quand ?
_ Nah…pas motivé.
_ Ok. La petite interne de cardio, timide mais hyper mimi…c’est quand que tu la secoues ?
_ Non mais comment tu parles ! non, elle non plus, pas motivé.
_ Roooh faut te bouger les fesses là ! t’y mets vraiment pas du tiens.
_ C’est vrai, mais j’ai un plan.
_ Ah ! un plan cul ?
_ Non, ou plutôt c’était mais j’aimerais bien que ça devienne plus.
_ Mmm, méfie-toi, ça pue.
_ Pourquoi ?
_ C’est difficile de changer une relation en une autre. Tu ne peux pas changer une amitié en relation amoureuse par exemple, dit-elle avec soudain beaucoup de sérieux.
_ Ah bon ? mais pourtant …
_ C’est comme ça, c’est tout, ça ne marche pas. Pas plus que changer une ancienne relation en plan cul régulier. Il y en a toujours un des deux qui espèrera davantage.
_ Là dessus je suis d’accord, mais si les deux veulent la même chose…
_ Mouais, mais faut bien en discuter avant, et discuter quand tu faisais que niquer auparavant, le changement peut être brutal.
_ Mouais. Tu es en train de me dire qu’une fois qu’une relation est établie elle ne change pas.
_ Non, en tout cas jamais en mieux.
_ C’est vachement pessimiste comme point de vue.
_ Ou pas. Par exemple, toi et moi, on sera toujours amis, ça n’évoluera pas vers autre chose et c’est bien.
_ C’est très péremptoire.
_ C’est pas faux.
_ Ah ah ah, je vois qu’on a les mêmes références.
_ Bon, concrètement, tu vas faire quoi ?
_ Bah j’ai rappelé Fenouil."
Flashback de 2 jours :
« _ Allo Fenouil ?
_ Oui ? c’est qui ?
_ C’est Georges.
_ AAAAAAH ! trop bien ! comment ça va ?
_ Pas mal et toi ?
_ Ça va plutôt bien. J’ai suivi tes conseils : j’ai fais pas mal d’introspection, je me suis rappelé pourquoi je faisais ce métier et j’ai changé de boulot.
_ Super ! tu fais quoi maintenant ?
_ Je soigne des lions dans une réserve en Afrique.
_ …
_ Allo ?
_ Oui…non…je suis sur le cul là, c’est énorme ! et tu es heureuse ?
_ Oui très ! ça te dirais de venir me voir ?
_ Ah oui ! carrément ! mais sauf que … je ne peux poser de vacances qu’à la fin du mois.
_ C’est pas grave, dis-moi quand tu arrives, je t’attends.
_ Génial ! je te tiens au courant.
Retour au temps présent :
"_ Donc vous allez vous revoir à la fin du mois.
_ Oui, comme ça j’ai le temps de finir l’article.
_ Ah oui c’est vrai. D’ailleurs, moi aussi il faut que je rédige le bilan d’activité des explorations fonctionnelles.
_ C'est moi ou j'ai l'impression qu'on passe notre temps à travailler ensemble ?
_ C'est juste une impression.
_ Je ne suis pas sûr mais, on bosse tous les jours ici, ensemble, aux explorations fonctionnelles. Vrai ou pas vrai ?
_ Vrai.
_ Et quand les explorations fonctionnelles sont fermées et que je retourne dans le service, il se trouve que tu te retrouves à remplacer au moins une infirmière du service et que, comme par hasard, on re bosse ensemble. Je me trompe ?
_ Non.
_ Par dessus tout ça, tu rajoutes qu'on doive chacun rédiger un truc de notre côté.
_ Où veux-tu en venir ?
_ Moi je dis : faisons-le ensemble !
_ De quoi tu parles ?
_ De nos rédactions bien sûr ! est-ce que ça te dis de passer chez moi, ce soir, je te fais à manger et on se pose chacun devant notre ordi, on tape on tape on tape, et dès qu'un de nous deux en a marre, l'autre sera là pour lui changer les idées. Ça te dit ?
_ Mmm, mouais, je n'ai pas l'habitude de geeker avec quelqu'un d'autre à côté de moi.
_ Timide ?
_ Non, grottesque.
_ Euh, toi ? grotesque ? mais non tu ...
_ Non, je veux dire que j'aime bien rester dans ma grotte à grogner comme une ourse.
