mercredi 17 décembre 2014

Coeur fondant

"_ Alors ? comment c'était ?
Lola me harcèle de questions depuis mon retour de métropole. Entre deux patients, entre deux examens, pendant les pauses, entre les pauses...dès qu'elle expire en fait. Mais je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Elle le voit bien à mon regard et mon sourire en coin indécrochable que je suis heureux. Alors on joue, on se titille : elle me questionne, je ne réponds pas, mais elle sait que je n'ai qu'une envie, c'est d'en parler, et je sais que de son côté, elle meurt d'envie d'entendre toute l'histoire, tous les menus détails.
_ Bon, la journée est finie. Je t'offre le mojito ?
_ oh ouuuiiiiiiii ! comme ça tu me racontes tout !" dit-elle en applaudissant.

Je resitue pour tout le monde : le bord de mer, le coucher de soleil, les palmiers, 2 verres de menthe qui fait tourner la tête et des lunettes de soleil. La confession peut commencer.

" _ Tout d'abord, je dois préciser qu'il ne s'est rien passé.
_ Oh arrête ! T'as des étoiles dans les yeux depuis que tu es revenu. Ne me dis pas, à moi, qu'il ne s'est rien passé.
_ Bah non il ne s'est rien passé, patate ! je venais la consoler parce que son oncle s'est suicidé. Il ne pouvait rien se passer. Décemment.
_ Effectivement, vu comme ça...mais bon, rien de mieux pour remonter le moral que...
_ Oui oui j'ai compris mais non.  Mon sexe n'est pas un vulgaire cric à soulever l'estime de soi.
_ Bon alors ? si tu ne lui a pas soulevé le bas de caisse, vous avez fait quoi ?
_ Et bien...

Retour en arrière.

Emilie m'avait appelé suite au décès de son oncle, désespérée, en larme, toute seule dans sa nouvelle vie, perdue dans son nouveau CHU. Elle avait été mon externe et était devenue mon amie. Depuis, nous nous écrivions régulièrement, à peu près tous les 6 mois, pour garder le contact. Vous voyez ? ce genre de personne que vous ne voyez pas souvent mais que vous ne voulez pas perdre de vue, qui a une place spéciale dans votre vie. Laquelle ? ni l'un ni l'autre ne sait, mais une place indissociable.

Et bien nous avions su garder ce genre de lien là, d'autant plus flou qu'il est émotionnellement fort. Je n'avais pas eu de nouvelles depuis quelque temps. Longtemps, à dire vrai. Pourquoi m'a-t-elle appelé après autant de temps ? je sais que je comptais pour elle, elle me l'avait dit. Si elle m'appelle dans un moment de détresse c'est que je tiens une place très importante dans sa vie, alors !

J’avoue, j'ai ressenti un peu de fierté. Suite à mon congrès, j'en ai profité pour prendre le train et la rejoindre. Elle m'avait donné l'adresse, je me suis débrouillé avec les transports en commun. Il faisait froid, je rappelle que nous sommes en novembre, la pluie était fine et glacée. Je me trimbalais ma petite valise à roulette avec mon arme secrète à l'intérieur.

"_ C'était une boite de préservatifs ?
_ Non Lola, non ! Tu me laisses raconter la suite ?
_ Oui oui, vas-y, je ne t'interromprai plus.
_ Donc, je disais..."

J'ai frappé à sa porte, un immeuble impersonnel, neuf, glacial, un bloc de béton que trois pauvres touffes de citronnelle n'arrivaient à dé-stériliser. Elle m'ouvrit, emmitouflée dans une couette, les cheveux en pétard, un maquillage mélangeant le style du clown et du panda, sauf qu'elle ne rigolait pas du tout. Je voyais à ses yeux rouges qu'elle avait abondamment pleuré. Elle se jeta dans mes bras :
"_ Merci d'être venu ! Merci, merci, merci.
_ C'est normal. Je serai toujours là pour toi.
_ Non, c'est pas normal. C'est pas normal ce qui m'arrive, c'est injuste et je ne peux même pas en parler avec ma famille, ils sont dans le même état que moi. Personne pour se remonter le moral.
_ Et tes amies ?
_ Ma seule amie, c'est ma sœur.
_ Ah oui, mince.
_ Je t'offre quelque chose ?
_ Offre moi d'entrer déjà.
_ Ah oui pardon, je suis nulle.
_ Mais non, t'inquiète, c'est pas grave.
_ Je peux t'offrir un thé, un Lapsang Souchong.
Oh, mon thé préféré. Est-ce un signe ?
_ Oui, avec plaisir.

