lundi 30 janvier 2012

Thèse 3 : la soutenance du mémoire

Previously, in "thèse" : résumé de l'épisode 1 et de l'épisode 2

La vie peut être rose parfois. Et puis d'autres fois, elle vire carrément au caca d'oie. Je détaille un peu :

Un an auparavant, je me suis fait plaquer par une fille qui me trompait avec mon coloc, un "chirurgien" (cf ici). Puis j'ai rencontré une brésilienne qui est rentrée chez elle au bout d'un mois (cf ). Et une autre fille, une anesthésiste me courais après mais seulement bourrée (cf ici encore). Je n'avais pas de vie sociale et ma vie professionnelle était merdique. Je me disais : "Heureusement, je gagne de l'argent que je n'ai pas le temps de dépenser, donc je suis riche !". Mouais, ça n'a pas duré très longtemps.

J'avais une pauvre petite voiture à 3 portes qui ressemblait à une tête d'insecte recrachée de la bouche d'un bouledogue, tant la forme que la couleur. Elle me servait vaillamment à me transporter depuis le centre ville jusqu'au CHU qui avait la mauvaise idée de résider en périphérie. A force de gratter le pare-brise matin et soir, j'ai fini par la laisser au parking le plus proche de l'hôpital (évidemment pas celui de l'hôpital puisqu'il était déjà plein depuis l'arrivée des infirmières à 7h) pour rentrer en bus/tram/métro.

Je pense que la pauvre épave échouée au milieu de nulle a du attirer la convoitise d'un fourbe voleur de vide (puisqu'il n'y avait que ça à voler) ou bien ma voiture a bénéficié lors d'une nuit folle des ébats d'un passionné d'entomologie-mécanique, ce qui lui laissa le sourire d'une portière entrouverte et la serrure défoncée. Elle y a même perdu la moitié d'une antenne. Le peu d'économies qui me restaient se sont envolées avec les réparations.

Boulot de merde, pas d'argent, pas de copine...le tiercé gagnant. Je pensais avoir subi les derniers outrages. Et bien non ! la vie réserve des surprises au moment où on s'y attend le moins (sinon ce n'est plus une surprise).

Pr B. m'avait trouvé un sujet de mémoire hyper intéressant, unique au monde, la première étude du genre. Par contre, il fallait que je me plonge dans des dossiers vieux de parfois 40 ans pour trouver une échographie et un résultat biologique. L'entrepôt où ils étaient stockés avait connu une inondation lors de la tempête de 1999 et certains dossiers étaient couverts de moisi jusqu'au tiers inférieur. Une fois, en soufflant dedans pour dégager la poussière, il en est sorti une araignée et une plume de pigeon. Si les résultats étaient absents du dossier, il fallait que je rappelle les patients pour leur envoyer une ordonnance, qu'ils passent les examens et qu'ils m'envoient les résultats. Tout ça en plus du boulot d'interne.

Là dessus, Pr A. en remet une couche : "C'est diplomatiquement admirable que tu fasses ton mémoire avec Pr B. Par contre, c'est un suicide intellectuel, elle est nulle son étude, ça ne va rien donner." Top constructive la remarque, merci Professeur.

C'est tout ? c'est fini ? ah non ? il en reste encore ? allez la vie, vas-y, balances ce que t'as...au point où j'en suis :

"Bonjour Madame, je suis bien chez Monsieur Mémoire ?
_ Oui.
_ Je peux lui parler s'il vous plait ?
_ Non.
_ Ah mince, c'était important. Il est parti ?
_ Oui, il est mort."

Note pour les externes : si un patient décède pendant une hospitalisation, merci de le noter dans le dossier, ça évitera quelques désagréments à vous même quand vous serez interne.

Bon ok. C'est fini la loose, je rebondis.

Je me suis tapé une centaine d'articles médicaux sur le sujet, j'en ai gardé environ 60 sachant qu'un mémoire normal possède en général 15 à 20 références bibliographiques. J'ai vu tous les spécialistes disponibles sur le sujet, même ceux à la retraite. Ils m'ont tous dit :
"C'est extrêmement intéressant ce que vous faites, les résultats nous intéressent beaucoup. Il faut absolument que vous reveniez nous en parler."

J'ai pondu avec la sueur de mes yeux (ça pique la lumière d'un ordi à 2h du matin) un mémoire de 50 pages, la taille d'une petite thèse sur un sujet complexe, général et ultra-spécifique à la fois, ultra-pointu mais j'ai réussi à le présenter de manière accessible à tout le monde.