_ Ah d'accord ! ça me convient. Et puis tu as déjà grotté avec de la bouffe gratuite ? à volonté ?
_ Mmm ... je réfléchis.
_ Bah réfléchis bien, je ne ferai pas mon cari de saucisses fumées tous les jours.
_ Eh oh ! tu ne crois quand même pas que tu vas amadouer une créole avec un plat des iles ! si ?
_ Tu n'es même pas un peu curieuse ?
_ Déjà, si tu es un mec qui arrive à cuire un steak je serai impressionnée alors un plat mijoté, pfffiou ! c'est au delà de toutes mes espérances.
_ Non sérieux. Personne ne t'as jamais rien cuisiné ?
_ Pas un homme en tout cas.
_ Alors je me fais un devoir de relever la moyenne de tous les hommes en t'offrant un bon petit plat. Ce serait extrêmement impoli de refuser.
_ Why not ?
_ Alors c'est décidé ! ce soir, chez moi, 19h.
_ Tu rêves ! un mec qui m'offre à bouffer chez lui ! ça ressemble trop à un piège à gonzesse. Chez moi. C'est non négociable.
_ Mais enfin ! je ne...
_ Et il ne se passera rien entre nous ! pointa-t-elle d'un doigt menaçant envers moi."
Pendant que je faisais bouillir les saucisses, Fenouil m'appela.
"_ Alors ? tu viens toujours ?
_ Oui bien sûr ! j'ai mon billet pour dans deux semaines.
_ Parfait. J'ai réussi à te trouver un chauffeur pour t'amener de l'aéroport jusqu'à la réserve.
_ Ah ! génial ! le grand luxe !
_ Et puis j'ai réservé un des bungalow pour qu'on soit tranquilles.
_ Super ! ça a l'air de bien se présenter ces vacances.
_ J'ai l'impression aussi. J'ai tellement de choses à te raconter, sur ma nouvelle vie, mon nouveau taf, le nouveau moi en quelque sorte.
_ J'ai hâte d'entendre tout ça.
_ On peut en parler maintenant si tu veux. Tu es dispo ?
_ Non, désolé, je dois rédiger un article pour demain, ça devrait me prendre toute la nuit malheureusement.
Je ne sais pas pourquoi j'ai menti. Je devais rendre ma partie de l'article pour la semaine prochaine. Peut-être n'avais-je pas envie qu'elle sache que je passe la soirée avec une fille, même si c'est une amie. C'est con, je n'ai rien à me reprocher, j'ai le droit d'avoir des amis, même des filles. Non, je ne sais pas pourquoi j'ai menti.
_ Mince. Alors on se recontacte dès que tu as fini pour préparer ton arrivée, d'accord ?
_ Ça marche. A très vite. Bisous !
_ Bisous ! Et ...
_ Oui ?
_ Ne fais pas trop de nuits blanches à travailler. J'ai bien l'intention que tu soies en forme.
_ Hihi ! Compte sur moi."
Ça se voit que je souris ? et ça s'entend au téléphone vous croyez ?
Les saucisses, c'est bon. Les oignons et l'ail, c'est bon. Je peux mettre tout l'ail que je veux puisque je n'ai pas l'intention de lui souffler mon haleine fétide dans le nez. On va passer pas mal de temps silencieusement, studieusement, et puis de toute manière, c'est une amie. Point final.
Le plus important, c'est de bien faire roussir les oignons dans les épices, pour que ça prennent bien le goût. Après seulement, on fait mijoter avec les tomates. Et à la fin, on rajoute le thym.
Voilà, c'est prêt, je laisse réduire un peu. Le riz est prêt. L'ordi est chargé. J’emballe tout ça, je mets dans la voiture et c'est parti. Elle habite dans une grande baraque, toute neuve, un peu dans les hauteurs de l'ile mais pas trop en altitude. Juste assez pour profiter de la chaleur sans étouffer, pour avoir la vue sur mer sans le voisinage pourri.
"_ Salut !
_ Salut ! perfect timing !
_ Indeed ! ça sent bon dis donc ! je suis déjà impressionnée que ça n'ait pas cramé.
_ Ah ah ! moque toi.
_ Non non, je suis sérieuse ! Aucun mec que je connais ne sait cuisiner.
_ On passe à table alors.
_ Non, je préfère commencer à bosser si ça ne te dérange pas. J'étais en train, en t'attendant.