Elle me fit une place sur son canapé et se cala contre mon épaule.

_ C'est plus facile pour moi de parler comme ça. Je n'arrive pas bien à me livrer si j'ai quelqu'un en face de moi.
_ Je connais, je fais pareil.

"_ Et oh ! patate ! on est souvent en face l'un de l'autre quand on se parle, non ? intervint Lola.
_ Oui, au boulot, mais quand on se confie l'un à l'autre, on est côte à côte. Rappelle-toi, chez toi. Et là, on est assis en face de l'eau, chacun regardant l'horizon, non ?
_ Oui, c'est pas faux. Vas-y, continue, confie-toi, mon canard.
_ Pfff...confit de canard toi même ! Donc, j'en étais où ?...Ah oui !"

_ Tout s'était bien passé, on avait fait notre réunion familiale mensuelle, il y avait tout le monde : mon père, ma mère, ma grand-mère, ma sœur et Victor. On a super bien mangé, comme d'habitude, mamie est un cordon bleu, un peu bu forcément, et on a surtout bien ri. Le fait qu'il soit sourd, enfin, fût, n'a jamais empêché le dialogue entre tous, au contraire. Tous le monde signait, parlait, souvent les deux en même temps, alors les repas duraient des plombes.
Cet usage du subjonctif imparfait à l'oral me mis dans tous mes états.
_ Chacun est retourné chez soi en fin de soirée, Victor vivait chez mamie, il est resté sur place. Et le lendemain...
_ ... Je suis là, je t'écoute toujours.
Des sanglots bloquaient sa voix.
_ Le lendemain...mamie l'a retrouvé dans son bain, les veines des avant-bras tranchées.
_ Oh merde !
_ Comme tu dis.
_ Pardon, ça m'a échappé.
_ Tu vois comme toi, ça te choque. Imagine nous ! On riait avec lui encore la veille ! Putain, la veille !!!
_ C'est horrible !
_ Je te passe comment le fait de s'absenter en début de stage pour retourner chez mamie, tu sais comment ça a pu être perçu...
_ J'imagine.
_ Poser un second jour de congé pour l'enterrement...
_ Tu en as parlé à tes co-internes ?
_ Je n'ai même pas eu le temps. Quand j'ai quitté précipitamment le service quand j'ai appris la nouvelle, ils se sont ligués contre moi, disant dans mon dos que j'étais une tire-au-flan.
_ C'est honteux.
_ Ils ne m'ont même pas crus pour l'enterrement. Ils ont dit que je faisais mon intéressante.
_ Comment tu as su ce qu'ils disaient en ton absence ?
_ J'ai parlé à un de mes chefs, il m'a compris, soutenu...franchement, sans lui,  je me serais déjà tiré une balle.
_ Faut pas dire ça. Ce sont des connards, tes co-internes. Je t'ai vue bosser, tu étais une excellente externe et je n'ai aucun doute que tu dois être une super interne.
_ Merci, c'est gentil.
_ C'est la vérité. Je le pense sincèrement.
_ Merci du fond du cœur.
_ Mais tu as fais comment pour te rapprocher d'un de tes chefs dans une ambiance aussi hostile ?
_ Bah...euh...c'est à dire que...j'avais fait un rêve érotique à propos de lui, mais bon, aucun lien ! Je ne suis pas du tout intéressée par lui, hein ! Rien du tout ! Et bon, du coup, comme je rosissais à chaque fois qu'on se croisait, je me suis senti obligée de lui dire. C'est lui qui a rosi et il m'a remercié pour mon honnêteté en me promettant d'être à l'avenir honnête avec moi également. D'où les confidences. Voilà, tu sais tout.
Putain, mais moi j'aurais kiffé que quelqu'un fasse des rêves érotiques sur moi !!!
_ Merci de te confier à moi.
_ Merci à toi, je me sens déjà un peu mieux.
_ Tu aimerais faire quoi pour te sentir encore mieux ?
_ Mmm...rien...juste rester là, dans tes bras, à lire et écouter de la musique.
_ Oui, je vois ça, tu as dévalisé un disquaire ?
_ Non, j'ai ressorti tous les albums, CD et cassettes, que j'ai achetés depuis l'apparition du baladeur. Je me dis, comme Victor était sourd, une façon de lui rendre hommage ce n'est pas le silence, au contraire, c'est d'écouter tous les trucs que lui n'a jamais pu entendre.
_ C'est effectivement plus positif. Et en ce moment, tu écoutes quoi ?
_ Bon, en ce moment, c'est pas du super joyeux. Je me repasse Harvest, de Neil Young.
_ Ce n'est pas très gai, en effet.
_ Non, mais c'est parfait pour un moment comme maintenant."