Finalement, l'heure fatidique est arrivée. Comment soutient-on un mémoire de spécialité ? lors d'un congrès régional entre spécialistes ? On fait s'assoir une brochette de professeurs avec votre œuvre entre les mains (vous leur avez envoyé 1 mois auparavant pour qu'ils puissent avoir le temps de la décortiquer). Vous leur réexpliquez votre travail avec un super diaporama et vous en profitez pour présenter le sujet du mémoire à vos collègues internes.

Après cela, en temps normal, les membres du jury informel me posent quelques questions pour vérifier si j'ai bien compris ma propre prose, puis s'auto-congratulent d'avoir un interne aussi travailleur, orateur, synthétique, pointu et surtout d'avoir eu un maître de mémoire aussi talentueux et pédagogue. Merci monsieur l'interne d'être passé par hasard au milieu du savoir et d'en avoir ramassé quelques miettes. Ça, c'est en temps normal.

Pour moi, j'ai eu droit à un tout autre spectacle. Pour ne pas que ce soit flagrant que A et B se détestent (alors que tout le monde le sait), Pr A avait chargé Pr C. du CHU d'Acôté-Pasloin de mener mon réquisitoire. Les questions n'avaient pas pour but de vérifier mes connaissances mais de mettre Pr B à défaut, de le déstabiliser et le décrédibiliser en public :
"Je sais que ce n'est pas de votre faute mais, pourquoi avez-vous choisi cette façon de recueillir les données ?
_ Ben euh...parce qu'il n'y en avait pas d'autre.
_ Ah je vois. Donc cette étude présente un gros problème de méthodologie qu'il aurait fallu mieux définir avec votre maître de mémoire dès le départ.
_ Vous savez, c'est mon premier mémoire. Je n'avais pas connaissance de toutes ces subtilités.
_ Oui oui bien sûr, je ne vous blâme pas. En plus votre étude ne montre rien de significatif.
_ Malgré 60 dossiers inclus et 40 personnes rappelées individuellement, nous n'avons pu recueillir que 35 résultats mais ils font ressortir un doute non négligeable. Cette étude montre que ça vaudrait le coup de monter une étude multi-centrique dans plusieurs CHU.
_ Oui oui, mais l'étude actuelle n'est pas significative. Beaucoup de travail pour rien au final."

Mettez-vous à ma place. Je ne pouvais pas lui dire dans le blanc des yeux "je ne suis pas d'accord avec vous" et juste après "merci pour le diplôme de spécialiste que vous m'accordez". J'ai fermé ma bouche et je me suis barré en serrant les dents. Mon travail s'est fait démolir, pas à cause de son manque de qualité (j'en parlerai plus tard), ni de mon manque de sérieux, de rigueur scientifique ou d'acharnement. Non. Mon travail s'est fait défoncer pour une querelle de personnalités, et même pas la mienne en plus !

Le plus surprenant, c'est que Pr C, un peu plus tard, est venu me voir en privé.
"Je voulais revenir sur ton mémoire. On voit que tu as travaillé dur et que tu es très rigoureux, c'est évident. Par contre, je pense qu'en modifiant 2 ou 3 détails, ça pourrait donner un sujet de thèse très intéressant, voire même un article dans une grande revue médicale. Je te laisse mon adresse. Contactes-moi et on en reparle. Je te félicite encore, bravo."

Ça m'a laissé perplexe. Je ne comprenais plus rien : il est bien ou il n'est pas bien mon mémoire à la fin ? Et puis m'en fous si vous l'aimez pas mon mémoire; il est à moi, je l'aime et c'est moi qui l'ai fait tout seul avec mes petits doigts...et je vous emmerde !!!

La suite ici.

2 commentaires:

  1. Bon tu as ta spécialité, alors haut les coeurs! et bravo
    et puis va le voir le PrC parce que si tu peux faire ta thèse à partir de ce mémoire c'est déjà une partie du boulot fait, non?
    alors les embuscades entre A, B et C... n'aie pas d'états d'âme c'est leur problème : prends le mémoire et la thèse et tires-toi!!
    Pas si négatif tout ça si tu fais une croix sur les embrouilles inter-chefs

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  2. Attends attends ! c'est pas fini, il se passe plein de trucs après ça encore =)

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