_ Ok, de toute façon, on n'aura qu'à réchauffer tout à l'heure."
Nous avons passé deux heures, l'un en face de l'autre, cachés derrière nos écrans, bercés par le son des vagues et des touches de clavier, interrompus ça et là par les souffles d'exaspération des affres de la rédaction.
Au bout d'un ultime soupir :
"_Ça te dit une pause ? demanda-t-elle.
_ Ouaip carrément, je crois que j'ai une escarre à la fesse gauche.
_ Ça tombe bien, moi c'est la fesse droite.
_ Allons dehors.
J'ai servi deux assiettes conséquentes, vu l'heure tardive. Nous nous asseyons au bord de sa terrasse, côte à côte, face à l'océan scintillant sous le clair de lune, chacun avec son écuelle sur les genoux. J'avais une faim de loup et visiblement elle aussi, doublée d'un coup de fourchette à faire pâlir un rugbyman landais.
_ Bah dis donc ! ça fait combien de jours que tu n'as pas bouffé.
_ Désolé mais c'est trop bon ! ce n'est pas 100% créole mais c'est hyper bon.
_ Ah non ? qu'est-ce que j'ai raté pour que ça n'ait pas le label créole ?
_ Le thym. Ça sent le thym frais.
_ Oui, c'est meilleur frais, non ?
_ Peut-être, mais pour que ce soit vraiment créole, il aurait fallu le faire cuire en premier, avec tes oignons.
_ Ah mince!
_ Là, ça fait plutôt provençal. Mais c'est hyper bon quand même !
_ Ah merci.
_ Je suis impressionnée. Bravo.
_ Euh, merci, merci.
_ Sérieusement, c'est la première fois qu'un mec me fait à manger.
_ Ah bon ? et tu es restée avec beaucoup de mecs ?
_ Non.
_ Ah.
_ ...
_ Et c'est suffisant pour se faire une idée représentative de la gent masculine.
_ Oui.
Oulah, c'est pas facile du tout de la dérider. Je suis complètement déstabilisé par son aptitude à passer de la complicité ultra proche à cette distance glaciale dès qu'il s'agit de sa vie sentimentale. Changeons de sujet, retrouvons la charmante Lola.
_ Alors t'en es où dans ta rédaction ? ça avance bien ?
_ Bof, j'ai du harceler les médecins et les informaticiens pour récupérer les données de l'année écoulée. Il m'ont filé un tableur et il faut que je trie toute les données. C'est très fastidieux. Donc, ça avance, mais c'est lent. C'est chiant à mourir et il faut que j'arrive à le rendre intéressant au conseil de pôle.
_ Ah bon, pourquoi ?
_ Comme ça, ils verront qu'on fait du bon travail toi et moi, et surtout que ça fait rentrer plein de thunes pour le service.
_ Mais c'est qui qui paye ? les patients ?
_ Non, la sécu et l'ARS. Pour chaque patient, la sécu paye le prix des explorations et en plus, l'ARS nous donne une enveloppe. Globalement, au bout de 300 patients, ça rapporte plus à l'hôpital que ça ne lui coûte.
_ Cool ! et du coup, on en a vu combien des patients en un peu moins d'un an ?
_ A peu près 1200.
_ Ah oui ! on fait une sacré équipe !
_ C'est clair ! Et toi ça avance ?
_ Bah, il faut que je rentre les derniers dossiers de patients que je suis allé chercher en métropole le mois dernier, que je recalcule les stats, que je refasse mes tableaux, et que je décore avec du joli texte autour pour bien montrer que mon travail n'a servi à rien.
_ Ah bon ? pourquoi ?
_ Parce que, grosso modo, en fonction de comment je présente les choses, soit je montre qu'on a opéré plein de patients pour rien, soit je montre que leur avoir fait plein de scanners injectés, ça n'a servi à rien. En même temps, si on ne les avait pas opérés, on n'aurait jamais été sûr à 100% que leur tumeur était bénigne. Mais du coup, ça remet en question toutes les recommandations nationales sur le sujet.
_ C'est super, tu déconnes ! ça veut dire que ton travail est suffisamment solide pour démonter le travail de tes prédécesseurs.
_ Justement. Toutes les recommandations ont été rédigées par mon directeur de thèse.