La platine diffusait "Heart of Gold" : "J'ai traversé l'océan pour un cœur en or", ça me correspondait assez, je trouve.
Puis est passé "Out on a weekend" : "Regarde le jeune homme seul, en weekend, il essaye de communiquer mais n'arrive pas à parler". Mais grave !!!

Si elle savait tout ce qui me passait par la tête à ce moment, sentir son corps chaud contre le mien, se retrouver tous les deux sous une couette à lire et écouter de la musique, moi en train de la consoler, la réconforter, à faire mon chevalier blanc comme j'adore le faire... et en même temps cette énorme érection sous la couverture, en contradiction totale avec le fait qu'il y ait une magnifique vétérinaire qui m'attend dans la savane...
Et que vient faire un mec complètement paumé dans sa tête chez une fille au fond du gouffre ? est-ce que je peux vraiment l'aider, la réconforter, si moi-même je ne sais plus où est le Nord ?


"_ Oui mais avec ta grosse verge, ça fait cadran solaire, tu peux toujours lui donner l'heure.
_ T'as pas bientôt fini Lola !!!
_ Ahahah. Vas-y, continue."


Nous avons passé tout l'après-midi comme ça, enlacés, elle enroulée dans sa couette, moi sous sa couette, sa tête tantôt contre mon épaule, tantôt contre ma cuisse, à écouter de la musique et lire son livre chacun dans sa bulle, partageant nos bulles respectives, emportés par la senteur de notre thé et le doux tambourinage de la pluie sur le toit. C'était bon. Vint le soir.

"_ Tu as faim ?
_ Non, pas vraiment. Et je n'ai pas le courage de faire à manger. C'est honteux, je suis une terrible hôtesse.
_ Vu les circonstances, tu es excusée. Tu veux que je te fasses à manger ?
_ Oh tu ferais ça ? tu es un ange.
_ Je sais. Plutôt sucré ou salé ?
_ Mmm...tu saurais faire des desserts ?
_ Bien sûr ! Je vais te faire ma spécialité. Tu as des pommes, de la farine, du sucre et du beurre ?
_ Euh...je t'avouerais, ça fait un moment que je n'ai pas fait les courses.
_ Bon, tu as une supérette pas loin ?
_ Oui, au coin de la rue.
_ Bon, je reviens dans une demi-heure. Vas prendre un bain si tu veux."

Je m'en fus sous la pluie fine et glacée mais j'avais chaud en dedans. Moi, les filles fragiles qui ont besoin d'un prince, ça me fait fondre et craquer en même temps. Ça tombait bien, j'allais lui faire un gâteau à la fois croustillant et fondant.

J'ai pris tous les ingrédients à la supérette, plus un petit déjeuner pour moi le lendemain. J'ai tout rapporté à l'appartement. Elle était pelotonnée dans son canapé, comme un chat, roulée en boule. En cherchant une casserole, j'ai tout fait tomber, ça l'a réveillée.

"_ Qu'est-ce que tu fais ?
_ Bah, un gâteau, comme promis. Vas prendre un bain, je m'occupe de tout.
_ Mmm"

Elle lâcha sa couette, la laissant négligemment sur le canapé. Elle était vêtue uniquement d'un énorme pull noir à grosses mailles qui s'arrêtait juste en haut de ses cuisses blanches et un peu en dessous de sa toison fine que je distinguait entre les mailles. Les courbes de son corps se dessinaient en ombre chinoise à travers son maigre vêtement, éclairées par la faible lumière provenant de la baie vitrée derrière elle. Ses bouts de seins généreux pointaient vers le Nord (ah bah, il était là, le Nord!) et ne cherchaient qu'à traverser la laine comme pour m'accueillir.

J'ai failli en perdre ma casserole. L'ange est passé et s'est dirigée sous la douche. Ce n'est qu'en entendant les gouttes clapoter contre la faïence que j'ai repris mes esprits. Bon, d'abord découper les pommes en dés. Les mettre au fond d'un plat à gratin. Euh...bon, c'est rangé où ? la dernière fois que j'ai fouillé, j'ai déclenché une avalanche d'ustensiles. Cette fois, je vais être plus délicat. Ça, c'est quoi ? ça ressemble à un plat à gratin, non ? Bon, c'est rond et ce n'est pas en verre. Qu'à cela ne tienne. Je presse un petit citron sur les pommes pour qu'elles ne brunissent pas.

Puis dans un casserole sèche, faire caraméliser 100g de sucre. Facile, il faut juste remuer souvent pour ne pas que ça n'accroche. Verser dessus 30cl de crème fraiche. Le caramel va durcir d'un coup, c'est normal, à moins de chauffer la crème mais bon...je n'ai pas que ça à faire. Il suffit de remuer le caramel dans la crème chaude et ça suffit.
Pendant que la crème caramel se fait doucement, mélanger 100g de beurre dans 200g de farine pour faire une pâte sablée qui déchire sa race.
Verser la crème caramel sur les pommes, saupoudrer la pâte sablée sur le tout et enfourner 15 à 30 minutes en fonction du four mais ça dépend du four alors pour un four que vous n'avez pas fréquenté, faut voir.
Elle sortit de la douche :

"_ Mmm ! ça sent bon ! j'ai faim ! Qu'est-ce que tu as préparé ?
_ Un crumble pomme-caramel.
_ Vas-y ! Montre !
_ Je ne sais pas si c'est prêt.
_ C'est pas grave, fais voir quand même.
J'ouvris la porte du four, juste à temps pour me rendre compte que le dessus prenait une couleur plus que brune, à la limite du cramé.
_ Oulah ! C'était moins une !
_ Aaaaah ! Fais moi goûter !
_ Oh merde !
En voulant sortir le plat du four, j'ai pris les manicles, attrapé les bord du plat pour me rendre compte que les côtés coulissaient.
_ Merdemerdemerdemerde
Tout en me dépêchant de sortir le plat du four sans en foutre partout, j'ai vite posé le plat sur la gazinière et des filets de caramel liquide s'échappaient des bords.
_ Ah mince, tu as pris mon moule à manqué. Forcément, ça coule.
_ Ah zut de crotte de bique ! c'est en train de couler entre les grilles de la gazinière.
_ Hihi ! crotte de bique ! c'est rigolo. Ça doit faire 20 ans que je n'ai pas entendu cette expression. Vite on va nettoyer.
Elle s'est empressée de ramasser les taches de caramel avec ses doigts et les lécher d'abord timidement.
_ Oh la vache ! Ton caramel a un petit goût de citron, c'est une tuerie !
_ Fais voir !
_ Oh mazette ! oui !
_ Donne moi ça !
Elle pris le plat et le renversa légèrement pour en faire couler davantage.
_ Hey ! Laisses-en un peu dans le plat !
_ Ta gueule et lèche !"

"_ C'est ce que je leur dis à tous !
_ Lola !!!"

Nous avons continué à manger le crumble directement dans le plat, avec des cuillères cette fois-ci.
"_ Il ne te fallait pas grand chose pour retrouver un début de sourire. C'est bien.
Elle fit une petite moue, mi joyeuse, mi mutine, prise en flagrant délit de rupture de déprime.
_ Forcément, tu sors l'artillerie lourde aussi.
_ Ah non, c'est rien ça encore.
_ Sans déconner. Personne ne m'avais jamais rien cuisiné. Aucun mec je veux dire. A part mamie.
Et hop, retour dans le broyage de noir.
_ Hey, regarde-moi.
Je lui soulevai le menton avec un doigt encore collant de caramel.
_ Tu n'as rien à te reprocher. Tu es en train de faire ce qu'il aurait souhaité que tu fasses : il était sourd, écoute toute la musique que tu peux. Il était muet, alors parle. Il est mort, soit vivante, le plus vivante possible.
_ Merci pour ce que tu es en train d'essayer de faire. Mais il me faudra plus qu'un gâteau pour arriver à me faire sortir de cet état.
_ Bah voilà : sortir ! Viens ! on va faire un tour dehors.
_ Non, je ne peux pas, je suis d'astreinte demain.
_ Ah bon ?
_ Non, je n'ai pas voulu poser de congés pour ne pas m'enfoncer encore plus auprès de mes co-internes.
_ Ah mince ! ça commence et finit à quelles heures ?
_ 7h30 à ...mystère, ça dépend de la somme de travail.
_ Bon, on pourra passer la fin de journée ensemble au moins.
_ Non plus, j'enchaine avec une garde de nuit.
_ Ah crotte ! et dimanche matin tu vas dormir. Bon, ça ne nous laisse pas beaucoup de temps ensemble, je repars dimanche après-midi.
_ Oui, c'est nul. Je suis nulle, j'aurais du anticiper.
_ Non, tu ne pouvais pas, tu m'as appelé la semaine dernière. C'était impossible de s'organiser autrement.
_ Oui. Tant mieux que tu ne le prends pas mal.
_ T'inquiète.
_ Allez, au lit !
_ Oui, t'as raison. Viens, je t'installe le clic-clac."