_ ... Ah... vu comme ça, forcément, ça m'étonnerait que ça lui fasse plaisir en effet.
_ Exact. Et du coup, je lui ponds cet article. Ça ne va pas lui plaire, donc on ne va pas le présenter à une revue. Il va me trouver d'autres patients à inclure pour que les chiffres tendent en sa faveur.
_ Mouais, c'est Sisyphe, quoi.
_ C'est ça. Ça ne finira jamais.
_ Et comment tu peux t'en sortir ?
_ J'espère juste qu'il se lassera à un moment.
_ Tu déconnes ? c'est un professeur. S'il est à son poste, c'est qu'il a été sélectionné génétiquement pour sa patience et son ambition. Probablement pour sa vanité. Il ne lâchera jamais l'affaire.
_ Génial, merci de me remonter le moral. Tip Top cacahuète !
_ Désolé, mais je préfère être honnête avec toi.
_ Mouais, t'as pas tort. Il fallait bien que je l'entende à un moment ou un autre.
_ Et puis, c'est pas moi qui vais te remonter le moral mais Fenouil ! propos qu'elle ponctua d'un mouvement d'épaule contre mon épaule.
_ Eh eh, peut-être bien, effectivement.
_ Alors ? ça se présente bien ?
_ Ne vendons pas la peau de l'ours trop tôt. Elle m'invite chez elle, dans un grand bungalow, au milieu de la savane, entourés par les lions. Je n'ai pas intérêt à faire le con, elle ne pourra pas me foutre à la porte.
_ Oh, allez quand même ! tu ne risques rien. Si elle t'invites, vu vos antécédents c'est que ... d'ailleurs, c'est quoi vos antécédents ? il s'est passé quoi précisément entre vous ?
_ Précisément ? tu veux les positions, la fréquence de nos rapports et si elle a joui c'est ça ?
_ Pff t'es con ! il n'y a que ça alors entre vous ? du sexe ?
_ Non non ! on a passé trois jours fantastiques sur Paris, elle avait beaucoup besoin de parler, de faire le point sur sa vie. Elle avait besoin de réconfort aussi, parce que manque de confiance en elle, tout ça...
_ Et toi, avec ta bonne âme, tu lui es venu en aide, c'est ça ?
_ Oui, un peu. Je l'ai écouté, un peu conseillé, je l'ai aidée à faire le point sur ses envies. Et puis je sortais d'une rupture moi aussi, j'avais besoin d'un peu de tendresse.
_ Donc, vous étiez un peu plus que des sex friends.
_ C'est ça, on s'est apporté beaucoup de réconfort l'un à l'autre à un moment où on en avait tous les deux besoin.
_ Mmm, je vois. Et du sexe aussi ?
_ Oui, aussi. Un peu. Surtout de la tendresse en fait. C'était très chouette.
_ Oui donc, effectivement, si elle te propose de venir la rejoindre c'est qu'elle espère prolonger cette complicité.
_ Ah bon, tu crois ?
_ Mmm, oui je pense. D'après ce que tu me racontes, je pense qu'elle est sincère, qu'elle éprouve beaucoup d'affection pour toi. Vous avez partagé un truc fort et intense, ça laisse son empreinte.
_ Mouais peut-être. Je ne pense pas que je suis le genre de personne à laisser une impression impérissable chez les autres.
_ Pourquoi tu dis ça ?
_ ... J'ai pas très envie d'en parler. On retourne bosser.
_ Ok."
Nous continuons à travailler, moi dans le canapé, elle en tailleur sur sa chaise de bureau avec un coussin moelleux sous les fesses. Encore deux heures comme ça et retour à la pause.
"_ Pffff, je n'en peux plus. Je vais lui envoyer tel quel à mon cher Professeur Connard (notez les majuscules). Je ne comprends vraiment pas pourquoi je me prends la tête.
_ Moi non plus. Laisse tomber.
_ Oui mais non. J'ai quand même le maigre espoir que ce soit publié un jour.
_ Tu es vachement optimiste toi.
_ Et c'est mal ?
_ Non, c'est illusoire. N'importe qui d'un petit peu logique apprend très vite à ne pas être optimiste.
_ Ouh ! faut que tu développes, là. On touche un nœud.