J'avoue, j'ai été un peu déçu. Suite à mon expérience sous les tropiques, où, non non, il ne se passera rien et au final il y a eu bisou, j'espérais quelque chose du genre. Chacun à une extrémité du lit, osant à peine s'effleurer du pied, pour se réveiller au matin dans les bras l'un de l'autre. Quelque chose comme ça.

Tant pis, je vais planter mon piquet de tente de mon côté, priant les étoiles pour qu'elle vienne se glisser subrepticement sous mes draps pendant la nuit.

J'ai été réveillé par l'odeur du café. Elle était déjà habillée, la grande classe malgré le froid, pantalon anthracite impeccable avec le pli devant, veste assortie, manteau noir immaculé, écharpe en laine bordeaux et bonnet en velours noir, avec de petites boucles d'oreilles assorties à l'écharpe. Pas de rouge à lèvre, juste un peu de gloss et un smoky eye très discret. La classe, je vous dis. Bon ok, ça ne sert à rien quand on sait qu'elle va devoir mettre sa blouse ou même devoir enfiler sa tenue de bloc (on ne sait jamais), mais c'est pour le principe.

"_ Je ne voulais pas te réveiller. On se retrouve cet après-midi."
Elle m'embrassa sur la bouche, un baiser à la fois tendre et familier, presque anodin. Je n'ai rien pu répondre, j'avais le goût du café mêlé à celui de son gloss à la cerise que je savourais en passant la langue sur mes lèvres.
J'ai passé la matinée tranquillement, en me passant un des CD qui trainaient négligemment. Je choisis Nina Simone, "Feeling good" of course. Je finis mon livre, le "Hussard sur le toit", où il fait face à une canicule et une épidémie de choléra. C'est bien, ça me donne chaud sans me donner la diarrhée.
J'ai flâné un peu dans les rues, mangé un sandwich en rêvant et je suis retourné à l'appartement pour sortir mon arme secrète : mon moule à muffin en silicone.

C'est ultra simple, prendre 250g de farine, mélanger avec 2 œufs + 1/2 sachet de levure. Faire fondre 75g de beurre avec 75g de sucre. Verser le beurre sucré dans la pâte, mélanger et rajouter 10cl de lait.
Ensuite, verser dans le moule en silicone à raz bord.
Et c'est là que la petite touche de magie intervient : insérer discrètement 1 carré de chocolat noir juste sous la couche superficielle de pâte. Enfourner 45mn dans un four à 180°. Quand ça va gonfler, la pâte va recouvrir le chocolat et ça va vous donner un cœur fondant.

Emilie est rentrée en début d'après-midi.

"_ C'est bizarre, j'ai encore l'odeur de sucre de hier soir dans le nez.
Elle me vit sortir les muffins du four.
_ Oh la vache !
_ Je t'ai préparé un petit goûter.
_ Mais tu es parfait comme mec toi !
_ Merci merci.
_ Et en plus c'est trop bon ! mais aie ! c'est chaud par contre ! mais c'est bon. Oh putain ! j'ai du mal à me retenir de me re cramer la langue."

Nous avons continué à nous câliner dans le canapé, sous la couette, entre coupés par un muffin, une page de nos livres respectifs, l'album "Fight for your mind" de Ben Harper.

"_ Je passe un excellent moment Georges, merci.
_ Avec plaisir. Tu es mon amie et c'est ce que les amis font.
_ Il y a une Mademoiselle Georges sur ton ile avec toi ?
Alors là, c'est le tourbillon dans ma tête. Que dis-je ? le cyclone tropical intense ! Elle part dans pas longtemps pour sa garde, donc pas le temps de faire des galipette mais juste assez pour faire des bisous. Mais j'ai une copine moi normalement. Bon, elle n'est pas sur mon ile avec moi, je vais la rejoindre dans pas longtemps mais bon...techniquement, je ne suis pas encore avec. Mais non ! ça ne se fait pas voyons. Rappelle-toi, Joannie, elle t'avait trompée et ça ne t'avait pas super fait plaisir. Tu voudrais réellement infliger cette peine à quelqu'un ?
_ Oui, il y a une Mlle Georges.
_ J'espère qu'elle se rend compte qu'elle a de la chance de t'avoir.
_ Je l'espère aussi."
Elle a sérieusement intérêt en me rendre cette faveur que je lui fais ! J'ai une femme magnifique dans mes bras, vulnérable, que j'ai essayé de draguer dans le passé, qui me trouve génial et que je laisse de côté pour retrouver ma promise sans entacher mon armure de chevalier blanc. Ça fait un peu mal au cul mais je me sens un peu comme Lancelot.

"_ Mais putain Lola ! qu'est-ce que tu fous !!! pourquoi tu me balances le fond de ton verre à la figure ?!?!?!
_ Bah, t'as dis Lance l'eau !
_ Ah Ah Ah ! très malin !
_ Fais gaffe, t'as encore un bout de menthe sur la joue, là."

Elle s'en fut vers sa garde en me glissant à l'oreille "Tu peux dormir dans mon lit si tu veux". J'étais aux anges, j'avais finalement accès au sésame. Est-ce que j'aurais droit aussi à lui offrir le repos du guerrier (ou plutôt de la guerrière) en rentrant de l'hôpital, lessivée, demain matin ? Mais pourquoi j'espère ça ? je viens de lui dire que j'avais une copine et j'imagine des trucs...non mais ça ne va pas bien dans ma tête. Je me suis endormi dans son odeur, dans un sommeil de coton et de souffre.

En me réveillant (je vérifie que je n'ai pas laissé de trace sur les draps, on ne sait jamais, un sommeil agité...), je regarde l'heure : où est-elle ? 8h. C'est encore tôt. Si la garde se finit à 7h30 ou 8h, le temps de faire quelques transmissions, prendre un petit déj...si en plus il y a eu des complications, qu'elle n'a pas dormi de la nuit...qu'elle en profite pour se reposer...Bon admettons.

Elle est rentrée vers 11h, la tête enfarinée (sans doute à cause de surdosage de mes gâteaux). C'était l'heure de mon départ, j'avais bouclé ma valise et j'ai quitté mon ange réfrigéré pour m'envoler vers les cieux ensoleillés de mon ile tropicale.
Nous nous sommes longuement pris dans nos bras, elle a pleuré un peu. Avant de partir, de ses yeux rouges, elle m'a confié :
"_ Mon cœur est trop lourd en ce moment pour le partager avec qui que ce soit. J'espère juste pouvoir un jour l'alléger. Et quand ce sera le cas, j'aimerais y placer quelqu'un comme toi. Merci d'avoir été là pour moi."
Elle me laissa franchir le pas de la porte avec un baiser d'adieu de ses lèvres salées sur les miennes.

Et moi, secrètement, j'avais mis une volute de son parfum à mon poignet, volé d'un spray dans sa salle de bain. Je rejoignait les nuages avec sa senteur et une promesse d'amour. Un jour...


"_ Ah ! ça ne se finit pas si mal ! Et la suite ? Tu la revois quand ?
_ Minute ! je m'envole demain pour l'Afrique pour rejoindre Fenouil.
_ Mouais...c'est moins intéressant tout de suite.
_ Attend ! Je vais sans doute avoir des tonnes de trucs à te raconter.
_ Mmm méfie-toi. J'ai peur pour toi. Ne te perd pas.
_ Pourquoi tu dis ça ?
_ Tu es un petit cœur en sucre, je ne voudrais pas que tu te brises."

Lola me congédia avec un petit baiser dans le cou, juste sous l'oreille, pile sur la carotide. 

Je crois que je voyage trop en ce moment, j'ai peur de me perdre en effet.


To be continued...




Emilie est morte en vain, une histoire canadienne (en français) sur le surmenage des étudiants en médecine :
http://plus.lapresse.ca/screens/6d7fef92-b063-48bd-a5fa-1b41ea0a5bf8%7C_0





5 commentaires:

  1. De la tendresse, de la pâtisserie et des blagues, dommage que tu sois si demandé, tu es l'homme parfait ^^ tu es entre la meilleure amie et le chevalier blanc. Parfait ^^
    De gros bisous en attendant la suite. (Toujours accroc à tes mots (maux)).

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  2. et la suite ? J'avais du retard dans mes lectures bloguesques (faites des gosses qu'ils disaient), mais finalement j'ai tout rattrapé ! Y aura-t-il une fin à la saison 2 ?

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    1. Bonjour
      Oui, il y a une suite, j'y travaille, mais bon...faites des gosses...
      Oh merde, spoiler saison 3 !!!

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