_ Mais ouais ! si tu te laisses aller à l'optimisme c'est que déjà, à la base, tu doutes de la réussite de ton projet. Si tu sais à l'avance que ça va marcher, pas besoin d'être optimiste, juste de la méthode. En plaçant ton destin entre les mains de l'optimisme, tu occultes toute la partie réaliste qui veut que ton projet ait beaucoup plus de chances d'échouer. Quand, au final, ton projet se casse la gueule, tu es violemment confronté à la réalité qui te pète à la gueule et ça fait mal. Moralité : il ne fallait pas espérer.
_ Je ne suis pas d'accord. Être optimiste ne veut pas dire de fermer les yeux à la réalité. Ça veut juste dire qu'on n'y prête plus attention et qu'on se concentre sur la réussite. Bien sûr que ça peut échouer. Mais on n'entreprend rien si ce n'est pour que ça marche. Personne n'enfile de crampons pour regarder la télé par exemple ! si tu mets des crampons c'est pour aller courir et oui, tu risques te prendre un tacle, mais c'est le jeu. Et c'est marrant.
_ Ah bon ? tu trouves ça marrant de te faire tacler ?
_ Non, mais si j'ai peur de me faire tacler, jamais je n'irai jouer au foot.
_ Mais bon, admettons. Tu ne marques pas des buts à chaque fois que tu enfiles tes crampons.
_ Non, c'est vrai, mais si ça arrive, c'est bonus.
_ Grosso modo, à chaque fois que tu enfiles tes crampons, tu ne vises pas le but, tu sais que tu risques te faire tacler, mais tu y vas quand même. C'est ça l'optimisme ?
_ Oui, sauf que je ne joue pas au foot.
_ C'est pas ma faute si tes exemples sont pourris. Mais à quoi ça te sert de te fatiguer à rédiger un article qui ne sera très certainement jamais publié ?
_ Parce que, même si la chance est très faible, si j'y arrive, ça sera très beau non ?
_ Mouais, convaincs-toi toi-même, ça ne marche pas avec moi.
_ Je ne te demande pas de m'encourager.
_ Non, mais j'anticipe ta douleur quand, au bout de la centième modification, tu vas jeter l'éponge. Et ça me fera chier de devoir te ramasser à la petite cuillère.
_ Ah oui, donc c'est pas de l'empathie, c'est plus de l'égoïsme.
_ Non, c'est pas ça ! ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Ça me fera chier parce que, un mec toujours souriant comme toi, ça va me rendre triste de te voir triste, et j'aime pas ça. Je n'aimerais pas te voir triste.
_ Oh, c'est la chose la plus mignonne que tu ne m'aies jamais dite. Merci.
_ C'est sincère.
_ Moi aussi, je m'inquiète de ton bonheur. Et je vois bien que tu te soucies de mon bien être à voir comment tu me pousses à me trouver quelqu'un. Du coup, moi aussi, j'aimerais t'aider à ce que tu sois heureuse. Tu veux que je te trouves quelqu'un ?
_ Non, c'est gentil. Laisse tomber. Je n'ai pas besoin d'un mec.
_ Tu t'es faites tacler, toi. Non ? raconte.
Elle regarde autour d'elle, sa maison, son jardin, la vue sur mer, les palmiers qui découpent les vagues à travers la nuit étoilée. On voyait juste le reflet de la lune se dessiner en ombre chinoise à travers les branches. Elle pris une grande inspiration :
_ Tu vois cette maison ?
_ Oui ! elle est magnifique.
_ Oui, elle peut l'être. Elle m'appartient. Ainsi qu'à mon ex mari.
_ Mince. Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? Il est mort ?
_ Non, il s'est cassé. La veille de notre mariage.
_ NON ! sans déconner !!!
_ Ouaip ! je n'ai plus jamais eu de nouvelles. Juste de sa banque, pour me dire que son compte était fermé et qu'il fallait que j'assume toute seule l'emprunt qu'on avait pris à deux.
_ Dur.
_ C'est pour ça qu'on bosse tout le temps ensemble. C'est parce que je travaille tout le temps, autant que possible. Pour pouvoir avoir une vie, un peu d'argent pour faire autre chose que métro, boulot, dodo. Sauf qu'on n'a pas de métro, alors c'est juste boulot-dodo, boulot-dodo, boulot-dodo. J'en avais marre, une vraie zombie. Jusqu'à ce que tu arrives. Tu ne peux pas savoir la bouffée d'oxygène que ça m'a fait d'avoir un médecin qui a de la conversion, et pas que à propos de lui.
_ Euh... merci.
_ Alors tu comprends. Si tu craques, moi je n'ai plus rien.
_ En effet, je comprends que tu n'aies plus envie d'une relation.
_ Non c'est pas ça, mais je m'attends tellement à rien que ... bref. Donc, pour que je soies heureuse, il faut que tu niques. Tu comprends ? c'est impératif !
_ Ok ok ! je vais prendre ma sexualité en main. Enfin, non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.
_ Ah ah ! je savais que t'étais un petit branleur de médecin ! me lança-t-elle en souriant et en me pointant du doigt.
_ Arrête de me pointer du doigt ou je te mords !
_ Viens me mordre si tu l'oses !"
S'en suivit une course autour de ladite maison, puis dedans, à se lancer des coussins, à se cracher de l'eau dessus, à se jeter des glaçons...deux gamins.
Au bout de ... un certain temps, nous avons pris la casserole et le reste de riz, mélangé l'un dans l'autre, attrapé 2 spatules en bois et nous sommes dirigés vers la terrasse. Nous nous sommes assis sur le rebord, à regarder les étoiles dans l'eau et à manger dans le même plat.
"_ Il est quelle heure ?
_ Aucune idée.
_ Attends je vais chercher mon téléphone sur le canapé.
_ Ah non ! reste ! sinon qui va caler la casserole contre ses genoux ?
_ Ok ok, je reste.
_ Et puis on s'en fout de l'heure, on ne bosse pas demain.
_ Ah bon ?
_ Oui, j'avais prévu le coup la semaine dernière. Comme je devais rédiger ma présentation, j'ai annulé tous les rendez-vous de fin de semaine. On est en vacances demain.
_ T'es un ange, dis-je en l'embrassant sur le front, y laissant un trace de sauce tomate froide.
_ Ouais je sais.
A ce moment là, une étoile filante traversa la mer.
_ Fais un vœu !
_ C'est toi qui me dis ça ? la fille super réaliste et ultra rationnelle ?
_ Ta gueule et fais un vœu !
_ D'accord. Je souhaite que ...
_ Ah non ! dans ta tête ! je ne dois pas savoir.
_ Ok."
Je souhaite d'avoir tout plein de choses à lui raconter, toujours. D'avoir toujours son épaule à la disposition et de lui offrir mon épaule chaque fois qu'elle en éprouvera le besoin.
Quand le soleil s'est levé, nous nous sommes souri, serré fort dans les bras, serré la main très fort, plusieurs fois, en se disant au revoir monsieur, au revoir madame, comme deux enfants imitant des adultes, en ayant gardé dans les yeux les étoiles de la mer.
Le lendemain après-midi, après une bonne matinée de repos, quatre heures environ, j'ouvre mes mails. Le premier de Pr A :
"Cher Georges, est-ce que, à la place de l'article, tu ne pourrais pas plutôt faire un poster. On garde le même texte, il faut juste changer la mise en page. Je t'envoie des modèles pour que tu t'en inspires. Je t'explique : l'abstract a été accepté pour présentation murale lors du congrès international à Paris la semaine prochaine. Je t'ai inscrit, ta place est offerte par un labo. Il faudrait que tu sois lundi matin au congrès. Envoie moi le fichier dès ce soir, je l'imprime et le poster t'attendra sur place."
Mouais, le congrès est payé par un labo, certes, mais je dois quand même me payer mon billet d'avion pour Paris. Et effectivement, la rédaction de l'article n'a servi à rien.
Deuxième email :
"Cher Georges, c'est Emilie. Ça ne va pas du tout. Mon oncle Victor est mort. J'ai besoin de toi."
Ni une ni deux, je réserve mon billet d'avion.
Mon vœu est déjà exhaussé : je vais avoir plein de choses à raconter à Lola.
Ah on est comme Lola, on est suspendu à tes lèvres. Nous aussi on est optimiste, on t'a attendu sagement des mois pour savoir la suite:)
RépondreSupprimer"Quand le soleil s'est levé, nous nous sommes souri, serré fort dans les bras, serré la main très fort, plusieurs fois, en se disant au revoir monsieur, au revoir madame, comme deux enfants imitant des adultes, en ayant gardé dans les yeux les étoiles de la mer."
RépondreSupprimer♥, vraiment.
merci =)
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